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DIAL 2497

MEXIQUE - La paix au Chiapas : la fin d’une espérance ?

Service international pour la paix - Centre des droits de l’homme Bartolomé De Las Casas

samedi 15 septembre 2001, mis en ligne par Dial

Le Congrès du Mexique a approuvé la résolution sur les droits et la culture indigènes après en avoir modifié le texte dans un sens incompatible avec les revendications zapatistes. Par la suite, le même texte a été également approuvé par la majorité (17 contre 9) des Congrés des États composant le Mexique. Ceux qui ont refusé sont les États comprenant la plus grande partie de la population indigène. Des recours ont été faits auprès de la Cour suprême de Justice, qui se prononcera donc sur la légalité du texte. Après les perspectives ouvertes par le changement de pouvoir et la marche zapatiste, les espoirs de paix sont désormais soumis à rude épreuve. Ci-dessous un texte du SIPAZ (Service international pour la paix), août 2001, fait le point sur le déroulement des événements récents, et le Centre des droits de l’homme Bartolomé De Las Casas réagit le 14 août à la publication de la loi par le président Fox.


Synthèse du rapport du SIPAZ

Le 27 avril, le Congrès du Mexique a approuvé une résolution sur les droits et la culture indigène. Cette réforme constitutionnelle diffère significativement des accords de San Andrés et de l’initiative de loi de la COCOPA dont l’approbation était l’une des trois conditions posées par l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) pour renouer le dialogue. Les critiques de la loi finalement approuvée sont principalement dues au fait qu’elle ne reconnaît pas les peuples indigènes comme sujets de droit public, ne reconnaît pas le droit des peuples indiens sur leurs territoires, ni leur contrôle sur les ressources naturelles existantes dans ces territoires ; elle ne reconnaît leurs droits qu’à un niveau municipal, et elle relègue des aspects fondamentaux des droits indigènes aux Constitutions locales.

L’EZLN refusa rapidement la réforme, considérant qu’elle était une trahison face aux espoirs de trouver une solution négociée au conflit du Chiapas, et a suspendu ses contacts avec le gouvernement. De nombreuses organisations indigènes et non gouvernementales, nationales et internationales, ont également critiqué les réformes. Les voix qui ont soutenu la loi provenaient de membres du PRI (Parti révolutionnaire institutionnel) et du PAN (Parti d’action nationale), qui ont affirmé que les modifications faites par rapport à l’initiative de la COCOPA étaient nécessaires pour éviter la « balkanisation » du pays.

Le texte de la réforme constitutionnelle a été envoyé aux 31 Congrès locaux pour sa ratification. Ce fut un processus polémique comme il n’y en eut jamais auparavant au Mexique. Des groupes indigènes et de la société civile manœuvrèrent intensément pour que les législateurs des États désapprouvent la loi. Le texte fut refusé dans les quatre États où est concentrée la plus grande quantité d’indigènes du pays (Chiapas, Oaxaca, Hidalgo et Guerrero). Ainsi, la légitimité de la loi demeure mise en cause du fait qu’elle est largement refusée par ses bénéficiaires supposés.

Néanmoins, au milieu du mois de juillet, 17 États avaient approuvé la loi (9 se sont exprimés contre), atteignant ainsi la majorité requise - la moitié plus une voix - de la part des Congrès locaux. Et bien que quelques Congrès n’aient pas encore voté, la Commission permanente du Congrès de l’Union a accéléré le calcul et a déclaré la loi approuvée, en l’envoyant au président Fox pour sa promulgation.

En réponse à cela, de nombreuses municipalités et autorités des États, ainsi que des législateurs du PRD (Parti révolutionnaire démocratique) ont commencé à présenter des recours légaux devant la Cour suprême de Justice de la nation. Sans attendre que cette instance se prononce sur ces cas, le président Fox a proclamé la loi indigène le 14 août. À la suite de cela, les protestations et les recours constitutionnels se sont multipliés. Un autre domaine des réclamations concerne l’Organisation internationale du travail, car on a dénoncé le fait que la loi approuvée contredise la Convention 169 sur les peuples indigènes et tribaux dans les pays indépendants, ratifié par le Mexique.

Certains analystes suggèrent que des intérêts économiques ont joué un rôle important dans l’approbation de la réforme indigène : des aspects comme la terre, les territoires et les ressources naturelles sont en conflit avec les projets transnationaux au Chiapas et dans d’autres régions du Mexique.

Pendant ce temps, comme résultat du Traité de libre commerce Nord Amérique, des importations très bon marché des États-Unis ont envahi les marchés agricoles de Mexico. Les ventes et les prix de produits comme le café, le maïs et la canne à sucre ont chuté, provoquant une crise profonde dans la paysannerie mexicaine.

