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DIAL 2708

AMÉRIQUE LATINE - SOS : peuples indigènes d’Amazonie

Eduardo Tamayo

lundi 1er mars 2004, par Dial

En complément du dossier précédent, nous publions un compte rendu (rédigé par Eduardo Tamayo) ainsi que la déclaration finale de la rencontre ayant regroupé plusieurs organisations indigènes amazoniennes de différents pays, à Quito, à la fin du mois de janvier 2004. Textes paru dans ALAI, 30 janvier 2004.


« Quand le dernier fleuve sera asséché, quand le dernier poisson sera pêché, quand le dernier arbre sera coupé, nous aurons, à ce moment- là, cessé d’exister. »

C’est avec la signature d’un compromis pour la vie « afin de garantir notre continuité en tant que peuples » que se sont terminées le 30 janvier dernier à Quito les réunions du conseil de coordination et du conseil de direction de la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien (COICA) qui regroupe les organisations de l’Equateur, de la Colombie, du Brésil, du Pérou, de la Bolivie, du Surinam, du Venezuela, de la Guyane et de la Guyane française.

Durant les délibérations, quelques unes des menaces et dangers qui affectent les peuples du bassin amazonien ont été mises à jour et des résolutions concernant, entre autres, le Plan Colombie, les activités pétrolières, forestières et minières, l’Accord de libre commerce des Amériques (ALCA), la situation des indigènes au Brésil et au Venezuela, furent adoptées.

En ce qui concerne le Plan Colombie, il a été souligné que les peuples indigènes « se trouvent entraînés sans le vouloir par les acteurs du conflit armé interne, qui attentent également à notre sécurité territoriale et notre existence physique et culturelle en tant que peuples indigènes ». Face à cette situation, la COICA a décidé d’appuyer l’accord souscrit entre le gouvernement colombien et l’Organisation des peuples indigènes de Colombie (OPIAC) et de soutenir la création de la Table ronde régionale d’Amazonie pour « analyser et trouver des solutions viables aux conséquences sociales et environnementales de l’application du plan Colombie, entre autres : les déplacements massifs, les séquestrations et le recrutement obligatoire, les impacts sur l’environnement causé par les fumigations dans les territoires indigènes ».

Par ailleurs, les dirigeants amazoniens ont déclaré que si l’ALCA entre en vigueur, « nos pays seront obligés d’autoriser l’exploitation des matières premières et leurs ressources naturelles, en violation de la souveraineté nationale, ce qui aura pour effet d’augmenter la pauvreté qui touchera tout spécialement les peuples indigènes ». Pour répondre à ce projet, ils ont décidé de s’impliquer directement mais en restant coordonnés dans la lutte contre l’ALCA et ont réaffirmé le principe de la « libre détermination pour vivre dans la dignité ».

En ce qui concerne le Venezuela, la COICA a décidé « de reconnaître le processus de changement structurel que poursuit l’actuel gouvernement du président Hugo Chávez, qui réalise aussi des actions spécifiques en faveur des peuples indigènes ». À l’inverse de cette position, la COICA déclare que, dans le cas du Brésil, le gouvernement de Luis Inácio Lula da Silva manque d’une politique indigène spécifique ; c’est pourquoi elle demande qu’il cesse de considérer les indigènes « comme des gens relativement incapables » Ce préjugé, au fil des temps, « a porté préjudice à notre relation avec l’Etat dans la mesure où celui-ci traite avec des personnes intermédiaires qui ne sont pas indigènes, nous supprimant ainsi notre voix et nos droits en tant que citoyens capables de présenter des propositions susceptibles de servir nos propres intérêts ».

Sur des questions bien précises, la COICA demande au gouvernement brésilien de garantir la sécurité des terres indigènes (en particulier l’homologation en une zone continue de la terre indigène de Raposa Sierra del Sol à Roraima), le retrait de tous les envahisseurs qui se trouvent sur les terres indigènes, le jugement des coupables des assassinats de 24 indigènes, l’attribution dans le budget national d’un poste spécifique pour satisfaire les besoins des indigènes et l’installation d’une table ronde amazonienne régionale pour discuter les problèmes indigènes.

