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DIAL 2511

NICARAGUA - Les Sandinistes pourraient revenir au pouvoir, mais pour quelle politique ?

Jean Loison

jeudi 1er novembre 2001, mis en ligne par Dial

Les élections présidentielles ont lieu au Nicaragua le 4 novembre. L’affrontement sandinistes / libéraux est toujours très fort, même si les données, surtout du côté sandiniste, se sont beaucoup modifiées. Nous présentons un tableau des positions en présence ainsi que de la situation d’ensemble du pays, grâce à une lettre de Jean Loison, infirmier et prêtre à Estelí, écrite du 14 au 23 octobre 2001.


Les deux grands partis qui se sont présentés aux élections municipales [qui eurent lieu le 5 novembre 2000] étaient le Parti libéral - au pouvoir actuellement -, et le Front sandiniste - au pouvoir jusqu’en 1990.

Bien qu’antagonistes politiques, le président actuel, Arnoldo Alemán, (libéral) et Daniel Ortega (Front sandiniste) s’étaient entendus pour faire un pacte [1] entre eux deux : tous les moyens avaient été bons pour rester seuls en lice. Grâce à la pression internationale un troisième parti - conservateur - se présentait également, ayant échappé de justesse à l’élimination organisée par les deux autres.

Depuis les dites élections municipales il y a un an, le pacte entre les deux « grands » a continué ; les intrigues et les coups bas également. Les trois mêmes partis sont en présence pour les élections présidentielles du 4 novembre prochain. Cependant, le parti conservateur ne compte pour ainsi dire pas. Il aurait pu représenter une troisième force qui aurait pu réunir tous ceux qui, à droite comme à gauche, n’acceptaient pas le pacte. Même un ex-sandiniste (M. Tunnerman) connu à l’étranger par l’Unesco notamment, avait accepté la vice-présidence éventuelle, ce qui avait fait monter les intentions de vote à 25 % en quelques jours. Mais l’égoïsme à courte vue de certains dirigeants et la pression politique et économique des États-Unis pour que le parti conservateur se retire des élections et ne divise pas la droite, ont fait du jour au lendemain démissionner les deux candidats à la présidence de ce parti, et lui ont enlevé toute possibilité de figurer honorablement et utilement lors du scrutin. Et la volonté impériale fera probablement que ce qui reste de ce parti s’unira au dernier moment au parti libéral pour assurer la défaite du Front.

Il n’y a donc pratiquement que deux candidats : Enrique Bolaños (libéral et vice-président actuel) et Daniel Ortega (pour le Front sandiniste).

Le candidat libéral

Bolaños a l’appui ouvert de l’entreprise privée, du gouvernement des États-Unis et de l’Église catholique. Il est sincère avec lui même quand, plein d’agressivité, il centre ses discours sur la peur et l’antisandinisme, mais il ne l’est pas quand il promet monts et merveilles (la fin du chômage). Je m’explique :

 La peur. Pour la créer et la maintenir tout est bon. Par exemple, le lien qu’il fait entre Daniel Ortega et les terroristes responsables des attentats de New York ou la médiatisation débridée des ossements trouvés près de Managua et très vite attribués à l’époque sandiniste : les analyses réalisées ont déterminé qu’ils avaient au moins neuf cents ans !

 Le passé. Tous les adversaires du sandinisme - et pas simplement Bolaños - ont pris comme orientation de la campagne de rappeler le passé, en touchant l’imaginaire des gens avec l’idée centrale et répétitive « Daniel Ortega n’a pas changé ». Dans le même esprit s’est exprimé un monseigneur à la fin d’une messe à Managua disant qu’on ne pouvait pas voter pour un violeur [2] et que l’autre candidat lui paraissait beaucoup plus honnête.

 Appui des États-Unis. Un « proconsul » nord-américain est venu dire en substance que les États-Unis n’apprécieraient pas une victoire de Daniel Ortega ; si c’était le cas - ils ont averti Ortega - il y a certains désaccords du passé qui resteraient non négociables, par exemple la restitution des propriétés qu’ils estiment avoir été injustement confisquées à l’époque sandiniste. Cette intransigeance commence même à faire peur à la bourgeoisie locale libérale qui demande timidement aux États-Unis de « donner une chance au Nicaragua, même dans le cas d’une victoire sandiniste ». Vous verriez une telle ingérence en France au moment des élections ? Révoltant…

 Appui de l’Église catholique. Tout aussi révoltant et ce n’est certainement pas fini, puisqu’une messe officielle par le cardinal est prévue à la fin du mois, quelques jours avant la date des élections, alors que Daniel Ortega l’emporte actuellement dans les sondages. Il faudra donc tenter de renverser la vapeur. Là encore, vous verriez cela en France : l’espoir mis dans l’Église pour faire l’appoint ?

