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DIAL 2918

NICARAGUA - Paroles de femmes depuis le « nombril » du Nicaragua, première partie

María López Vigil

jeudi 1er mars 2007, mis en ligne par Dial

Dans quasi tous les pays d’Amérique Latine, les femmes subissent quotidiennement la violence de leurs conjoints. Alors que gouvernements, associations et chercheurs s’interrogent sur l’origine de cette violence, les femmes de Bocana de Paiwas, au Nicaragua, ont décidé d’agir. Depuis plusieurs années, elles organisent des ateliers et différentes campagnes d’information à l’intention des femmes. Surtout, elles ont eu l’idée originale de créer une station de radio, pour dénoncer publiquement les hommes coupables de violence conjugale et aider un plus grand nombre de femmes. Dans cet article, publié en juillet 2006 par la revue Envío, María López Vigil revient sur l’expérience et le combat exceptionnel de ces femmes dans cette petite bourgade du Nicaragua. La deuxième partie de ce texte est publiée dans le numéro d’avril de Dial.


« Nous avons décidé d’appeler notre radio « Palabra de Mujer » (Paroles de Femme) parce que seuls les hommes ont la parole. Nous devons reprendre la parole qu’ils nous ont prise ». Depuis 14 ans, à Bocana de Paiwas, au Nicaragua, la Casa de la Mujer (Maison de la Femme) et la radio Palabra de Mujer misent sur une révolution des consciences et se font l’écho de la révolution qui voulait transformer le Nicaragua, il y a 27 ans de cela.

« Bocana de Paiwas est le nombril du Nicaragua. Et bien que la Bible ne le dise pas, c’est aussi là que se trouve le paradis sur terre ». Ainsi les habitantes de ce recoin du Nicaragua décrivent-elles leur village.
Le titre de « nombril » du Nicaragua, Bocana de Paiwas l’a gagné, preuves scientifiques à l’appui. En 1999, une équipe de cartographes de l’Institut Nicaraguayen d’Études Territoriales (INETER), voulant mettre un terme aux controverses locales, a déterminé grâce à des calculs mathématiques et géodésiques, où se situait le centre du Nicaragua. Ce centre se trouve sur le cerro Copalar, la colline qui surplombe Bocana de Paiwas. À ses pieds s’étend l’embouchure (la bocana) du Río Paiwas, qui rejoint le Río Grande de Matagalpa. Bocana de Paiwas est le chef-lieu – jusqu’à présent – de la commune de Paiwas, qui signifie « deux fleuves » en langue chontal. C’est un endroit où les terres agricoles sont fertiles et où depuis longtemps, l’homme pratique l’élevage. La région est également parsemée de sites archéologiques où des peuplades ancestrales ont laissé un bel héritage de pétroglyphes et d’autres trésors qu’il reste à découvrir.

La comparaison avec le jardin d’Eden ne peut se vérifier qu’en parcourant les 227 kilomètres qui séparent la capitale, Managua, de Bocana de Paiwas. On se rend compte alors de la sereine beauté de l’endroit. Surtout, ce paradis recèle quelque chose d’encore plus beau : Ève ne naît plus de la côte d’Adam, c’est elle qui tient les rênes. Les rênes de l’ouverture des consciences. Aujourd’hui, ce sont elles, ces femmes, qui ont la parole.

« Il est extraordinaire que notre voix ait fait tant de chemin ! »

Le 10 juin 2005, Bocana de Paiwas s’est engouffrée dans l’une des portes, impressionnantes mais bénéfiques, de la mondialisation. Ce jour-là, l’organisation britannique One World Broadcasting Trust a couronné la seule radio de Bocana de Paiwas, Palabra de Mujer, de son prix international. Ce prix est attribué aux médias des communautés du Sud, et distingue le combat exceptionnel de cette station pour l’émancipation des femmes et la défense de la nature.

