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DIAL 2969

AMÉRIQUE LATINE - Lettre au Saint-Père pour demander le retour au texte original de la 5ème CELAM

Xavier Gilles de Maupeou

jeudi 1er novembre 2007, mis en ligne par Dial

Des modifications ont été faites au texte approuvé par les évêques latino-américains lors de leur réunion à Aparecida (voir DIAL 2941, 2949, 2955). D’où viennent-elles ? Quand ont-elles été faites ? Qui en sont les auteurs ? Les modifications « clandestines » apportées au texte final, qui portaient notamment sur les communautés ecclésiales de base, ont suscité polémiques et inquiétudes. La « langue de bois » des milieux ecclésiastiques et romains a tellement bien fonctionné que le soupçon pouvait toujours être repoussé sur « l’autre ». Les accusés, indignés, n’osaient avouer que les censeurs romains étaient - aussi - passés par là, tant il est habituel dans l’Église catholique que les membres de la hiérarchie ne critiquent pas Rome. Le pape a approuvé un texte modifié. Quelques rares voix se sont fait entendre. Voici celle de Xavier Gilles de Maupeou, évêque du diocèse de Viana dans l’État du Maranhão et président de l’importante Commission pastorale de la terre, organisme de l’épiscopat brésilien au service des paysans sans terre.


À Sa Sainteté Benoît XVI
Évêque de l’Église de Rome
Ici sur terre Pasteur de l’Église universelle

Saint-Père,

Je suis un évêque âgé, indigne et sans importance, à l’intérieur du Maranhão, un des États les plus pauvres du Brésil. Je suis évêque du diocèse de Viana. Je suis président du Regional Nordeste V de la CNNB [1] qui correspond aux limites géographiques de la province ecclésiastique du Maranhão. Depuis l’an dernier, je suis également président national de la Commission pastorale de la terre. Durant votre visite au Brésil, je vous ai personnellement remis une lettre vous relatant un peu la réalité agricole et agraire de notre pays, la situation dans laquelle vivent les travailleurs et travailleuses ruraux et la nécessité de la réforme agraire.

Ce qui m’amène aujourd’hui à vous écrire, ce sont les altérations introduites dans le texte final du document de la Ve Conférence générale de l’épiscopat latino-américain et des Caraïbes. Altérations qui concernent surtout les paragraphes se référant aux Communautés ecclésiales de base (CEB). Altérations qui tentent de faire disparaître ce que les évêques avaient reconnu comme la véritable valeur de ce que les CEB représentent et qui introduisent des expressions qui, d’une certaine forme, en arrivent même à culpabiliser les CEB en les traitant simplement de petites communautés, leur enlevant leur caractère ecclésial.

Saint-Père, il est lamentable, triste et même scandaleux qu’une telle chose arrive : qu’on essaye de manipuler et dénaturer ce qui a été produit par un travail profond de nos frères participants de la Ve Conférence. Et ceci est plus préoccupant quand on sait que le 30 mai, lors de la présentation de la synthèse finale en vue de l’approbation finale en assemblée plénière, le texte sur les CEB, simplement, avait disparu. L’explication donnée fut qu’il y avait eu faute de frappe. Maintenant, après l’approbation du texte, les changements effectués me donnent la pleine certitude qu’il s’agissait d’une grossière manipulation, quelque chose d’impensable dans une Église, dans notre Église catholique, apostolique, romaine.

Continue la lutte entre le Temple et le Royaume. Le Temple désire toujours maintenir le pouvoir et le contrôle, s’imposer à n’importe quel prix. Les Communautés dirigées par des laïcs hommes et femmes, et qui espèrent avoir un jour leurs prêtres, prêtres de communauté, bien qu’en pleine communion avec leurs pasteurs, représentent un danger pour qui veut la centralité du pouvoir. Le Royaume de Dieu, lui, est fruit de l’Esprit et germine librement là où l’Esprit le veut.

Qu’en serait-il de mon diocèse, avec une population de 560 000 habitants et 26 000 kilomètres carrés s’il n’y avait pas eu les communautés de base ? Ce sont elles qui maintiennent en permanence la présence de l’Église et de l’Esprit dans des lieux distants et isolés comme les Campos Abertos da Baixada Maranhense et dans le Vale do Rio Pindaré. Ce sont elles qui font fructifier les semences de la Parole qu’elles écoutent et annoncent. Ce que je dis de mon diocèse c’est ce qu’on peut dire de la majorité de nos églises latino-américaines et des Caraïbes. C’est parce que je suis témoin de la force et de la chaleur des CEB, c’est parce que je vois qu’elles sont l’unique forme par laquelle l’Église se fait présente dans la vie de la plus grande partie de notre peuple, c’est pour cela que je ne peux rester silencieux devant les tentatives faites pour les disqualifier et de ne pas leur reconnaître une légitimité.

Saint-Père, je sais très bien quels signes d’affection les Brésiliens vous ont portés durant ces jours où vous êtes venu ici. Ces signes d’affection n’auraient pas été aussi grands s’il n’y avait pas eu l’action féconde des CEB qui se sentent et se proclament Église, partie de notre Église catholique et qui pour cela vénèrent, respectent leurs pasteurs et collaborent avec eux.

Je termine ici mes paroles filiales et fraternelles, exprimées à cœur ouvert et qui demandent que le texte original approuvé par les évêques de la Ve Conférence soit l’unique texte considéré comme officiel. S’il n’en était pas ainsi, nous donnerions appui et couverture à ceux qui veulent semer la zizanie dans le Champ du Seigneur.

Avec tout mon respect, je demande votre bénédiction et vos prières.

Viana, samedi 25 août 2007, XXème semaine du temps ordinaire et fête de saint Louis

Xavier Gilles de Maupeou
Évêque de Viana, au Brésil.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2969.
 Traduction du portugais relue par l’auteur.

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[1C’est une des sections régionales de la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNNB).

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