Quelques faits entre autres :

- Il y a deux mois, consécration du pays à la Sainte Vierge. Le président

prend la parole et demande pardon pour les péchés personnels et collectifs de corruption, mensonge, chômage, pauvreté. Des mots ! Deux jours auparavant, sa fortune très récente était estimée à 250 millions de dollars et il n’a pas ajouté que, comme Zachée, il rendrait ce qu’il a volé ou qu’il serait sensible à la pauvreté actuelle.

 Une Lettre pastorale des évêques dit qu’avant de voter pour un candidat il faut regarder son passé. Comme Enrique Bolaños n’a pas de passé qui lui soit reproché publiquement, il s’agit forcément de Daniel Ortega.

 Dimanche dernier, dans de très nombreuses paroisses du diocèse, à l’extérieur de l’église mais parfois dans l’église même, a eu lieu une distribution de posters de la Sainte Vierge avec, en bas, ces mots : « Sainte Vierge nous te demandons que plus jamais ne revienne la nuit obscure. » Signé : « Jean Paul II, lors de sa dernière visite au Nicaragua », il y a 5 ans. C’est vrai que Jean Paul II avait exprimé clairement sa position politique en parlant de nuit obscure pour se référer à l’époque sandiniste, et personne ne l’a oublié. Encore moins les antisandinistes.

 Le même dimanche, dans une ville de dix mille habitants, prés d’Estelí, le curé a lancé : « aucun sandiniste ne peut recevoir la communion. Donc si vous communiez c’est que vous allez voter libéral. »

Y a-t-il une relation avec les élections ? Le cardinal a présenté sa démission, comme il devait le faire ayant eu 75 ans, mais elle n’a pas été acceptée. Serait-il le rempart nécessaire contre « Satan », comme il y a quinze ans, quand il a été nommé cardinal ?

Le candidat sandiniste

Daniel Ortega, de son côté, ne veut pas être en reste pour manipuler lui aussi la religion. « La terre promise » est son slogan favori. Il demande pardon à tout le monde, et il dit qu’il est chrétien. Ces affirmations lui ont valu une riposte indirecte mais cinglante du cardinal : « il y a des faux prophètes vêtus de peaux de brebis, mais qui sont des loups. Il suffit de regarder les fruits du passé pour deviner ce que seront les fruits du futur. »

Et pour rassurer contre la peur entretenue, qui est un fait [3], Daniel Ortega et les sandinistes ont pris des mesures pour dissuader :

 Ils évitent toute confrontation idéologique au cours de la campagne.

 Ils reconnaîtront Taïwan, comme le fait Aleman, par intérêt, car les salaires qui se pratiquent dans les usines de sous-traitance sont mieux que rien.

 Ils font tout leur possible pour rassurer : les investisseurs, les États-Unis, les chrétiens, la coopération internationale (qui actuellement diminue son aide, fatiguée des niveaux de corruption où le Nicaragua est le troisième pays d’Amérique latine), et les familles (ils jurent que le service militaire ne reviendra pas).

Et il y a des années que la phrase de l’hymne sandiniste « luttons contre le yankee, ennemi de l’humanité » a été supprimée. La couleur rose qui a été retenue pour la propagande de la campagne sandiniste semble vouloir cacher l’historique [4] « rouge et noir ».

Le pouvoir dans ce contexte : quel intérêt ?

Quel est donc l’attrait du pouvoir dans un pays en banqueroute, ingouvernable, et sans issue au moins à court terme (au minimum la durée d’un mandat). Une telle philanthropie est bien suspecte ! À mon avis tout président élu trouvera sans doute le panorama suivant :

 Nous n’avons pas d’industrie, et la toute petite qui existait a disparu.

 La « classe dirigeante » ne dépasse pas la politique des petits amis, du court terme, du « profites-en pendant que tu es au pouvoir ». C’est la « culture » de la corruption et de l’impunité qui règne. Un homme honnête à la tête du pays n’y changerait probablement rien.

 Le pays dépend totalement de l’extérieur : les virements en dollars des Nicas travaillant à l’étranger (première source d’entrée pour le pays), la coopération internationale, les projets divers (bourses aux étudiants, construction de maisons, en sont un exemple). Ajoutez à tout cela que la dette extérieure continue d’augmenter, et que les attentats de New York nous affectent également : certaines usines de sous-traitance viennent de fermer car les États-Unis n’achètent plus autant et les virements en dollars des Nicas à l’étranger ont déjà diminué de 25 % en un mois.

