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MEXIQUE - La zone affectée par l’ouragan Stan : zone à risques en termes sociaux et électoraux (par le SIPAZ)

lundi 26 juin 2006, mis en ligne par Dial

Comme Organisations non Gouvernementales qui intègrent conjointement le Projet d’Observation et Surveillance du respect des Droits Politiques et Civils des Peuples du Chiapas en 2006, nous avons observé avec toujours plus de préoccupation la situation politique et sociale particulièrement vulnérable ainsi que le climat préélectoral tendu qui caractérisent l’ample zone affecté par l’ouragan Stan.

Huit mois après que ce terrible phénomène naturel ravage les régions Sierra et Costa du Chiapas, laissant derrière lui environ 700 mille sinistré(e)s dans les 41 municipalités officiellement déclarées comme faisant partie de la zone de désastre, les manifestations de non conformité toujours plus fréquentes et violentes, fruits des lentes avancées gouvernementales, tant dans le processus de reconstruction de l’infrastructure sociale (chemins ruraux, ponts, cliniques, écoles) comme dans la répartition juste et opportune des appuis officiels (logement, crédits, réhabilitation des champs de café), mais surtout dans le retard et la lenteur du renforcement des rives des fleuves qui en descendant de la Sierra Madre, traversent divers villages ainsi que zones urbaines et semi urbaines pauvres de villes comme Tapachula, Motozintla, Huixtla et Tonalá.

En ce sens, un suivi systématique de la presse écrite chiapanèque, réalisé dans le cadre de notre projet(1), nous indique qu’au cours de la période comprise entre janvier et mai 2006, dans les régions Costa et Sierra, 131 conflits sociaux se sont présentés. Ceci signifie près de 40% de tous les conflits sociaux qui ont surgi au Chiapas, une quantité qui a par ailleurs augmenté de 50% durant le mois de mai. 63% de ces conflits furent causés par des demandes de soutien et programmes de personnes sinistrées par l’ouragan Stan (que ce soit du fait de l’absence totale de ces soutiens ou du fait des retards avec lesquels ils sont remis), en particulier dans le cas du renforcement des rives des fleuves, le maintien des chemins et la reconstruction de ponts, la construction et remise des logements, ainsi que le soutien au secteur agricole. 27% furent dus aux problèmes relatifs à la corruption, parmi lesquels il faut souligner la répartition sélective et faisant preuve de favoritisme des soutiens et programmes gouvernementaux et/ou pour le détournement de fonds publics. Le restant des conflits s’est produit essentiellement du fait de la problématique agraire ou dans le cadre de l’accès aux ressources naturelles (voir graphiques annexes).

La situation actuelle des sinistré(e)s les maintient au bord de la désespérance, du fait de l’avance de la saison des pluies (qui a commencé le 15 avril dernier) et du début d’une nouvelle époque d’ouragans. On prévoit que 7 de ces phénomènes naturels d’une magnitude de 4 à 5 (c’est-à-dire avec des vents se déplaçant entre 210 et 249 km/h) atteindront les côtes du Mexique. De fait, la présence des premières tourmentes tropicales dans cette zone a déjà provoqué de nouveaux déplacements temporaires de quartiers populaires, l’isolement de zones rurales et la chute de 4 ponts provisoires sur la route de la Côte, une des voies de communication principale et stratégique à échelle régionale.

Face à cette inquiétude et non conformité justifiées de quartiers et communautés -dont la vie et l’intégrité courent un clair risque, ce qui constitue une violation à un droit humain élémentaire - les gouvernements fédéraux, de l’état du Chiapas et municipaux (de tous les partis politiques) ont répondu en violant de manière réitéré et préoccupante les droits humains, politiques et civils de nombreuses familles affectées, en venant même à utiliser la répression et persécution policières contre la population civile.
En ce sens, la violation des droits de la population a commencé depuis le niveau fédéral, lorsque le pouvoir exécutif a octroyé de manière fluide une grande quantité de fonds appliqués sous la forme de subsides et de d’avantageux crédits à l’initiative privée dans la zone hôtelière et touristique de la dite Rivera Maya au Quintana Roo, affectée par l’ouragan Wilma -qui toucha les côtes de la péninsule du Yucatán une semaine après le passage de Stan. Ceci alors qu’il chipotait ces mêmes ressources à la population pauvre du Chiapas.