Jamileth Chavarría, directrice de la radio, s’est rendue à Londres pour recevoir le prix. Elle a surmonté le trac qu’elle ne sent pas derrière le micro de son studio, laissé pour plus tard la discussion du projet Copalar [1], et s’est adressée aux Britanniques au nom de millions de femmes : « Je souhaite rendre hommage aux féministes de Paiwas qui, comme celles du Nicaragua et du monde entier, ont consacré une grande partie de leur vie à comprendre, dénoncer et combattre la culture patriarcale qui exclut la moitié de la population mondiale […] Nous sommes convaincues que le développement n’est possible que s’il émane de l’intérêt profond du peuple, et non des besoins du grand capital. Nous croyons que nous avons le droit d’avoir la parole et de participer aux décisions importantes qui se prennent au Nicaragua. Nous pensons également qu’il est indispensable de prendre en compte le fait que les femmes créent et recréent la vie, si nous voulons construire une démocratie qui fonctionne pour chacun d’entre nous […] Nous recevons ce prix avec fierté. Il marque la reconnaissance de notre lutte quotidienne, une lutte qui est aussi celle de milliers de femmes dans cette petite contrée du Nicaragua. Il est extraordinaire que notre voix et notre propos aient fait un si long chemin pour arriver jusqu’ici, aujourd’hui. »

En effet, il est réellement extraordinaire que la voix de ces femmes d’une campagne reculée du Nicaragua ait porté si loin, avec tant de force et de reconnaissance. Comment cela a-t-il été possible ? La revue en ligne Envío est partie à la rencontre de Jamileth Chavarría pour comprendre où est née cette parole de femme et quels sont les tenants et les aboutissants de la prise de parole de ces femmes du paradis.

Il était une fois trois sorcières, qui incarnaient la conscience du peuple

Jamileth est une femme de la campagne d’un peu plus de 35 ans. Son sourire est franc et malicieux, ses yeux brillants. A Bocana de Paiwas, on l’appelle « la Bruja », la sorcière. Son surnom, elle l’a gagné. Depuis près de cinq ans, la radio Palabra de mujer ouvre son antenne à 5 heures du matin avec l’émission « La bruja mensajera », la sorcière messagère. Jamileth se transforme alors en sorcière pour souhaiter une bonne journée aux femmes, dénoncer les hommes qui les maltraitent et remplir son rôle de journal sonore, grâce auquel la population s’informe, pense et rêve d’un autre monde. C’est cette émission d’une heure qui a particulièrement attiré l’attention de l’organisation britannique.

La Casa de la Mujer de Bocana de Paiwas a ouvert ses portes il y a 14 ans, soit bien avant la radio. Ces quatorze années d’existence furent autant d’années d’efforts : ateliers, campagnes de sensibilisation, formations, organisation, réflexion et action. « Avant de créer la radio, deux autres femmes et moi-même nous déguisions en sorcières, avec des costumes noirs, des chapeaux pointus et des balais. Nous faisions du théâtre de rue », raconte Jamileth. « Comme nous rompions la routine de tous les jours, les gens nous appréciaient beaucoup. Une fois par mois, on donnait une représentation au centre culturel. »

« Qu’est-ce que que l’on faisait ? On brocardait les hommes politiques, on donnait des nouvelles du village, on critiquait. On improvisait, selon ce qui se passait au village. Femmes, hommes et enfants voulaient entendre ce que nous avions à dire et savoir qui nous allions nous mettre à dos. Leur seule question était : « Que nous ont concocté les sorcières aujourd’hui ? ». Une centaine de personnes se réunissaient. L’entrée coûtait douze sacs en plastique ramassés dans les rues, ce qui nous permettait par la même occasion de nettoyer le village. A la fin, les sorcières brûlaient les sacs en présence de la population. Ainsi, les sorcières étaient déjà très populaires avant même le lancement sur les ondes de La bruja mensajera. »

Pourquoi des sorcières ? Pourquoi pas d’autres personnages ? Bien avant le Da Vinci Code, certains événements historiques ont façonné l’esprit de ces femmes. Et Jamileth d’expliquer : « Nous voulions donner des lettres de noblesse au mot « sorcière ». En effet, pour la plupart des gens, il a une connotation négative. Les chauffeurs de bus appellent l’arrêt qui se trouve au coin de la Casa de la Mujer, à l’entrée du village, « l’arrêt des sorcières ». Ils croient qu’ils nous blessent, mais cela nous est égal. Nous revendiquons notre statut de sorcières au nom de toutes les femmes assassinées pour sorcellerie, du temps de l’Inquisition, alors qu’il ne s’agissait que d’occulter leurs connaissances en médecine et dans d’autres domaines. »

Une idée née d’une tragédie

La radio Palabra de Mujer est née d’une tragédie et d’un rêve. « L’idée de créer une radio nous est venue pour la première fois, lors du passage de l’ouragan Mitch », explique Jamileth, avant de poursuivre : « Toutes les tragédies sont porteuses d’enseignements. Mitch a emporté un pont et Paiwas s’est retrouvée isolée. Nous avons pris conscience que nous ne pouvions rester plus longtemps sans moyen de communication. L’idée a pris forme peu à peu. » Par la suite, le rêve a donné plus de force à l’idée : avec une radio, elles pourraient multiplier les ateliers qu’elles organisaient déjà depuis des années à la Casa de la Mujer.