Quant à la question du Chiapas, l’exécutif ne semble pas avoir de stratégie de paix à long terme. Des membres du gouvernement ont affirmé que tout avait été fait de ce qui pouvait l’être pour atteindre la paix au Chiapas. Le gouvernement semble avoir fait le pari de répondre aux causes profondes du conflit par des programmes d’aide économique, alors que cette stratégie n’a pas donné de résultats dans le passé. D’autre part, une réponse centrée sur le Chiapas pourrait laisser de côté le caractère national du thème indigène. Le président Fox a affirmé que les préoccupations du Chiapas ne sont pas nécessairement celles de tout le pays et que le plan Puebla-Panamá (un mégaprojet de développement économique qui inclura le sud du Mexique et les pays d’Amérique centrale) "est mille fois plus important que le zapatisme ou une communauté indigène au Chiapas". Cependant, ce plan a été critiqué par des centaines d’organisations indigènes, civiles et non gouvernementales du Mexique et d’Amérique centrale.

En dépit de l’affirmation de Fox qu’il existe une "sainte paix" au Chiapas, les tensions ont augmenté dans l’État depuis l’approbation de la loi indigène. Se sont également multipliées les dénonciations concernant l’augmentation des patrouilles militaires, et la situation des milliers de déplacés qui ont fui leur communauté en raison de la violence des paramilitaires reste sans solution. Bien que la menace reste en vigueur, 300 membres de "Las Abejas" sont retournés sur leurs terres le 28 août.

On peut prévoir que dans le contexte électoral qui s’approche (élections municipales et élections du Congrès local en octobre) les tensions pourraient augmenter encore plus. En même temps, au Chiapas et dans d’autres régions du pays, les protestations augmentent ainsi que les appels à la résistance civile contre la loi indigène approuvée.


Communiqué du Centre des droits de l’homme Bartolomé De Las Casas

(...) L’approbation et le décret ayant pour objet les réformes de la loi sur les droits et la culture indigène constitue un facteur de distanciation entre le gouvernement fédéral et l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) ; les législateurs chargés de son élaboration et approbation, moyennant le vote des Congrès des États, n’ont pas privilégié sa contribution au processus de paix, aussi sont-elles aujourd’hui un facteur de plus de conflit.

Le processus d’approbation, bien qu’il satisfasse à la norme en vigueur pour un tel cas, n’a pas de légitimité devant les sujets auxquels cette loi est destinée. La preuve en est le refus des Congrès des États de Guerrero, Chiapas, Oaxaca et Hidalgo, États qui concentrent le plus grand nombre d’indigènes du pays. Il en va de même du refus de diverses organisations et communautés indigènes en divers États de la République.

Le président, depuis le début du débat sur la loi, a maintenu une position ambiguë face à cette loi, mais ces derniers jours, son ambiguïté était plus grande, car les diverses instances représentant le gouvernement fédéral, comme l’INI, le Bureau pour le développement des peuples indigènes et Vicente Fox lui-même, ont déclaré que la réforme de loi pouvait et devait être améliorée.

Bien plus, l’instance qui a pour rôle d’aider au processus de négociation et qui représente le pouvoir législatif, la COCOPA, était en train d’élaborer une proposition de réformes pour la réforme indigène, laquelle aurait été accompagnée d’une stratégie pour rapprocher les parties en conflit. La décision présidentielle de ne pas attendre que la COCOPA présente sa proposition devant les instances fédérales et le Commissaire même pour le dialogue, Louis H. Alvarez, manifeste un clair désintérêt à l’égard du travail de l’instance d’aide. Le président la laisse sans aucune défense et met sérieusement en cause son rôle de partenaire dans le processus.

Les conséquences sont imminentes, le dialogue entre les zapatistes et le gouvernement fédéral est repoussé indéfiniment ; les risques d’une explosion sociale, dans le contexte de la loi et de la crise de la campagne mexicaine, peuvent être une issue mise en avant par les paysans indigènes, étant donné l’usure et le manque de légitimation du dialogue comme espace de résolution des conflits.

Actuellement, avec la publication des réformes, l’État mexicain met les peuples indigènes au pied du mur. Le chemin légal reste fermé aussi longtemps que ces mêmes autorités ne corrigeront pas, dans le cadre de leurs propres facultés, l’erreur historique qui consiste à ne pas reconnaître leur personnalité juridique, leurs droits concernant la terre et les territoires, leur pleine autonomie et leur droit d’être des associations extra-municipales. (...)


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2497.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Service international pour la paix - Centre des droits de l’homme Bartolomé De Las Casas, août 2001.
 
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