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Éditorial du 18 novembre 2014

BRÉSIL - L’Assemblée constituante : un sujet tabou

Brasil de Fato

lundi 8 décembre 2014, mis en ligne par Dial

18 novembre 2014.

Cette revendication n’appartient ni à la Présidente Dilma, ni à un parti, ni à un mouvement social. C’est une revendication du peuple brésilien. Ne pas le comprendre fait courir le risque de perdre une occasion unique.

Le silence délibéré des médias au sujet du Plébiscite Populaire pour une Assemblée constituante semble très étrange. Aujourd’hui encore, lorsque la présidente Dilma aborde à nouveau le sujet en lui donnant la priorité, les médias parlent de réforme politique, de plébiscite et de référendum, mais jamais d’Assemblée constituante pour une réforme exclusive du système politique.

Selon l’ex-président Lula, une réforme politique démocratique ne sera possible qu’avec une Assemblée constituante spéciale et cela ne provoque aucun commentaire dans les médias. Ils répercutent abondamment la première note de l’exécutif national du Parti des Travailleurs mais pas un mot sur la demande d’une Assemblée constituante. Ils commentent la présence de Luciana Genro du PSOL [1] dans des manifestations publiques qualifiées de « anti droite », mais oublient qu’elle demande une Assemblée constituante.

Au maximum ils indiquent qu’ils sont en faveur d’une « réforme politique », mais rien au sujet d’une Assemblée constituante.

Le mot « Constituante » est devenu le grand tabou des médias. Seuls des programmes sélectifs, sur des chaînes câblées, traitent de ce sujet et toujours pour le disqualifier, sélectionnant des juristes ou des analystes qui tentent de ridiculiser cette proposition, la présentant comme juridiquement impossible ou liée à un supposé « bolivarianisme » [2].

Malgré cela la mobilisation augmente dans les rues, de nouveaux comités se créent dans tout le pays. Le 13 novembre dernier, plus de 20 000 personnes dans les principales villes ont exprimé clairement avec des pancartes, des banderoles et des slogans que la réforme politique qu’ils voulaient devait se faire grâce à une Assemblée constituante spéciale.

Appuyer par 183 députés, un Projet de Décret législatif (DPL 1508/2014) a été déposé pour qu’un plébiscite soit convoqué, conformément à l’article 49/XV de la Constitution fédérale. La question étant : « Êtes-vous favorable à une Assemblée nationale constituante spéciale et souveraine au sujet du système politique ? » Le même projet a été déposé au Sénat avec l’appui de plus d’un tiers de ses membres.

Malgré cela, rien ne parvient à percer le silence des grands médias, preuve évidente de la peur de la classe dominante par rapport à cette proposition. Il s’agit bien sûr d’une stratégie d’auto préservation. Si nous parvenons à provoquer un débat de société sur le système politique, le monopole des médias sera inévitablement abordé. Tant que cette phase de l’action pourra être cachée, la consigne sera de nous ignorer. Quand ce ne sera plus possible, il est certain qu’ils nous combattront, utilisant toutes les possibilités de nous abattre.

Les mouvements et organisations sociales comprennent mieux chaque jour que, sans remise en question de l’actuel système politique, il n’y aura aucune possibilité de mettre à l’ordre du jour les problèmes structuraux concernant la santé, l’habitat, l’éducation, les problèmes fonciers ruraux et les autres sujets liés à l’intérêt des travailleurs. Nous sommes en fin de compte face au Congrès National le plus conservateur depuis les élections de 1974 pendant la dictature militaire.

Si nous ne comprenons pas bien les particularités de la période actuelle, nous allons rester sur une logique défensive, incapables de proposer une réponse politique adaptée aux millions de personnes mécontentes de l’actuel système politique. On perdra une opportunité historique et unique qui permettra aux forces de droite de continuer à exploiter à leur profit les mécontentements qui vont croissant.

La proposition d’une Assemblée constituante met en débat et rassemble tous les projets de réformes structurelles sur lesquelles se mobilisent les forces sociales du pays. En particulier parce qu’elle serait en mesure de réaliser une vaste synthèse globale du système comme ce fut le cas lors des élections « Diretas jà » [3] à la fin des années 1980.

C’est ce qui se passe en ce moment. Plus de 2000 comités populaires animent des dialogues créatifs avec la population et donnent la mesure de tout le potentiel de politisation de cette campagne.

Les milliers de jeunes qui ont compris l’enjeu du deuxième tour des élections présidentielles, constituent la principale force capable de mener une campagne de l’ampleur nécessaire. La revendication d’une Assemblée constituante spéciale et souveraine est la seule chose qui puisse provoquer une réforme politique démocratique, face à un Congrès National conservateur qui déjà lance des projets de contre-réforme politique. Cette revendication n’appartient ni à Dilma, ni à un parti, ni à un mouvement social. C’est une revendication du peuple brésilien. Ne pas le comprendre fait courir le risque de perdre une occasion unique.


L’article original (portugais) a paru dans l’hebdomadaire Brasil de Fato du 18 novembre 2014.

http://www.brasildefato.com.br/node/30563

Traduction de Jean-Luc Pelletier.

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[1Parti socialisme et liberté — NdT.

[2Référence à l’action d’Hugo Chávez au Venezuela, systématiquement critiquée par les grands médias brésiliens — NdT.

[3L’expression peut être traduite par « Suffrage universel tout de suite ». Il s’agit des élections qui eurent lieu à la fin de la période dictatoriale — NdT.

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