« La Casa de la Mujer, se souvient Jamileth, a vu le jour grâce à sept « folles » qui se mobilisèrent autour de l’épidémie taboue du cancer du col de l’utérus. Dans nos communautés, les femmes ne savaient même pas ce qu’était un frottis, ni même qu’il était nécessaire de prendre soin de nos parties intimes. Cette première clinique fut le point de départ d’un projet plus important. Nous avions déjà franchi une étape avec les ateliers, mais avec une radio, nous allions pouvoir aller bien au-delà et être auprès des femmes toute la journée : à la cuisine, à la maison, à toute heure. Nous pourrions être avec les femmes qui ne sortent pas à cause de leurs enfants en bas âge, avec celles qui ont honte de se rendre aux ateliers ou avec celles qui n’assistent pas aux ateliers parce que leur mari le leur interdit. Aujourd’hui nous savons que certaines femmes emmènent leur radio au bord du fleuve pour nous écouter en faisant leur lessive. »

Il était une fois une sorcière qui devinait tout

Autrefois, il n’y avait aucune station de radio locale à Bocana de Paiwas. Aujourd’hui, il y en a une, celle qu’ont créée ces femmes. On peut aussi écouter certaines stations de radio nationales. Côté télévision, le village capte seulement deux des sept chaînes nationales qui existent au Nicaragua.

Depuis des années, l’une des émissions les plus populaires et les plus écoutées, au Nicaragua et à Bocana de Paiwas, s’appelle « La paloma mensajera », le pigeon voyageur [2]. L’émission fut créée par le chanteur, compositeur et acteur Otto de la Rocha. Il y mêle chansons populaires à double sens et commentaires coquins de mauvais goût, parfois grossiers. « Nous nous sommes dit que si ce type présentait une émission aussi machiste, nous devions présenter une émission féministe et éducative pour en contrer les effets pervers. Et pourquoi pas une émission présentée par les sorcières ? C’est ainsi qu’est née « la sorcière messagère ». Le rôle de la sorcière est d’informer les femmes, et la population en général, de certains problèmes sociaux. Toujours avec humour car les gens préfèrent la dérision et le message passe plus facilement. On a toujours consulté les femmes, premières concernées. Peu avant que l’on commence l’émission, l’une d’elles, de la communauté de Sikia, nous a suggéré que ce soient les sorcières qui dénoncent les hommes coupables de violence conjugale. L’idée nous a plu et nous nous sommes lancées. »

À cette époque, il existait une émission de dessins animés pour enfants dont l’un des personnages les plus populaires était une sorcière avec une boule de cristal magique – Jamileth dit toujours « ballon » – grâce à laquelle elle devinait tout. La bruja mensajera prit la décision de transposer ce personnage à la radio et de lui donner une teinte locale. Le personnage de la sorcière serait utilisé pour pressentir, deviner, dénoncer et remettre en question la violence envers les femmes. Les femmes commencèrent à envoyer des messages à la radio, où elles racontaient à la sorcière les violences domestiques dont elles étaient victimes en donnant le nom et prénom de l’agresseur. Les jours suivants, la sorcière « devinait » grâce à son « ballon » ce qui se passait dans les foyers. La proposition était audacieuse et originale. Ce fut un vrai défi.

À cheval sur son balai et avec un ricanement qui inspire

La violence contre les femmes est une véritable épidémie au Nicaragua. Reste à savoir s’il s’agit d’un phénomène nouveau, la violence envers les femmes étant plus importante qu’auparavant, ou si simplement les femmes en parlent plus facilement. S’il s’agit d’une recrudescence des violences, est-elle imputable au modèle neolibéral qui, en provoquant la montée du chômage, pousse les hommes à la violence en les privant de leur rôle de pilier économique familial, ou existe-t-il d’autres raisons ? Si en revanche les femmes parlent plus facilement de la violence aujourd’hui, la société les écoute-t-elle ? Alors que le débat sur la nature de cette « épidémie » fait rage et que l’on propose des solutions pour y remédier, les femmes de Bocana de Paiwas ont choisi d’agir et d’essayer le vaccin de la sanction sociale et morale.

