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DIAL 2599

HONDURAS - Les assassinats d’enfants continuent

samedi 16 novembre 2002, par Dial

Les forces de sécurité du Honduras tuent les enfants sans crainte d’être châtiées et le gouvernement fait très peu pour arrêter ces assassinats, selon les résultats d’une enquête réalisée par les Nations Unies et présentée le 2 octobre. Au cours d’une visite de dix jours dans ce pays d’Amérique centrale en août 2001, la rapporteure spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, arbitraires et sommaires, Asma Jahangir qui a travaillé sous mandat de la Commission des droits humains, a trouvé un climat dans lequel les enfants peuvent être assassinés dans l’impunité. Sur la vie des enfants de la rue au Honduras on se reportera aux récits autobiographiques publiés par Dial (D 2478, 2479, 2480). Ci-dessous, texte de Casa Alianza, association de défense des enfants présente au Mexique et en Amérique centrale.


Dans son rapport, obtenu par Casa Alianza le 2 octobre, Mme Jahangir lance un appel au gouvernement du Honduras pour qu’il prenne des mesures dans le but de prévenir les exécutions extrajudiciaires et pour que les responsables soient jugés. Casa Alianza a enregistré près de 1 400 assassinats d’enfants et de jeunes de moins de 23 ans, de janvier 1998 jusqu’à août 2002. La rapporteure spéciale a conclu que ce qu’elle a vu et entendu pendant sa visite « manifeste clairement que des enfants sont assassinés au Honduras par des membres des forces de sécurité. Dans la majorité des cas, l’enfant n’était pas armé et n’avait pas provoqué la police pour que celle-ci use de la force, et encore moins d’une force mortelle. Il y a eu quelques enquêtes et jugements sur des cas d’exécution extrajudiciaires et les personnes qui ont été emprisonnées sont des cas exceptionnels. »

Dans une conclusion assez sévère, la représentante des Nations unies indique : « L’action menée par le gouvernement du Honduras n’a pas constitué un message clair pour la police, à savoir que les policiers seraient conduits devant la justice pour tout abus quelconque d’autorité ou toute violation des droits humains. Les groupes de pouvoir suspectés d’être compromis dans ce genre de crimes n’ont pas compris qu’ils ne pouvaient pas tuer des enfants, et les autorités n’ont pas non plus donné de signal pour montrer que ces assassinats n’étaient pas justifiables, même sous prétexte de créer un climat favorable à la stimulation économique. » [1].

Pendant sa visite au Honduras, Jahangir, originaire du Pakistan, a rendu visite à Casa Alianza à Tegucigalpa, capitale du pays, dans le but de discuter avec le personnel de l’organisation, ainsi qu’avec les membres des familles des victimes. Elle a également visité le cimetière des enfants de l’organisation, dans lequel ont été enterrées quelques-unes des victimes des assassinats extrajudiciaires. Les parents des enfants victimes l’ont informée sur les exécutions effectuées par des forces de sécurité. Les enfants qui ont été témoins de ces assassinats ont également parlé avec la rapporteure spéciale, qui a reconnu être « accablée, perturbée et affligée » par ces réunions. Dans le rapport tant attendu des Nations unies, la rapporteure a informé que des enfants lui ont parlé de groupes d’hommes armés, habillés en civil et conduisant des véhicules sans immatriculation, qui séquestraient des enfants de la rue, qu’ils ne revirent jamais plus par la suite. Les témoins entrevus ont déclaré que la police n’a rien fait pour arrêter ces personnes et elle a parfois dissimulé leurs activités. On a rencontré dans certains lieux déserts de certaines villes du Honduras des corps d’enfants de la rue assassinés par des auteurs inconnus. Quelques-uns de ces enfants ont été torturés et apparaissent avec une balle entre les yeux. En accord avec Jahangir, chacun des enfants avec lesquels elle s’est entretenue à Tegucigalpa lui a parlé d’un mystérieux « homme chinois » supposé être derrière ces assassinats.

Jahangir a informé qu’il existe « un manque de confiance et une crainte profonde envers la police » parmi les enfants victimes et les familles avec lesquelles elle a parlé. Cette crainte est maintenue vivante en raison de l’impunité et de l’indifférence, et elle affirme que cette ambiance rend difficile aux organisations non gouvernementales (ONG) et aux défenseurs des droits humains de monter des dossiers sur tous les cas d’exécutions extrajudiciaires.

