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COMMUNAUTÉ ANDINE - l’Union européenne veut ouvrir des négociations commerciales bilatérales avec le Pérou et la Colombie

Lourdes Castro

dimanche 1er février 2009, mis en ligne par Dial

Lourdes Castro est secrétaire du Grupo Sur, un réseau d’ONG européennes travaillant avec l’Amérique latine. Dans cet article publié dans le numéro 246 de la revue Brennpunkt Drëtt Welt (décembre 2008), elle rappelle que l’intérêt pour des accords de « libre-échange » avec des pays d’Amérique latine, perçus comme des débouchés commerciaux pour leurs produits, n’est pas l’apanage des États-Unis. L’Union européenne déploie des stratégies tout à fait similaires.


En juin 2007, l’Union européenne (UE) et la Communauté andine (CAN) [1], composée de la Bolivie, de la Colombie, de l’Équateur et du Pérou, ouvraient les négociations pour un accord d’association, qui était supposé renforcer les liens politiques et économiques entre les deux régions et favoriser l’intégration régionale des pays andins. Mais apparemment, la Commission européenne semble aujourd’hui avoir perdu tout intérêt dans un accord régional.

Le 11 novembre dernier, la Commissaire européenne des relations extérieures, Mme Benita Ferrero-Waldner, annonçait la possibilité de négocier des accords bilatéraux de libéralisation commerciale avec le Pérou et la Colombie. Déjà auparavant, le Président de la Commission européenne, M. Barroso, avait ouvert la porte à ce sujet aux gouvernements des deux pays. En pratique, cela implique que le traité complexe qui était prévu se réduit à de simples accords de libre-échange.

Paradoxalement la Commission européenne n’a jamais cessé d’insister sur le fait que ces négociations étaient surtout destinées à favoriser l’intégration régionale des pays andins, contrairement à la politique des États-Unis qui vise exclusivement ses propres intérêts commerciaux. En fin de compte, elle a donc opté pour la même formule. Il est inévitable de tirer un parallèle avec le processus de négociation bilatérale entrepris par les États-Unis après le fiasco de la Zone de libre-échange des Amériques (ZLÉA).

L’option des accords bilatéraux a toujours été l’épée de Damoclès dans le processus qui devait conduire à 1’accord d’association entre l’UE et les pays andins, et cela déjà bien avant le début des pourparlers. Le Pérou et la Colombie, dans le cadre de leur stratégie de diversification commerciale, ont insisté en permanence sur cette possibilité. En face, La Bolivie et l’Équateur ont plaidé pour un accord régional, qui devait servir de base à la construction d’une nouvelle relation, fondée sur une vision de complémentarité et de solidarité.

Confrontée à ces approches divergentes sur l’objectif et la finalité de l’accord, la Commission européenne a jadis insisté sur la dimension régionale des négociations et acceptait le consensus qui régnait à l’intérieur de la Communauté andine, de négocier en bloc, tout en tenant compte des sensibilités différentes de chaque pays. Néanmoins, il était apparent qu’elle se sentait mal à l’aise avec la position de la Bolivie.

Toute proposition alternative est évincée

Dans les couloirs et les salles des institutions européennes à Bruxelles, on a pu entendre à plusieurs reprises des fonctionnaires et députés donner un sens péjoratif au mot « populiste », en référence aux gouvernements de la Bolivie et de l’Équateur. En parlant ainsi, ils ignorent complètement la valeur profonde et l’importance que ces gouvernements ont non seulement pour la transformation démocratique en cours dans ces deux États, mais pour l’ensemble de l’Amérique latine.

De la même manière, les fonctionnaires européens ont ignoré dans les pourparlers les propositions visant à introduire des formules nouvelles par rapport aux asymétries et au Traitement spécial et différencié (TSA). Ceux-ci auraient pu ouvrir la voie à une architecture différente de l’accord d’association, en facilitant une négociation fondée sur le respect des différences et des sensibilités, tout en facilitant en même temps la cohésion entre les pays andins.