Devant son micro, Jamileth Chavarría débute sa journée dans la peau d’une sorcière de 86 ans dont les auditeurs souhaitent l’anniversaire chaque année. Entourée de chaudrons, de matraques, de poulets, de vaches et d’ânes – qu’elle fait vivre grâce à une palette d’effets sonores – elle commence par saluer ses auditrices féminines et propose des sujets sur lesquels réfléchir. Le son le plus impressionnant est celui de son balai : « comme une comète, comme une fusée ! » Et Jamileth d’imiter le bruit des réacteurs. La sorcière vole au-dessus des communautés de Paiwas et au-delà. Son balai a des freins, comme une voiture, et lorsqu’elle décide de rester dans une communauté pour y observer ce qui s’y passe, elle s’arrête – autre effet sonore – puis commence à parler et à deviner...

Nous avons demandé à Jamileth de nous reproduire certaines de ses interventions matinales pour pouvoir nous faire une idée de ce qu’elle dit et comment elle le dit. Ses messages commencent systématiquement par un ricanement aigu et malicieux. « Cela m’inspire, j’ai besoin de m’accrocher à quelque chose. Je me sers de ce ricanement pour oublier qui je suis et entrer dans la peau de mon personnage. »

« Je te vois, Toño, tu dois changer... je te vois dans ma boule, Pancracio... »

« (Ricanements)…Aujourd’hui, dans ma boule de cristal, je vois… je vois… ce n’est pas un homme politique… c’est encore un agresseur. Il se nomme… Pedro Pérez… C’est PP, PP le cogneur… Prends garde à toi ! Ta femme élève tes sept enfants ! Et toi, Pedro ? Que ressens-tu ? Qu’est-ce qui te pousse à battre cette femme ? Salaud ! Les femmes sont des êtres humains ! Nous avons des droits ! Tu dois changer. Te rends-tu compte de l’exemple que tu donnes à tes propres enfants ? Battre une femme ? Non, Pedro, tu dois te maîtriser, tu dois réfléchir… Et toi, ma chère, ne te laisse pas faire, parce que tu n’es pas seule… Viens chercher du réconfort à la Casa de la Mujer

(Ricanements)… En me déplaçant avec ma boule magique, je vois Toño… Voyons Toñito ! Que s’est-il passé hier ? Anjá ? Tu es là, je te vois… Tu sais, Toñito, jusqu’à récemment, on nous disait que les affaires de couple ne nous regardaient pas, que c’était des affaires privées, mais c’est fini, Toñito, c’est fini ! Cet homme a battu sa femme et sa fille à plusieurs reprises… Quelle brute, le salaud ! Et regarde, tu ne peux nier l’évidence, les preuves sont visibles ! Et ce n’est pas à moi que tu vas raconter des histoires, parce que je les vois aussi ces coups, dans ma boule de cristal, Toño… Heureusement que je les vois, et que je te vois aussi, Toñito, je te conseille de changer…

(Ricanements)… Je mets mes mains sur ma boule et je te vois, Pancracio… Brute épaisse ! Un homme qui prétend aimer sa mère, et regarde-toi ! Tu frappes Cipriana ! Tu frappes la mère de tes enfants ! Tu es misérable, Pancracio… Tu ne sais pas que la Loi 230 punit cette violence ? Tu ne sais pas que cette violence n’est plus une affaire privée ? Alors arrête tes bêtises ou j’appelle la police qui est juste là, au coin de la rue, pour qu’elle surveille un moins que rien qui bat sa femme tous les jours ! Il la frappe ! »

La sorcière parle de PP, Toño ou Pancracio. Elle donne des détails, leur fait des reproches, les met en garde et se déplace d’une maison à l’autre, d’une commune à l’autre. Jamileth connaît personnellement presque tous ces hommes, mais quand elle en parle, elle l’oublie et devient la sorcière, voyante et justicière. Elle passe aussi des chansons à la gloire des femmes. Puis elle diffuse des chansons populaires et machistes pour pouvoir mieux fustiger leurs paroles dépréciatives à l’égard des femmes.

