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DIAL 2495

AMÉRIQUE LATINE - En condamnant les attentats terroristes, Rigoberta Menchú évoque Le radicalisme désespéré engendré par un système mondial hégémonique

Rigoberta Menchú - Noam Chomsky - Frei Betto

samedi 15 septembre 2001, mis en ligne par Dial

Parmi les innombrables déclarations qui ont été faites à la suite des attentats terroristes d’une extrême gravité perpétrés sur le territoire des États-Unis, nous avons retenu celle de Rigoberta Menchú, guatémaltèque, Prix Nobel de la Paix, face à laquelle nous mettons en écho celle d’un Étasunien célèbre, Noam Chomsky, professeur au Massachussets Institute of Technology, et celle du Frei Betto, dominicain et journaliste brésilien.


Après avoir pris connaissance des événements qui ont ému le monde aux premières heures d’aujourd’hui, je veux rendre publique ma position dans les termes suivants.

Je condamne fermement les actes terroristes inadmissibles qui ont coûté des milliers de vie civiles innocentes et qui ont déclenché une spirale de violence aux conséquences imprévisibles. Le terrorisme, d’où qu’il vienne, est une conduite politiquement injustifiable et moralement inacceptable.

J’exprime mes plus profondes condoléances et mon sentiment de solidarité envers les victimes, leurs familles et le peuple des États-Unis.

Je lance un appel à la sérénité et au bon sens pour éviter de répondre à la provocation et à l’insensé par quelque chose qui pourrait conduire à une offensive revancharde. Celle-ci ne ferait qu’alimenter une escalade de violence dont on sait comment et où elle commence, mais dont personne ne peut prévoir comment et où elle se terminera.

J’invite à renforcer au maximum les moyens qui rendent possible le dialogue entre un système mondial hégémonique, qui inclut et exclut sélectivement et unilatéralement, et le radicalisme désespéré des réponses qu’il a engendrées.

J’alerte la communauté internationale sur le risque que les actions de ces groupes terroristes contribuent à déclencher une logique de guerre, en cherchant à répandre de vieilles et nouvelles controverses entre les nations et en justifiant des actions contre des groupes et secteurs qui n’ont pas trouvé une attitude pluraliste pour que soient reconnues et respectées leurs expressions identitaires dans les cadres institutionnels actuels.

Je lance un appel aux moyens de communication pour éviter l’alarmisme fondé sur des interprétations à forte filiation idéologique, qui ne font qu’augmenter la confusion et alimenter les fantasmes de l’intolérance.

Finalement, j’invite la société civile de la planète, les Prix Nobel et ceux qui ont la responsabilité de gouverner tous les pays du monde, à ne pas formuler de conclusions hâtives sur les événements d’aujourd’hui et à nous engager dans un grand FRONT DU BON SENS qui retienne la bêtise lâche de la violence et évite de plus grandes souffrances à l’humanité.

Mexico, 11 septembre 2001.

Rigoberta Menchú Tum

Prix Nobel de la Paix

Ambassadrice de Bonne Volonté de la Culture de la Paix


« La violence engendre la violence »

[Frei Betto commence par rappeler que l’attentat perpétré sur le terrain des États-Unis dépasse tout ce qui était imaginable et que tout acte de terrorisme est exécrable.]

(...) Si les États-Unis sont attaqués aujourd’hui d’une façon si violente et injuste, c’est parce que, de quelque façon, ils ont humilié des peuples et des ethnies. (...)

Celui qui connaît l’histoire de l’Amérique Latine sait très bien comment les États-Unis, au cours de ces dernières années, se sont immiscés directement dans nos pays souverains, répandant la terreur. Maurice Bishop a été assassiné par les Bérets verts à Grenade ; les sandinistes ont été mis en déroute par le terrorisme déclenché par Reagan ; le blocus continue à l’égard des Cubains depuis 1961, sans qu’ils aient droit à des relations normales comme les autres pays du monde. Les dictatures au Brésil, en Argentine, au Chili, en Uruguay et en Bolivie ont été mises en place avec l’appui de la CIA et sous la direction de Henry Kissinger.

