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DIAL 3038

BOLIVIE - Le pays est déclaré « territoire libéré de l’analphabétisme »

Alex Contreras Baspineiro

dimanche 1er février 2009, mis en ligne par Dial

Cet article d’Alex Contreras Baspineiro, journaliste et ancien porte-parole du gouvernement d’Evo Morales a été publié par ALAI, Agence latino-américaine d’information, le 22 décembre 2008. L’auteur revient, très enthousiaste, sur la réussite du programme d’alphabétisation mené, depuis quelques années avec l’aide des gouvernements cubain et vénézuélien.


Cochabamba, Bolivia, 21 décembre 2008.

« À un journaliste de la presse internationale qui me demandait “Pourquoi voulez-vous être président ?”, j’ai répondu : “je veux être président pour qu’on éradique l’analphabétisme en Bolivie, mission à laquelle je m’engage devant le peuple bolivien, mission à laquelle je m’engage devant le monde entier”. » Le Président de la République, Evo Morales Ayma, a rappelé cette phrase lorsqu’il a proclamé que cette nation, située au cœur même du continent, était le troisième pays libéré de l’analphabétisme en Amérique latine.

Cuba a accompli cette mission historique en 1961, le Venezuela en 2005. Comme la Bolivie, ces pays font partie de l’Alternative bolivarienne des Amériques (ALBA).

Selon les chiffres officiels, en Bolivie, 819 417 personnes ont été alphabétisées sur une population de 824 101 illettrés recensée (soit 99%).

Oruro fut le premier département libéré d’analphabétisme, le 13 mars et Béni le dernier, en date du 13 décembre.

Avec le programme « Oui, je peux » [1], 24 424 lieux d’alphabétisation furent créés sur l’ensemble du territoire national avec l’aide de 130 assesseurs cubains et 47 vénézuéliens qui formèrent 46 457 alphabétiseurs et 4 810 superviseurs boliviens. Tous ont œuvré au nom de leur engagement social.

L’ambassadeur cubain en Bolivie, Rafael Dausá a souligné que l’analphabétisme avait un visage féminin car plus de 75% des personnes alphabétisées, surtout en zone rurale, étaient des femmes.

D’après l’Organisation des Nations unies pour la science, l’éducation et la culture (UNESCO), un pays est déclaré libéré de l’analphabétisme quand 96% des personnes de plus de 15 ans savent lire et écrire. Pour des raisons diverses, le degré zéro d’analphabétisme ne peut exister.

Première phase

Lors de la cérémonie organisée samedi 20 décembre dans la ville de Cochabamba, le chef de l’État a déclaré que la première phase du Programme national d’alphabétisation (PNA) était réalisée.

Pour la réalisation de cette phase, Cuba a fourni 30 000 téléviseurs et autant de magnétoscopes, un million deux cent mille fiches et les jeux correspondant aux 17 cassettes de la méthode audiovisuelle, ainsi que les manuels pour les alphabétiseurs. Avec l’aide du Venezuela et de Cuba ont été installé 8 350 panneaux solaires pour les communautés rurales qui n’avaient pas d’électricité.

D’autre part, 200 000 paires de lunettes ou de lentilles ont été distribuées aux participants qui avaient des problèmes de vue.

Le coût du PNA s’est élevé à 260 millions de pesos boliviens ce qui représente environ 36,7 millions de dollars.

« J’ai lu des livres qui racontent comment on a arraché les yeux aux premiers aymaras qui ont appris à lire et comment on a coupé la main aux premiers indiens qui ont appris à écrire. » affirma dans son discours le Président de la République.

Il a assuré que grâce au processus de changement qu’est en train de vivre le pays, jamais plus ce genre de discriminations contre les peuples indiens ne devaient se reproduire.

Le premier mandataire de la Nation a dit qu’il avait fallu attendre 200 ans pour venir à bout de l’analphabétisme, mais qu’il n’y aurait plus désormais ni colonialisme intérieur, ni colonialisme extérieur qui empêcheraient les Boliviens de s’émanciper.