« Zéro violence dans les rues, dans les foyers et au lit ! »

La sorcière tient également un rôle de sexologue. « C’est indispensable, explique Jamileth, car de nombreux hommes rentrent en état d’ébriété avancée et exigent de leur femmes des relations sexuelles auxquelles elles ne consentent pas. Bien souvent, cela dégénère en viol. Ces sujets nous les abordons car ce que nous voulons, c’est zéro violence dans les rues, dans les foyers et au lit ! »

« (Ricanements)… Bonjour, mes amies, vous avez bien dormi ? Que j’aime être en votre compagnie ! J’allume le feu, je suis pleine de suie… Il a beaucoup plu ce matin, vous avez remarqué ? Moi, je m’endors presque sur mon balai… Alors ? Racontez-moi comment s’est passé votre soirée, mesdames ? Comment se sont-ils occupé de vous ? Avez-vous eu un orgasme ou l’avez-vous simulé ? Étiez-vous consentantes ou vous ont-ils un peu forcé la main ? Réfléchissez, parce qu’il n’y aucune raison de ne pas prendre de plaisir, c’est très important… Aujourd’hui, nous sommes le 30 mai et nous nous préparons pour la fête des mères… Mais ne fêtons-nous ce jour que pour l’Église, les politiques et les hommes ? Et d’ailleurs, que fêtons-nous ? Parce que nous, les femmes, nous avons d’autres choses à célébrer, nous devons revendiquer le droit de grandir, d’apprendre, de se développer, le droit d’exercer nos droits dans la rue, à la maison… et au lit ! (Ricanements). »

La sorcière se lance ensuite dans un exposé sur les aspects de la sexualité féminine, un sujet abordé chaque matin de bonne heure. Toutefois, l’éducation sexuelle continue au cours de la journée puisque la radio diffuse des spots publicitaires avec des phrases choc. Ces jours-ci, il s’agit de « Sí a la protección, pero sin presión » (Pour la protection, mais sans pression).

Éducation sexuelle des jeunes de Paiwas

Nereida a 20 ans. Elle était mère à quinze. Elle travaille depuis 5 ans comme formatrice à la Casa de la Mujer. Son public est composé de jeunes femmes de son âge. Elle dirige aussi un groupe de danse et de théâtre et offre un soutien psychologique à des femmes de tout âge qui ont souffert de violences physiques et sexuelles. « Nous avons une telle influence dans la région, que les femmes commencent à penser de façon différente ». Le programme Mentes desnudas, « Consciences à nu », s’adresse à la jeunesse et met l’accent sur l’éducation sexuelle. L’une des consignes est « jalencia sin violencia », ou « flirt sans violence ». Par courrier, les jeunes peuvent poser des questions sur les règles, les contraceptifs, la taille des organes génitaux, les préservatifs, etc.

« Tous ces messages sur la sexualité intéressent les femmes, mais également les hommes », se félicite Jamileth. « Nous savons même que certains hommes sortent la radio dans la cour, pour pouvoir écouter l’émission pendant qu’ils traient les vaches. Durant toute leur vie, parler de sexe a été tabou. Ils nous écoutent parce qu’ils aiment l’interdit. Mais il n’y a rien de mal à cela ! Nous éduquons les gens. Que trouve-t-on dans les autres médias ? Un assassinat analysé sous tous les angles, un viol de jeune fille décrit dans les moindres détails, etc. Ce genre d’émissions forme des violeurs et des assassins. Ce que nous prétendons nous, c’est éduquer les gens et nous continuerons à le faire. »

À 6 heures du matin, la sorcière se retire dans sa grotte du cerro Esquirín, un site archéologique où se dessine une silhouette anthropomorphe très étrange, l’Esquirinel. On dit que dans son dos, apparaissent des dessins de dinosaures. Est-ce vrai ? Les dinosaures seraient-ils arrivés jusqu’au nombril du Nicaragua ? Le saura-t-on un jour ? Pendant ce temps, tout le monde à Bocana de Paiwas sait que cette grotte et ses alentours sont des endroits magiques : le domaine des sorcières.

La deuxième partie du texte est publiée dans le numéro d’avril 2007.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2918.
 Traduction de Jérémie Kaiser pour Dial.
 Source (espagnol) : revue Envío, n° 292, juillet 2006.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, le traducteur, la source française (Dial) et l’adresse internet de l’article.

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[1Projet de barrage, initié sous la dictature de Somoza, abandonné puis remis au goût du jour, qui verrait la moitié de Bocana de Paiwas enfouie sous les eaux.

[2Littéralement « pigeon messager ».

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