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DIAL 2932

BRÉSIL - Le Brésil a besoin de découvrir l’Amazonie

Frei Betto

mardi 1er mai 2007, mis en ligne par Dial

Toutes les versions de cet article : [français] [Português do Brasil]

L’Amazonie couvre 5% de la surface terrestre et abrite 20% des réserves mondiales d’eau douce. On y trouve 30% de la biodiversité mondiale. Autant de raisons – et la liste pourrait être allongée facilement – d’être inquiet pour son avenir lorsque, comme Frei Betto, on est informé des destructions et pillages qui s’y déroulent. La richesse unique de ce territoire est aussi son pire ennemi, car elle attire toutes les convoitises [1]. Cet article, publié dans Adital le 2 mars 2007, cherche à tirer la sonnette d’alarme. Sa traduction française était une suite logique à l’effort de l’auteur.


En février, au cours d’un déjeuner à Rio avec le président équatorien Correa, un important entrepreneur brésilien qui investit en Amazonie, m’a dit avoir vu, à plusieurs reprises, deux yachts de Bill Gates, équipés d’une plate-forme pour hélicoptères, naviguant sur l’Amazone. Le fondateur de Microsoft ne fait rien sans raison. L’Amazonie qui occupe 59% du territoire brésilien suscite la convoitise des étrangers. Quand fera-t-elle l’objet d’un engagement du gouvernement brésilien ?

Cette année, le thème de la Campagne de fraternité de l’Église catholique est l’Amazonie. Les évêques attirent l’attention, à juste titre : « il existe encore beaucoup de désinformation et d’idées préconçues au sujet des peuples et du monde de l’Amazonie. Il faut dépasser l’idée toute faite selon laquelle seul est civilisé le peuple qui vit dans et par le commerce et qui pense comme le veulent les plus forts et les plus riches qui sont aussi les maîtres sans scrupule des moyens de communication. Les peuples d’Amazonie ne sont pas des sauvages attardés et ignorants. Percevoir le sens historique et symbolique de l’Amazonie peut nous amener à découvrir, en lien avec ces peuples, une vision plus humaine et généreuse de la vie » (Document de la Campagne de fraternité, p.12).

L’Amazonie est aussi péruvienne, colombienne, équatorienne. D’une étendue de 7,01 millions de km2 (le Brésil tout entier fait 8,5 millions de km2), elle représente 5% de la surface de la terre et abrite 20% de l’eau douce disponible dans le monde et 80% de ce qui est disponible au Brésil. Elle contient 34% des réserves mondiales de forêts et une incalculable réserve de minerais (or, cassitérite, tantale…). Près de 30% de toutes les espèces de la faune et de la flore de la planète s’y rencontrent. L’Amazonie brésilienne possède 22 000 km de rivières navigables et compte 23 millions d’habitants, parmi lesquels 163 peuples indigènes.

Selon le CIMI (Conseil Missionnaire Indigéniste) [2], 13 indiens furent assassinés dans la région en 2005 ; 33 ont fait l’objet d’une tentative d’homicide ; 34 ont été menacés de mort ; 53 blessés ; 18 ont été victimes de discrimination raciale ; 13 de violences sexuelles ; on compte aussi 31 suicides ; 32 conflits de la terre ; 17 invasions et déprédations de terrains.

Certains pensent que les peuples indigènes occupent des réserves d’une étendue excessive. C’est un des nombreux mensonges concernant les peuples amazoniens. La vérité est qu’un peu plus de 25 000 grands propriétaires règnent en maîtres sur un territoire équivalent à celui occupé par les populations indigènes, noires et métisses, qui atteignent 2 millions de personnes.

Que faire pour la défense de l’Amazonie ? Écoles, associations, syndicats, ONGs et mouvements sociaux divers doivent promouvoir des débats sur la région pour approfondir la connaissance de son histoire, sa culture, sa tradition culinaire, ses plantes médicinales, etc. Il faut faire pression sur les députés fédéraux et les sénateurs pour qu’ils appliquent l’article 51 des dispositions provisoires de la Constitution – il y a presque 20 ans qu’elles sont dans le tiroir – qui oblige le Congrès à revoir toutes les concessions de terres publiques d’une surface supérieure à 3 000 hectares.

L’Amazonie va devenir un désert si, dès maintenant, on n’empêche pas la déforestation croissante, l’usage des agrotoxiques et la plantation de transgéniques. Selon le Ministère de l’environnement, l’action prédatrice des forestiers, miniers et grands propriétaires de l’agrobusiness a déjà entraîné la dévastation de 70 millions d’hectares de forêt ; plus de 22 millions pour les seules 10 dernières années.

La biopiraterie domine sans contrôle en Amazonie [3]. Sa sociobiodiversité se dégrade sous l’action d’environ 1 300 entreprises de biotechnologie, dont, pour la plupart, le siège est aux États-Unis. La quantité de matériel génétique volé durant les dernières années atteint 20 000 exemplaires par an des diverses espèces. Selon les évêques « le même gouvernement qui élabore le Plan de développement durable de l’Amazonie finance et appuie les monocultures intensives et extensives de grains, de canne à sucre et d’eucalyptus, incite à développer l’exploitation minière et sidérurgique, et fait peu ou rien pour combattre l’occupation illégitime des terres, ajuster et actualiser les indices de productivité des propriétés rurales et régulariser la propriété de la terre des populations traditionnelles de l’Amazonie. »

Parmi les consommateurs européens et états-uniens de marchandises brésiliennes, grandit le souci de vérifier la provenance des produits, si le bois a été extrait d’Amazonie ou si la viande vient de pâturages ouverts grâce au déboisement. Le commerce équitable et la consommation responsable peuvent renforcer le réseau mondial de solidarité et de défense de l’Amazonie. Cela veut dire défendre la Terre, cet organisme vivant que les grecs nommaient Gaia et dont nous sommes l’expression consciente mais pas toujours intelligente.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2932.
 Traduction de Jean Desgouttes pour Dial.
 Source (portugais) : Adital, 2 mars 2007.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, le traducteur, la source française (Dial) et l’adresse internet de l’article.

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