 Huit banques ont fait faillite dans les dernières années, dont trois grandes dans les douze derniers mois. Il n’y a plus rien à privatiser : le pays est en vente. Les belles promesses électorales ne peuvent être que des mensonges. Ce tableau n’est pas un état d’âme, c’est la réalité.

 Le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale (BM), la Banque interaméricaine de développement (BID) ont beaucoup plus de pouvoir qu’un président du Nicaragua. Il y a deux mois environ Alemán, conscient des problèmes des producteurs de café a fait voter une loi qui les défendait et leur donnait une subvention. Faute grave contre les dogmes néolibéraux ! En quelques jours FMI et BID lui ont demandé d’opposer son veto à la dite loi, car…comment l’État interviendrait-il dans un conflit entre producteurs indépendants et banques privées ? Et peu importent les problèmes et les mises en prison de quelques producteurs de café insolvables (par contre leur café continue d’être soluble !)

Supposons que Daniel Ortega puisse inspirer confiance en luttant contre la corruption et puisse ainsi diminuer les problèmes qui viennent de la coopération internationale, mais quelle marge de manœuvre aura-t-il avec le FMI ? Aura-t-il la permission de mener une économie de marché (puisqu’il n’y a pas d’autre voie actuellement), mais avec un projet social ?

Et finalement que pourra-t-il faire dans la dite crise du café, qui dépasse totalement la bonne volonté d’un président, et qui engendre chômage et famine - mais aussi les crises futures. En effet, le problème du café ne peut être résolu qu’à long terme et avec des financements qui sont de plus en plus hypothétiques car les bailleurs de fonds sont réticents : l’avenir étant à la diversification et non à la monoculture. Il faut donc un changement de mentalité des paysans et producteurs, qui ne peut pas se faire du jour au lendemain.

Une famine dans le Nord

A Matagalpa, ville assez proche d’Estelí, arrivent un jour deux à trois cents personnes en provenance de la campagne qui s’installent dans une sorte de jardin public. Deux jours plus tard ils sont 450 familles. Ces gens représentent un échantillon des 30 000 familles du département qui connaissent le chômage et la famine. Ils demandaient de la nourriture, du lait pour les enfants et parfois des médicaments. Plusieurs enfants sont morts dans les premiers jours de leur arrivée, par suite de la faim. Dans plusieurs secteurs du département d’Estelí, dans le nord, existe la même pauvreté, quoique sans déplacement de population. Au total 37 communes sont affectées par la faim.

Comme au temps de l’ouragan Mitch, le président de la République a refusé de déclarer l’état d’urgence, par totale insensibilité sociale : « Au Nicaragua - a t-il déclaré - il n’y a pas de famine, et s’il y en avait, ce serait dans les municipalités sandinistes. » Il a également laissé entendre que derrière l’important groupe de personnes installées dans le « jardin » public de Matagalpa il y avait les sandinistes. La réponse à cette tentative d’idéologisation de la famine lui a été donnée par la revendication exprimée sur une pancarte de ces gens : « aidez-nous à penser ». Ils manifestaient ainsi - précisément - que sans organisation ils ne pourraient pas se faire entendre ni aller plus loin dans leur lutte pour la survie.

Cependant - heureusement - l’aide humanitaire (ONG et programme mondial alimentaire) n’a pas tardé.

Deux grandes causes à cette famine dans le Nord : a) la première récolte de l’année n’a rien donné puisqu’il a plu très peu et qu’il n’y a pas d’arrosage artificiel ; b) le tiers des familles affectées travaillaient dans les exploitations de café qu’elles ont dû abandonner parce qu’il n’y avait plus de travail pour elles à cause de la baisse des prix du café (prix décidé par les pays non producteurs de café). Pour ce groupe des ouvriers du café, vous le voyez, la famine ne vient pas d’un manque de maïs ou d’haricots, mais d’un manque d’argent pour acheter de quoi manger : ils n’ont plus de salaire ni de maison. Alors, pourquoi rester dans l’exploitation si on ferme les portes ?

Pourquoi l’espoir chez les jeunes est-il si mince ?

Le désenchantement général est palpable. Ce n’est pas étonnant. Si on observe quelques faits, on voit que l’amour-propre national est foulé aux pieds. Par exemple, dans les sphères diplomatique, judiciaire, économique, éducative et sanitaire.