La violence engendre la violence, affirmait Dom Helder Camara. Le terrorisme ne mène à rien, il renforce la droite et supprime la démocratie, en renforçant les puissants dans la conviction que le peuple est incapable de se gouverner par lui-même.

On ne peut pas sacrifier des victimes innocentes pour satisfaire l’appétit de victoire des gouvernements impérialistes et pour des conflits entre ceux qui se croient les maîtres du monde et qui veulent se partager la planète comme s’il s’agit des parts d’un gâteau appétissant. Les attentats du 11 septembre démontrent qu’il n’y a pas de science ou de technologie capables de protéger les personnes ou les nations. Il est inutile que les États-Unis gaspillent 400 milliards de dollars cette année dans des plans sophistiqués de défense. Il serait préférable que cette masse d’argent soit utilisée pour la paix mondiale, qui ne peut naître un jour que comme la fille de la justice.

Frei Betto

Correio da Cidadania

15-22 septembre 2001


Le point de vue de Noam Chomsky publié dans La Jornada

« L’attaque terroriste [contre les États-Unis] a été un coup majeur porté contre les peuples pauvres et opprimés du monde entier. Les Palestiniens en seront fortement choqués. C’est un cadeau fait à la droite dure et chauvine des États-Unis, et aussi à celle d’Israël. Et la réponse programmée sera du même type, elle sera un cadeau à Ben Laden... le type d’action que l’on prévoit en représailles est justement celui que lui et ses amis recherchent. Exactement ce qui favorisera un appui massif et qui conduira à davantage et peut-être à de pires attaques terroristes, ce qui entraînera donc une intensification croissante de la guerre. (...)

Ce qui s’est produit mardi est d’une atrocité épouvantable, sans doute. Mais c’est le type de terreur auquel est soumise une bonne partie du monde, comme par exemple la destruction de la moitié des stocks de médicaments du Soudan (à cause de l’attaque des États-Unis, supposée être une représaille face aux attentats de Ben Laden). C’est un pays africain pauvre... que se passe-t-il quand on détruit la moitié des réserves de médicaments ? Car ça n’intéresse personne à l’Ouest. Mais quand on essaie de calculer le coût de cette action, on aboutit à un résultat de dizaines de milliers de victimes, de morts. Mais çà n’intéresse personne. C’est ainsi que l’on prétend faire fonctionner l’histoire ». (...)

« Il ne s’agit pas de ce qu’on lit dans les articles du New York Times : les fous nous attaquent parce que nous sommes tellement magnifiques. Ce n’est pas ce qui se passe.

Eux (les attaquants) accomplissent d’énormes atrocités en réponse aux atrocités réelles dont nous sommes responsables et qui continuent. S’il s’agit d’un groupe du Moyen Orient, ce qui est probable, nous pouvons commencer à faire le compte (des attentats commis contre cette partie du monde). Ça nous intéresse peu par ici, et ça n’importe presque à personne en Occident, mais cela ne veut pas dire que ça n’importe pas aux victimes. Par exemple, l’Irak, au cours des dix dernières années, c’était le pays le plus développé du monde arabe, dirigé par un monstre, mais ça ne dérangeait pas l’Occident. Les États-Unis et la Grande Bretagne l’ont appuyé quand il commit ses pires atrocités. Mais au cours des dix dernières années, ce pays a été dévasté, et aujourd’hui c’est un des plus pauvres du monde.

Ceci ne s’est pas fait contre Saddam Hussein qui s’en est trouvé renforcé..., cela s’est fait contre la population. Combien sont morts ? On ne le sait même pas. Il y a deux ans, Madeleine Albright était disposée à accepter le chiffre d’un demi million d’enfants morts à cause des sanctions des États-Unis, et elle dit : c’est un prix élevé mais nous sommes disposés à le payer. Mais ceci ne signifie pas que les Irakiens ou les gens de la région étaient disposés à le payer. Il y a une terrible colère partout à cause de cela. Au Liban, les attaques israéliennes aidées par les États-Unis ont probablement tué de 40 à 50 mille personnes pendant les vingt dernières années. Nous disons : qui s’en préoccupe ? Mais, les gens de la région, ça les préoccupe !

Noam Chomsky

La Jornada

15 septembre 2001


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2495.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Correio da Cidadania, La Jornada, septembre 2001.
 
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