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DIAL 2565

PARAGUAY - Une expérience prometteuse de formation politique des jeunes

Francisco De Paula Oliva Alonso, s.j.

dimanche 16 juin 2002, mis en ligne par Dial

Face à la corruption généralisée de la classe politique paraguayenne et de l’absence de perspective de changements positifs dans l’immédiat, le Père Francisco De Paula Oliva Alonso, s.j., à qui nous devons le texte ci-dessous, a lancé un mouvement de formation des jeunes pour doter le Paraguay d’hommes et de femmes, tout à la fois compétents et intègres, pour prendre un jour la relève. Les événements récents (manifestations contre les privatisations, répression policière, procès innombrables aboutissant à des peines fictives, impunité généralisée, manoeuvres du général Oviedo à partir du Brésil pour s’emparer du pouvoir, paupérisation croissante, etc.) montrent assez la gravité de la situation et la nécessité de travailler à une relève possible.


Le sage proverbe "Mieux vaut apprendre à pêcher que donner un poisson" est incomplet pour notre monde moderne latino-américain. Des milliers de jeunes, après s’être préparés consciencieusement, vont pêcher, découvrent que le lac où il y a du poisson est propriété privée et qu’ils ne peuvent pas y entrer. Aurions-nous besoin de nouvelles lois pour ouvrir ces "chasses gardées" et mettre les richesses du pays au service de tous ? Le Parlement Jeune du Paraguay veut y arriver par deux chemins. Le premier est la formation des futurs dirigeants adultes du Paraguay au niveau politique dans son sens le plus large. Le second est de faire en sorte que les jeunes eux-mêmes, sans attendre demain, influent aujourd’hui sur la marche de la nation. Car s’ils n’influent pas aujourd’hui en tant que jeunes, ils n’influeront jamais : demain, ils seront des adultes !

En janvier 1999, un essai pilote a été fait. Un certain après-midi, à la Chambre des députés d’Asunción, la capitale du Paraguay, la presse et la télévision n’en revenaient pas : 36 jeunes, entre 15 et 30 ans, discutaient selon la plus rigoureuse technique parlementaire de thèmes cruciaux pour la vie du pays.

Cet événement éveilla tant d’intérêt qu’en avril commençait le Second Parlement Jeune pour lequel avaient été reçues 1 470 demandes de jeunes provenant de tout le pays. Le programme devait avoir une durée de trois ans. La première année était à la charge du Centre d’études nationales : Parlement Jeune. Pendant huit mois, les jeunes devraient venir à la capitale tous les troisièmes samedis et dimanches du mois pour recevoir, des meilleurs spécialistes de chaque thème, une formation de niveau universitaire. L’unique local qui pouvait contenir tant de jeunes était le grand amphithéâtre (Aula Magna) de l’Université nationale. Pour recevoir un certificat, il fallait avoir assisté à 80% des sessions, avoir écrit un mémoire et avoir obtenu cent signatures de citoyens s’engageant à les élire comme leur jeune parlementaire. Deux cent quarante seulement sont allés jusqu’au bout.

Pendant l’année 2000, ces jeunes gens consacrèrent les six premiers mois à travailler au niveau local et départemental. Il s’agissait d’étudier dans la ville ou le village où ils vivent les besoins les plus urgents, d’en rechercher les causes, d’en prévoir les conséquences, et avec l’assistance des personnes compétentes du lieu, de trouver pour deux de ces problèmes les solutions possibles qui pourraient au cours de l’année être soumises aux autorités et à tous les citoyens. Evidemment étant donné leur fonction de jeunes parlementaires, avant d’adopter des mesures concrètes, ils devaient les présenter à toute la population locale. Tout ceci a été repris ensuite au niveau départemental pendant les mois d’avril, mai et juin. Le résultat fut une série de déclarations et de projets de lois qui devraient être menés à bien dans chaque département du pays.

En juillet 2000 le Parlement Jeune national a débuté à Asunción. D’abord en commissions de travail et ensuite en sessions plénières à la Chambre des députés. Trois déclarations furent approuvées et neuf lois sur des thèmes aussi importants que le premier emploi, la décentralisation de la santé publique, la réforme du code électoral, la commission de lutte contre la corruption, les asentamientos paysans [1], etc. La loi sur le premier emploi a été choisie par le Parlement Jeune pour être introduite au Congrès national par initiative populaire, et d’autres points sont actuellement étudiés avec les sénateurs et les députés pour être pris en compte dans les projets de lois en discussion dans les deux Chambres du Paraguay.

Parallèlement a commencé en avril 2000 le Cours d’études du Troisième Parlement Jeune. Les 1 200 jeunes qui ont demandé leur admission ont suivi le même programme : une année d’étude suivie de deux années de pratique parlementaire. Nous espérons qu’il y aura chaque année un nouvel appel à candidature pour que la jeunesse s’intègre dans un Parlement Jeune.

Le fruit de tout ce travail a été l’éveil de la conscience de plusieurs centaines de jeunes gens et de jeunes filles. Curieusement, il y a un équilibre numérique dans le groupe : moitié garçons et moitié filles. De même pour ceux de l’intérieur du pays, la moitié est composée d’indigènes et de paysans. C’est pour le Paraguay une prometteuse intégration. La population reconnaît peu à peu l’importance et la représentativité de ces garçons et de ces filles. Dans certains conflits sociaux et devant le discrédit de la classe politique, la meilleure solution a été de recourir à eux.

Pour mener à bien ce projet, a été créée l’Association Paraguay 2 008 Parlement Jeune. La Compagnie de Jésus y est présente par un jésuite qui impulse et coordonne les travaux.

Deux remarques pour terminer. Au Paraguay, 70 % de la population a moins de trente ans. Cela veut dire trois millions sur une population de cinq millions et demi. Devant cette situation démographique, le leadership jeune est essentiel. En le promouvant, l’Église et la Compagnie de Jésus rendent au pays un grand service. Mais nous ne voulons pas nous cantonner à notre patrie. Nous rêvons que dans d’autres nations se fasse la même chose et qu’un jour, pas très lointain, puisse se former un Parlement Jeune Paraguay-Brésil, ou au niveau de tout le Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay) ou même un Parlement Jeune dans lequel des jeunes latino-américains, européens, africains … puissent se réunir pour discuter et prendre des mesures. Si on globalise pour le mal, nous devons aussi globaliser l’espoir et les réalisations pour le bien des hommes et des femmes qui entrent dans le XXIème siècle.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2565.
 Traduction Dial.

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[1Installations de paysans sans terre occupant des terrains pour les cultiver.

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