En dernier lieu, la COICA a examiné les activités que poursuivent les entreprises pétrolières, minières, forestières et productrices de gaz dans les territoires indigènes amazoniens du Pérou et de l’Equateur. Pour ce dernier pays, elle déclare que les territoires de la tribu kichwa de Sarayacu, du peuple shuar achuar et des communautés kichwas de Rucullacta, se trouvent menacés dans leur intégrité physique et culturelle par la présence de la Compagnie générale des carburants (bloc 23) et de la Compagnie Burlington (bloc 24), multinationales appuyées par le gouvernement équatorien qui a militarisé ces zones. Les organisations indigènes demandent au gouvernement d’annuler les concessions accordées à ces deux entreprises qui doivent se retirer des territoires indigènes. De plus, elles demandent que le territoire indigène de Saracayu soit déclaré Zone d’intérêt biologique et Patrimoine culturel.
Pour le Pérou, les activités des entreprises espagnoles du Consortium forestier et les activités de celles qui s’adonnent à l’exploitation du gaz attentent à la sécurité territoriale des peuples indigènes et à leur existence, surtout pour le peuple ashaninka de la province d’Atalaya, dans la région de Ucayali. Elles réclament, avant d’octroyer une concession quelle qu’elle soit, l’obligation d’établir des plans viables de l’organisation des territoires indigènes avec la consultation et la participation des organisations représentatives des peuples indigènes.


La déclaration de la COICA : Engagement en faveur de la vie

Les organisations réunies au sein de la Coordination des organisations indigènes du bassin amazonien (COICA), l’Organisation nationale indigène de Colombie (ONIC), le Conseil indigène d’Amérique centrale (CICA) et toutes celles qui partagent les principes et valeurs fondamentales pour la vie.

CONSIDERANT

1. – Les violations croissantes de nos droits, les menaces pesant sur nos vies, notre spiritualité, nos territoires, nos ressources et notre liberté ;

2. – La constante ingérence dans nos pays d’agents extérieurs qui considèrent notre présence comme une menace pour « le développement et la démocratie » ;

3. – Que les gouvernements qui se succèdent sont pour la plupart au service des intérêts étrangers, en particulier des groupes économiques qui ont pillé notre richesse, dévasté la nature et plongé dans la marginalité et la pauvreté leurs habitants ;

4. – Les tentatives pour limiter ou éliminer les droits fondamentaux reconnus dans la constitution, droits conquis par nos actions historiques que l’on cherche aujourd’hui à remplacer par de nouvelles politiques et législations « démocratiques » qui veulent légitimer les crimes qui se commettent contre nous.

NOUS DECIDONS

En vertu du droit fondamental à la vie, du fond de notre sagesse millénaire et actuelle, dans le respect et la solidarité mutuelle, NOUS
NOUS ENGAGEONS :

 À assumer l’ENGAGEMENT POUR LA VIE, afin de garantir notre continuité EN TANT QUE PEUPLES qui, par notre spiritualité, notre identité, nos valeurs, sommes les graines qui, semées en terre, rendent possible la récolte de bons fruits pour nourrir ceux qui ont faim.

 À unifier nos actions locales, globales et contribuer, nous tous qui vivons de la nature et grâce à elle, à construire une humanité et un environnement viables.

 À ce que le respect de la diversité et l’éthique de la réciprocité soient ce qui orientera l’accès aux biens matériels, nous guidant vers une vie marquée par la force spirituelle,

 À ce que tous les êtres vivants puissent se reproduire en toute sécurité et qu’ils aient une vie saine et durable,

 À appliquer les plans, les principes et critères aux politiques de coopération internationale avec les peuples indigènes, application prioritaire dans le cadre de l’Agenda indigène amazonien (AIA), ainsi que dans d’autres plans nationaux, régionaux et internationaux, comme des instruments qui orienteront les relations de respect et d’appréciation de nos droits avec les organismes de coopération.

Conclu et signé dans la ville de Quito en Equateur, le 30 janvier 2004 pendant la tenue des sessions, XIII/CC et XVII/CD de la COICA.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2708.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : ALAI, 30 janvier 2004.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source française (Dial) et l’adresse internet de l’article.

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