Le discours sur l’intégration régionale, qu’on n’a pas arrêté de prêcher dans les négociations pour l’accord d’association, n’a pas pu s’imposer face aux intérêts des grandes entreprises européennes. Celles-ci défendent un modèle de négociation que la Commission européenne considère comme immuable. C’est ce manque de flexibilité européen sur les modalités de négociation qui ont causé la situation actuelle, et non pas le manque de consensus à l’intérieur de la Communauté andine, comme le prétend la Commission pour justifier l’ouverture de pourparlers bilatéraux.

Les règles du jeu sont figées

Aujourd’hui, on applaudit donc l’intérêt du Pérou et de la Colombie à vouloir avancer rapidement et efficacement vers un accord de libre-échange (curieusement on ne parle plus d’accord d’association). En même temps, on passe sous silence le mécontentement populaire et la mobilisation sociale qui augmente au Pérou, ainsi que sur les graves violations des droits humains en Colombie dans le contexte de la politique de sécurité démocratique.

Tout cela se produit au milieu d’une crise économique d’envergure mondiale et alors que l’économie de la zone euro entre en récession, signal concluant que les recettes habituelles ne fonctionnent pas. Cependant la politique dominante est telle qu’elle ne laisse aucune marge de manœuvre à ceux qui, comme la Bolivie ou l’Équateur, proposent des options différentes pour les relations économiques et commerciales.

Cela explique pourquoi la réunion ministérielle entre l’UE et les pays andins, prévue pour le 11 novembre, ne fut pas ajournée comme le demanda Rafael Correa, actuellement à la tête de la Communauté andine. La réunion a finalement eu lieu avec les seuls représentants du Pérou et de la Colombie et on y décida d’avancer vers des accords bilatéraux sans écouter les arguments de la Bolivie et de l’Équateur. Car des propositions alternatives au modèle de négociation de l’UE n’entrent pas en ligne de compte, pas plus d’ailleurs que les préoccupations et les recommandations de certains eurodéputés et de la société civile. Aujourd’hui on montre de la « flexibilité » en laissant la possibilité à la Bolivie et à l’Équateur de revenir à la table de négociation quand cela leur convient. Mais bien sûr uniquement s’ils acceptent les règles du jeu que d’autres ont établies.


La Communauté andine et les accords d’association

Instaurée par l’Accord de Carthagène des Indes [2] en 1969, la Communauté andine est une communauté de quatre pays (Bolivie, Colombie, Équateur et Pérou) qui ont un objectif commun : favoriser l’intégration régionale en vue d’un développement intégral, équilibré et autonome. Ainsi elle garantit par exemple la liberté de circulation pour les habitants et les marchandises à l’intérieur de la région. Initialement, le Chili et le Venezuela étaient également membres, mais les deux États se sont retirés respectivement en 1976 et en 2006. À part les quatre pays membres, la Communauté andine, anciennement connue sous l’appellation de Pacte andin, compte aujourd’hui cinq pays associés (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay, Chili) et deux pays observateurs (Mexique et Panama).

Les négociations entre la Communauté andine et l’Union européenne sur un accord d’association ont débuté en juin 2007 et reposent sur trois piliers : le dialogue politique, la coopération au développement et les relations commerciales. Cet accord était sensé consolider les relations politiques et économiques entre les deux régions et ainsi renforcer la stabilité politique et économique des pays andins en favorisant l’intégration régionale. En novembre 2008, la Commission Européenne annonce la possibilité de négocier des accords bilatéraux de libéralisation commerciale avec le Pérou et la Colombie uniquement, mettant ainsi en péril les pourparlers pour un accord régional.


Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3040.
 Source (français) : revue Brennpunkt Drëtt Welt, n° 246, décembre 2008.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, la source originale (revue Brennpunkt Drëtt Welt), et l’adresse internet de l’article.

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[1Fondée le 26 mai 2969, la CAN a son siège à Lima (Pérou). D’une superficie d’environ 3,7 millions de km2, sa population est d’environ 98 millions.

[2Cartagena.

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