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VENEZUELA - La Mission logement : une proposition audacieuse pour affronter le problème historique de l’exclusion

Jesse Chacón

vendredi 11 mai 2012, par Thierry Deronne

Le processus de rupture et de transformation sociale que vit le Venezuela est sans aucun doute une révolution menée d’en bas, non par les élites ; ce processus s’est montré capable de construire un sujet historique national, qui s’exprime dans la mobilisation d’un pouvoir populaire, et les preuves abondent en ce sens.

La première preuve historique du rôle actif du peuple est le soulèvement du 27 février 1989 (le « Caracazo »), évènement qui signifie la rupture avec le système politique impérant et institue un cycle révolutionnaire. La deuxième, ce sont les soulèvements civico-militaires du 4 février et du 27 novembre 1992. Des officiers d’extraction populaire, constitués en avant-garde politique, lisent l’urgence d’ouvrir un nouvel espace de pouvoir dans l’atmosphère créée par le « Caracazo », se rebellent et se lancent à l’assaut du ciel.

Le dénouement de ces soulèvements civico-militaires reçus avec chaleur par la population montre clairement qu’il ne s’agissait pas d’un « putsch” isolé ni d’un « coup d’État » mais d’un coup de tonnerre insurrectionnel lié aux représentations collectives de résistance et de lutte politique vivantes dans les mentalités du sujet populaire.

Pendant la décennie des années 90 ce rôle central du peuple est redevenu présent dans le développement du cycle constitutionnel, s’exprimant à travers une grande mobilisation/production de pensée stratégique comme l’a synthétisée en 1996 « l’agenda bolivarien pour le changement ».

La vague populaire s’exprime à nouveau dans les urnes de 1998 qui, sur la base de ce programme, portent Hugo Chávez à la présidence du Venezuela. Elles le portent au gouvernement en tant que création populaire : le nouveau dirigeant exprime à la fois un projet de société et la volonté populaire, surmontant l’histoire nationale d’un « césarisme » où le tyran autoritaire habitait le subconscient national comme peur de la liberté et comme besoin d’un père qui résout tout.

Lors des faits tragiques d’avril 2002, dans le cadre du coup d’État organisé et réalisé par l’« opposition démocratique », le pouvoir populaire descend dans la rue et sans informations claires sur le sort subi par son leader Hugo Chávez, se lance à la conquête d’un projet collectif, pour reprendre le fil constitutionnel et l’actualité de la constitution bolivarienne. Alors que Hugo Chávez n’est pas présent, le peuple déborde, se mobilise en lien avec les courants nationaux révolutionnaires présents dans les forces armées et reprend le pouvoir, réoccupe le centre de la scène politique, qu’il occupe encore aujourd’hui.

Un tel sujet populaire, constitué en révolution, ne pouvait produire, en termes de réalisations sociales, de moindre résultat que la réduction structurelle de la pauvreté, de l’inégalité ou que la réalisation d’une politique d’éducation, de santé et de retraite garanties en tant que droits.

C’est aussi ce qui explique, à la suite de la grave crise climatique et de la perte de leur logement par des milliers de familles, la puissante réponse de l’État, avec la création par le président Chávez de la Mission logement.

Des analystes d’opposition ont crié au scandale quand le président a relogé un groupe de victimes des inondations dans le palais présidentiel, dans les ministères ou dans les installations militaires de Fuerte Tiuna ; leur inquiétude ne venait pas précisément du bouleversement de l’esthétique rigide de l’espace institutionnel, ni du changement de rythme de la fonction publique. Leur inquiétude venait du renouvellement de l’alliance entre les deux sujets : le militaire, national, révolutionnaire, et le sujet populaire. Elle venait du fait que le peuple continue à occuper le cœur de la vie politique ; non le centre symbolique, mais le centre matériel de la scène sociale vénézuélienne. C’est exactement ce qu’exprime ce groupe de personnes déplacées et relogés pour leur protection dans ces icônes du pouvoir que sont le palais présidentiel de Miraflores ou les installations militaires de Fuerte Tiuna.

La mise en route de la Mission logement n’avait pas encore commencé et n’en était qu’aux premiers mois de planification que déjà la droite et les sceptiques criaient à tout vent que tel projet serait impossible à réaliser, que c’était une folie, que jamais cela ne s’était fait, que de nouveau le populisme chaviste voulait « tout offrir ». Comme s’il ne s’agissait pas du peuple qui par sa lutte en profondeur a réussi à tout arracher, et à tout gagner.

Dans sa première année d’existence, durant 2011, selon des chiffres du ministère du logement et de l’habitat, la Mission Logement a construit 146.718 logements. En 2012 elle a déjà atteint la construction de 35.792 maisons et appartements, chiffre qui ajouté à ceux de l’an dernier, constitue 52,15% de l’objectif fixé pour 2011 et 2012, à savoir 350.000 maisons.

L’effet de cette mission sur l’économie ne s’est pas fait attendre avec un fort impact du secteur construction et logement. Le Produit Intérieur Brut (PIB) a cru 4,9% durant le dernier trimestre de 2011, pour finir l’année avec une croissance générale du PIB de 4,2%, en comparaison avec 2010. La Banque Centrale du Venezuela souligne la forte impulsion donnée au secteur de la construction. Celui-ci a cru de 10.9% lors du troisième trimestre de 2011 et de 12.8% lors du quatrième trimestre, ce qui représente une croissance annuelle de 4.8% pour ce secteur.

Les données sont claires et témoignent du succès de la Mission Logement. On peut bien sûr nier la réalité, il n’en reste pas moins que 80% des vénézuéliens l’évaluent positivement.

Cette proposition audacieuse de la révolution est le seul moyen de résoudre le problème structurel du logement et de dépasser les relations mercantiles d’exclusion et de domination. La Mission Logement est un exemple clair que seule la révolution nous permet de réaliser notre objectif de construire une société juste et inclusive. Le socialisme est le seul à cesser de considérer le logement comme une simple marchandise et à en faire un droit.


Jesse Chacón est directeur de GISXXI (www.gisxxi.org).

Source (en espagnol) : http://www.gisxxi.org/articulos/la-mision-vivienda-una-propuesta-audaz-para-enfrentar-el-problema-historico-de-la-exclusion-jesse-chacon-gisxxi/

Traduction : Thierry Deronne pour www.venezuelainfos.wordpress.com

Habitant(e)s de Ciudad Caribia, une cité nouvelle construite par la Mission logement, non loin de Caracas (2012)
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