Diplomatique. Tout récemment l’ambassadeur des États-Unis, M. Garza, a posé devant les caméras lors de la remise au président du Conseil suprême électoral d’un serveur spécialement conçu pour le traitement des données informatiques ainsi que d’un certain nombre d’ordinateurs. À deux semaines du scrutin, on peut se demander ce qu’aurait fait cette instance électorale sans ce matériel ! Par ailleurs, on peut légitimement douter de la fiabilité informatique d’un matériel installé à la hâte. Ce n’est pas là le seul front sur lequel est présent Garza. Il se permet d’intervenir publiquement lors d’une conférence de presse, à l’occasion d’une inauguration quelconque, d’une interview. Il avertit, menace, « recommande » ou bien encore dénigre ouvertement le candidat sandiniste (sourd, voleur et terroriste) et encense le candidat libéral.

Cette attitude en tous points inadmissible pour un ambassadeur a poussé une journaliste nicaraguayenne à publier une lettre dans le journal libéral La Prensa répudiant son comportement : « À Monsieur Garza peu lui importent les lois du Nicaragua, il n’a pas de respect pour nous, il se moque de ce que nous pouvons penser et il s’estime en droit de faire ce que bon lui semble même si son ingérence nous humilie et nous gêne au plus haut point. Il n’essaie même pas de garder les apparences. Il fait et défait en s’abritant derrière le pouvoir qu’il représente. C’est le comportement classique d’une personne effrontée, méprisante et irrespectueuse… » En effet M. Garza est allé suffisamment loin pour que ce journal - pro-libéral - accepte de publier un texte aussi accablant pour un haut fonctionnaire.

Judiciaire. La Cour suprême de justice est actuellement en grave crise institutionnelle, les magistrats s’étant affrontés idéologiquement autour de la vente d’un secteur clé de l’État : les télécommunications.

Économique. Parmi les personnes impliquées dans les récentes faillites des banques nicaraguayennes il y a des membres du gouvernement et des proches collaborateurs ou amis. Mais ils sont toujours en place.

Éducative et sanitaire. Dans les prévisions budgétaires pour l’année 2002 on se croirait dans un autre pays. C’est le monde à l’envers : santé et éducation sont en baisse au profit de la défense et l’armée. Il faut savoir que dans ce pays un enseignant gagne autant qu’une femme de ménage, c’est-à-dire, pas assez pour les besoins élémentaires. Il faut savoir aussi que dans les hôpitaux le manque de médicaments est flagrant. Ceci n’a pas empêché que le gouvernement de Alemán ait permis une fuite de médicaments à des fins partisanes : distribution dans les meetings du parti libéral.

Fraude électorale : simples rumeurs ?

L’avancement des préparatifs logistiques pour la transmission des données, le comptage et la vérification du vote présente des lacunes importantes. Un fonctionnaire du Conseil suprême électoral a déclaré au Nuevo Diario que « on entend des bruits suspects dans les lignes téléphoniques de (nos) bureaux », qu’il « manque un groupe électrogène pour être à l’abri d’éventuelles (et inopportunes) coupures de courant ». Il leur manque 93 appareils de fax, 150 téléphones, des bureaux n’ont pas encore été terminés. En province certaines communes éloignées fonctionnent encore avec des téléphones à manivelle ! Et la liste n’est pas exhaustive.

Sans vouloir affirmer qu’il y aura des fraudes cette fois-ci, il faut tout de même se rappeler qu’aux élections de 1996 les mêmes préparatifs affichaient un retard aussi important, ce qui a favorisé un nombre important de fraudes. Les procédures de vérification avaient alors duré une bonne quinzaine de jours !

L’ampleur de la rumeur d’une éventuelle fraude électorale liée aux dysfonctionnements téléphoniques a forcé Enitel (la compagnie de téléphone nicaraguayenne) à faire un démenti ferme aujourd’hui, 23 octobre.

Cela dit, en 1996, à une certaine heure de la journée, tout à coup, les électeurs ne trouvaient plus de bulletins de vote à leur disposition. Le lendemain des tas de bulletins étaient retrouvés dans les poubelles. Le même sort avait été réservé à certaines urnes.

Enfin, une quantité importante d’électeurs potentiels ne possèdent pas à ce jour leur carte d’électeur ni même d’identité.

Quel sera le dernier acte électoral des libéraux ?

Comme en 1996, une messe du cardinal a déjà été annoncée pour le jeudi 1er novembre : après la fermeture de la campagne électorale et 72 heures seulement avant le scrutin. Elle aura lieu sur une place de Managua. Dans un pays où ne pas suivre les « orientations » du cardinal est un acte vécu quasiment comme un péché par une bonne partie de la population, cette messe pourrait avoir plus de poids qu’un discours électoral, aussi vibrant soit-il. Ce sera sans doute le dernier mot adressé massivement au pays.