Lors de la cérémonie historique au cours de laquelle la Bolivie a été proclamée « libérée de l’analphabétisme », étaient présents divers mouvements sociaux, ainsi que le Président de la République du Paraguay, Fernando Lugo, le Vice-président du Conseil des ministres cubain, José Ramón Fernández, le directeur du Bureau de l’UNESCO pour la région andine, Eduardo Matoko, l’autrice de la méthode « Oui, je peux », Leonela Rey ; le Ministre de l’éducation du Venezuela, Héctor Navarro et d’autres représentants des autorités nationales.

« Quand chaque Paraguayen, chaque Bolivien, chaque Argentin et chaque Brésilien pourra écrire de sa propre main l’histoire de son avenir, plus personne ne pourra lui voler l’espoir » a proclamé Fernando Lugo, Président du Paraguay dans son allocution.

Seconde phase

Ceux qui ont été alphabétisés, accompagnés de leurs familles et amis, ont arboré plus fièrement que jamais leurs costumes traditionnels ainsi que les certificats qui leur avaient été remis pour leurs efforts et, pour la plupart d’entre eux, le cahier où on pouvait lire les premières mots qu’ils avaient appris à écrire.

« C’est le moment le plus important de l’histoire de l’éducation en Bolivie », remarqua le Ministre de l’éducation, Roberto Aguilar.

Il souligna que le programme « Oui, je peux » constituait la première étape dans le processus de révolution démocratique dans la culture. « La première étape effective, bien réelle, dans le processus de révolution de l’éducation. »

« Le prochain espace à libérer consistera à éradiquer la pauvreté grâce à la révolution de l’éducation, grâce à la révolution démocratique et culturelle »

En février 2009 commencera la deuxième phase avec le programme « Oui, je peux continuer » [2] qui sera soutenu, lui aussi, par les gouvernements de Cuba et du Venezuela.

On estime que ce programme requiert 600 postes de télé pour les enseignements, sur une durée de deux ou trois ans. Une fois cette période achevée, la personne alphabétisée aura suivi les cinq années de primaire, et il lui restera à suivre les cours du secondaire.

« Nous poursuivrons sûrement avec la libération du Paraguay et du Nicaragua, c’est notre devoir envers une société naissante. Nous sommes des peuples qui croyons en nous mêmes. » a déclaré le ministre vénézuélien, Héctor Navarro.

Le programme d’alphabétisation a généré une immense attente et une mobilisation nationale sans précédent.

Aux côtés des alphabétiseurs cubains et vénézuéliens, une équipe de professionnels boliviens a accompagné toutes les étapes du processus. Mais aussi des enfants et des jeunes, des femmes et des hommes sachant lire et écrire, de toutes les couches sociales, se sont joints de manière désintéressée à la campagne.

Le dirigeant syndical, représentant à l’Assemblée constituante du Mouvement vers le socialisme (MAS), Román Loayza, a souligné qu’il n’est pas admissible que le processus de changement qu’est en train de vivre la Bolivie depuis trois ans, soit entaché par des actes de contrebande ou de corruption.

« Cette nouvelle Bolivie que nous sommes en train de construire ne peut être mise en péril par des intérêts particuliers ou des intérêts de groupe. Ce processus c’est nous, les mouvements sociaux, qui l’avons mis en route et non les représentants politiques traditionnels. C’est pourquoi les accusations de contrebande et de corruption portées contre certains membres du gouvernement doivent être totalement tirées au clair », a-t-il déclaré.

Ce qui est sûr, c’est que la proclamation que le pays est libéré de l’analphabétisme est une des pages les plus dignes et les plus significatives du processus de changement et de révolution sociale.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3038.
 Traduction de Michelle Savarieau pour Dial.
 Source (espagnol) : ALAI, 22 décembre 2008.

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[1« Yo sí puedo ».

[2« Yo sí puedo seguir ».

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