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Analyse

L’Amérique latine s’embrase

Marco A. Gandásegui

mercredi 6 novembre 2019, mis en ligne par Françoise Couëdel

Jeudi 24 octobre 2019.

« Le Chili en état d’urgence, l’Équateur en état de siège, la Colombie en crise humanitaire, le Pérou en crise politique, le Brésil paralysé, l’Argentine détruite, le Paraguay épuisé, l’Amérique latine est en flamme ». Sept pays d’Amérique du Sud, soumis à des ajustements structurels du Fonds monétaire international (FMI), ont succombé au chaos politique. Actuellement ils sont gouvernés par la terreur et la faim. Dans le reste de l’Amérique latine la situation est semblable ou pire. Haïti déchirée, le Honduras détruit, le Guatemala une tragédie ; le Salvador sous la terreur et le Mexique tentant de se libérer de ses chaînes.

L’Amérique latine, en grande part, a été marquée comme jamais par la politique des États-Unis et les ajustements de son bras financier, le FMI. Les ajustements imposés par le FMI sont les mêmes pour tous les pays de la région. Ils commencent par leur tordre d’abord le bras, en éliminant ou en réduisant les dépenses publiques. Puis s’en suit l’application du « choc », la privatisation de tous les biens publics et de l’épargne des travailleurs accumulés durant des décennies, qui consiste à faire voter quelques décrets. L’étape suivante c’est la « flexibilisation » de la relation entre les travailleurs et les détenteurs de la propriété (chefs d’entreprise) qui réduit les salaires de façon significative.

Les mesures d’ajustements ce sont les régimes « forts » qui les mettent en application. Ils doivent, de gré ou de force, convaincre les travailleurs que leur sacrifice est pour le bien du pays. Les mesures répressives sont à la mesure de la résistance du peuple : Pinochet au Chili, Fujimori au Pérou, Salinas de Gortari au Mexique et bien d’autres. Au Panamá les ajustements du FMI ont favorisés les détenteurs du capital de façon extraordinaire. Dans la décennie des années 1970, 66 pour cent de la richesse produite dans le pays constituait une partie de la masse salariale que recevaient les travailleurs. Au XXIe siècle le rapport s’était inversé, 66 pour cent de la richesse allait aux chefs d’entreprises et seulement 34 pour cent restant allaient aux travailleurs et à leurs familles.

L’application des mesures d’ajustement s’accompagnent de vaines promesses qui, un moment, endorment les travailleurs. La promesse la plus populaire que fait la gouvernance des entreprises est que la concentration des richesses dans les mains des plus riches a des limites. L’accumulation des richesses fera déborder le vase et, alors, elles ruisselleront bientôt au bénéfice des travailleurs et d’autres secteurs qui se sont appauvris. La promesse ne se réalise jamais. Au contraire, la pauvreté est de plus en plus intolérable et toute relation est brisée entre riches et pauvres, entre capitalistes et travailleurs.

Le XXIe siècle a connu des explosions sociales dans toute la région comme conséquences des politiques d’ajustement. L’Argentine les a vécues à deux reprises. Le Pérou et l’Équateur aussi. En Haïti règne l’état permanent d’insurrection et de répression. Ce que certains appelleraient un « zéro partout », catastrophique. À la fin du siècle dernier et au début de celui-ci, les mesures d’ajustement (le néolibéralisme) ont fait la preuve de leur inutilité. Elles ont permis aux détenteurs du capital de s’approprier de plus en plus de richesses, faisant émerger des personnages en possession de milliards de dollars d’avoir. Mais, en même temps, en précipitant dans la pauvreté des dizaines de millions de travailleurs. La recette néolibérale a fait la preuve qu’elle n’est pas soutenable.

Pour affronter le chaos provoqué par les États-Unis et le FMI ont surgi en Amérique latine des gouvernements démocratiques appelés « rosés ». Chávez au Venezuela, Correa en Équateur, Kirchner en Argentine, Lula au Brésil, Zelaya au Honduras, les gouvernements de coalition au Nicaragua et au Salvador. Ils ont présenté des programmes de gouvernement plus favorables aux travailleurs. Mais les oligarchies de ces pays ont déclaré l’état de guerre. Ils ont reçu l’appui de ce qu’ils ont appelé la « société civile » (classe moyenne supérieure) et des États-Unis. Dans de nombreux cas la réaction a triomphé. Dans d’autres la résistance est parvenue à contenir les États-Unis (Venezuela, Bolivie) mais cela leur a coûté très cher.

Les États-Unis ont lancé l’assaut contre les messages de Chávez, de Lula, de Kirchner qui annonçaient des changements et, dans certains cas, même le socialisme (à la Bernie Sanders). Cependant, le FMI a rejeté l’idée de distribuer les richesses nationales de façon plus équitable. Les insurrections récentes au Honduras, en Argentine, en Équateur, au Chili, sont la démonstration de l’échec des politiques qui appauvrissent les peuples. L’unique solution qui peut sauver les pays de la région est l’unité régionale. Seul un bloc peut affronter les puissances mondiales et ses instruments financiers.


Marco A. Gandásegui fils est professeur de sociologie de l’Université de Panamá et chercheur associé du Centre d’études latino-américaines Justo Arosemena (CELA).

Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://marcogandasegui19.blogspot.com/2019/10/america-latina-en-llamas.html.

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