Changera-t-il d’attitude par rapport à 1996 ? Pour célébrer la messe, prendra-t-il encore comme couleur d’ornement celle du parti libéral ? Fera-t-il lire les textes bibliques par les deux candidats libéraux ? Inventera-t-il une autre parabole pour mettre en scène une vipère représentant Ortega ?

Élections et réalité

Quelques faits pour illustrer un certain état d’esprit :

 Adolfo, 20 ans, vient de quitter sa mère en pleurs parce qu’il est fatigué de chercher du travail et qu’il n’en trouve pas. Il part au Guatemala pour se rapprocher du Mexique afin de tenter le passage clandestin aux États Unis.

 Une collègue m’annonce qu’elle termine, avec soixante autres, ses études de psychologie dans un mois. Une promotion semblable est prévue pour l’an prochain. Mais 5 ou 6 psychologues sur la ville d’Estelí trouvent péniblement leurs patients. C’est la réalité : des psychologues sans clients, comme dans d’autres secteurs éducatifs on trouve des diplômés en administration d’entreprise sans entreprise, ou des professionnels du tourisme sans structure touristique véritable.

 Il y une heure, en sortant de l’hôpital avec mes élèves infirmiers et infirmières, alors que nous parlions de politique, je leur disais « il faut vous préparer à voter ». Ils m’ont répondu : « À quoi bon ? » Il est vrai que quel que soit le résultat du scrutin, l’année prochaine ils me demanderont tous de les compter parmi les boursiers, les externes continueront à faire du stop pour économiser 5 francs par jour, et tous racleront les fonds des tiroirs pour se faire un uniforme.

Finalement, les gens pauvres ont besoin de projets concrets, de proximité. Le quotidien, la survie au jour le jour est leur préoccupation principale, bien éloignée de la réalité politico-électorale.

Qui gagnera ?

C’est sûr que la moitié ou presque du pays est très inquiète à la pensée que Daniel Ortega puisse gagner. Mais la peur que Bolaños essaie de répandre n’a pas de fondement quand on voit le comportement des maires sandinistes élus il y a un an : ils ne déméritent pas, au contraire, et l’on n’entend pas parler de corruption de leur part, ce qui n’aiderait en rien Daniel Ortega dans une campagne difficile pour lui à propos de la corruption qui lui est reprochée quotidiennement par les libéraux. Ces derniers n’ont pourtant pas l’autorité morale pour le faire.

Cela et la non-confrontation - astucieuse finalement - de Daniel Ortega font que ces semaines-ci, on apprend que telle personnalité, tel ou tel petit parti, ou partie de parti, ou bien des dissidents du Front sandiniste, même des chefs ex-contras et deux libéraux bien connus, dont le beau-frère du propre Alemán, rejoignent la « Conver-gence 2 » promue par le Front sandiniste.

Cet état de fait est aussi le cadeau politique offert quotidiennement par Alemán et son gouvernement en raison des erreurs commises ainsi que des faits de corruption publiés chaque jour dans la presse. Finalement Daniel a ses chances. Il a plutôt le vent en poupe actuellement. Mais avec sa Convergence « bigarrée », c’est à se demander comment il pourra contenter tant de gens s’il arrive à gagner [5].


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2511.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : octobre 2001.
 
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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[1Ce pacte, entre bien d’autres choses, assure à M. Alemán un siège de député dans la future Assemblée nationale, dont on pense qu’il deviendra le président. Ce siège lui confèrera aussi l’immunité, dont il a bien besoin (voir plus loin). Par ailleurs, le pacte assure les mêmes avantages à Daniel Ortega qui en a tout autant besoin (voir note 2).

[2Plainte déposée par sa fille adoptive Zoilamérica devant la Cour Interaméricaine des droits humains pour viol pendant 19 ans

[3a) Des gens mettent leur argent en sécurité à l’extérieur ; b) une famille amie, convaincue que les sandinistes rétabliront le service militaire, est partie en Espagne pour préserver de cette « menace » l’enfant de douze ans. Cette famille reviendra seulement si les résultats sont favorables

[4Sandino, le père historique de la Révolution sandiniste, portait déjà, dans les années 30, le rouge et le noir sur son foulard. Cacher ces couleurs hautement symboliques illustre bien un certain éloignement des sources fondatrices.

[5Aujourd’hui 23 octobre, alors que je « ferme cette édition », M Antonio Lacayo, gendre de Mme Violeta Chamorro et chef de son gouvernement libéral, élu en 1990 à la suite des sandinistes, s’est rallié lui aussi à la Convergence. S’agissant d’un ancien opposant virulent du sandinisme, on peut se demander pendant combien de temps après le 4 novembre Ortega pourra maintenir l’illusion d’un gouvernement sandiniste.

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