La perte totale et pas encore récupérée des récoltes, terres cultivables, logements, écoles, centres de santé et d’emploi dans ces 41 municipalités a augmenté significativement les processus de migration vers les Etats-Unis, ainsi que les phénomènes de délinquance commune, ce qui signifie une violation persistante aux droits économiques, sociaux et culturels de la population affectée (droits au travail, à la santé, à l’alimentation, à l’éducation, au logement).

Le retard des gouvernements fédéral et de l’état du Chiapas quant à la réhabilitation des oeuvres d’infrastructure et de communication rendra plus difficile -et dans certains cas impossible - que des centaines de communautés aujourd’hui isolées, puissent exercer leur vote, ce qui constitue une violation au droit de vote de tous les habitants. ?A échelle municipale, dans le cadre de notre processus d’observation, nous avons commencé à recevoir des informations directes et à les vérifier par le biais du suivi de la presse locale quant à l’utilisation à des fins électorales de ressources destinées au soutien et à la reconstruction, ainsi que de programmes officiels de la part de tous les partis politiques qui sont à la tête des différentes mairies. Ils jouent ainsi avec les besoins basiques des peuples sinistrés, violant de ce fait le droit citoyen à voter librement sans faire l’objet de pression, de mise sous condition ou d’achat du vote. Par exemple, durant la période qui a fait l’objet de notre suivi, on a détecté six dénonciations publiques dans les municipalités de Huixtla et de Tapachula quant aux ressources du dit Plan de Reconstruction et de CONCAFE (tous deux sous la responsabilité du gouvernement de l’état du Chiapas).

Les mobilisations sociales constantes qui s’expriment par le biais de marches, sit-in, prises des mairies et de bureaux publics constituent une autre source de préoccupation. 28 cas se sont présentés un peu partout dans cette ample zone au cours des quatre premiers mois de l’année (selon notre suivi). La réponse du gouvernement a été toujours plus violente avec des opérations de répression réalisées les 8, 10 et 16 mai, dans les municipalités de Escuintla et Motozintla, au Chiapas.

Dans une société qui se dit démocratique et respectueuse d’un Etat de droit, qui inclut nécessairement le plein respect des droits humains, politiques et civils de la population, il résulte inacceptable que face à la juste non conformité sociale et à l’humaine désespérance, comme celle qu’exprime aujourd’hui la population sinistrée, la réponse passe par la violence et la persécution. De cette manière, on risque une plus grande escalade de la violence sociale.

C’est pourquoi comme organisations civiles, de caractère national et international, préoccupées par la situation des droits humains dans la zone, nous exprimons notre plus grande préoccupation face aux déclarations récentes du gouverneur Pablo Salazar Mendiguchía lorsqu’il affirme : “je ne permettrai pas que les manifestations de sinistrés -comme celle qui a eu lieu à Motozintla- transgressent l’Etat de droit” en soutenant catégoriquement que “les protestations des personnes affectées par Stan sont manipulées par des intérêts politiques" (journal La Jornada, 18 mai 2006).

Nous exhortons les trois niveaux du gouvernement à donner une réponse rapide et efficace aux justes demandes des milliers de familles de sinistrées, en respectant leurs droits humains, politiques et civils ; et à privilégier le dialogue et la négociation sur l’utilisation de la force pour éviter que cette zone que nous considérons de haut risque se convertisse en une d’explosivité sociale.

San Cristóbal de las Casas, Chiapas, 10 juin 2006

Atentamente,

PROJET D’OBSERVATION ET DE SURVEILLANCE DES DROITS POLITIQUES ET CIVILS DES PEUPLES DU CHIAPAS 2006

 Alianza Cívica Chiapas
 Centro de Derecho Humanos Fray Bartolomé de Las Casas (CDHFC)
 Peace Watch Suiza
 Propaz Suiza
 Servicio Internacional para la Paz (SIPAZ)

NOTES :

(1) On a donné un suivi aux journaux chiapanèques “Cuarto Poder” et “Expreso”, durant la période comprise entre le 1er janvier et le 31 mai 2006.


http://www.sipaz.org/fini_fra.htm

http://www.sipaz.org/documentos/obsddcp/info_obscdcp01_f.html

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