Les données qu’elle a reçues d’une ONG (Casa Alianza) révèle que 606 enfants et jeunes de moins de 23 ans ont été assassinés de façon extrajudiciaire entre 1998 et 2000, mais elle a indiqué qu’il s’agissait là « seulement de la partie visible de l’iceberg ». Jahangir a déclaré qu’un enfant sur quatre rencontré dans des centres de détention avait vu des exécutions extrajudiciaires d’autres enfants, tandis que les mères lui parlèrent de leurs recherches sans fin de leurs enfants disparus.

La mère d’Oscar Daniel Medina Cortès, assassiné à l’âge de 16 ans, lui a raconté comment quelques policiers emmenèrent son fils et deux amis - y compris José Luis Hernández âgé de 14 ans -, le 11 janvier 1998, dans un parc d’El Progresso. José s’échappa et parla avec la maman d’Oscar, mais bien qu’elle ait demandé toute la nuit à la police de l’aider, le corps de son fils et de son ami ont été retrouvés dans une plantation de bananiers le jour suivant. Ils avaient été torturés et avaient reçu un coup de fusil dans le dos. Mme Cortes a essayé de déposer une plainte contre les officiers de police inconnus mais elle n’a pas pu, et aucun témoin n’était prêt à rapporter des preuves. Le cas reste sans solution et Casa Alianza l’a présenté devant la Commission interaméricaine des droits humains.

La maman de José Giovanni Lainez, âgé de 17 ans, a raconté à la rapporteure spéciale comment son fils avait reçu une balle dans la jambe de la part d’un officier de police parce qu’il n’avait pas pu s’arrêter lorsque l’ordre lui en avait été donné. Ils ne permirent pas à la famille de voir l’enfant à l’hôpital, mais ils l’informèrent qu’il était vivant. Le jeune fut sorti de l’hôpital par la police, qui remit plus tard son corps avec un trou exécuté clairement par balle entre ses yeux. La mère demanda justice devant les autorités, mais elle fut humiliée dans sa démarche, indique le rapport. La mère connaît le nom des assassins en uniforme de son fils et continue la lutte pour obtenir justice, avec une photographie de José près de son cœur.

Ces histoires sont banales. Mme Jahangir trouve que « les recherches n’aboutissent que très faiblement dans une grande quantité de cas d’enfants assassinés par des auteurs inconnus ».

La représentante des Nations unies, qui est également présidente de la Commission nationale pakistanaise des droits humains, a critiqué les médias du Honduras à cause de la présentation fréquente qu’ils font des enfants de la rue comme s’ils étaient membres de bandes et supposés se tuer les uns les autres. Un tel comportement, dit-elle, favorise un climat dans lequel les enfants sont considérés comme responsables de leurs propres morts. « Il faut que l’on réalise que les enfants de la rue ne sont pas une "réalité inévitable", aucun des enfants entrevus par la rapporteure spéciale ne demande miséricorde, charité ou aide. Ce qu’ils veulent c’est vivre avec dignité et en sécurité.

Ils ont le droit de jouir de leurs droits, comme des enfants qu’ils sont » a dit la rapporteure dont son texte.

Jahangir a crédité le gouvernement de quelques actions favorables au bien-être des enfants, et pour sa volonté de l’aider au cours de sa recherche. Elle invite à créer une organisation indépendante comme un « défenseur des enfants », pour s’assurer que tous les cas d’exécutions extrajudiciaires fassent l’objet d’enquêtes ; toutes les enquêtes seraient comptabilisées et contrôlées de façon indépendante, et des informations périodiques seraient publiées et présentées aussi au gouvernement. Elle lance également un appel urgent pour que soit créée une commission avec la participation d’ONG et le commissaire aux droits humains, pour étudier la situation et présenter des recommandations concrètes et des directives politiques dans le but de s’assurer que tous les assassinats fassent l’objet d’enquêtes de façon indépendante et pour que les responsables soient conduits devant la justice sans délai.

Elle a indiqué que « le gouvernement doit satisfaire à son obligation de résoudre le mystère des enfants qui sont assassinés par des auteurs inconnus. L’Etat doit assurer sans attendre la fin de l’impunité actuelle pour les assassins des enfants marginalisés du Honduras ». Le rapport - qui a été envoyé à la mission permanente du Honduras aux Nations unies à Genève, il y a plusieurs semaines -, a été bien reçu par Casa Alianza Amérique latine, dont le travail pour promouvoir le bien-être des enfants et des jeunes de la rue au Mexique et en Amérique centrale inclut également le Honduras. Le rapport de la rapporteure spéciale soutient pratiquement tout ce que nous avons dit depuis que nous avons commencé à travailler au Honduras il y a quinze ans, a indiqué Bruce Harris, directeur exécutif pour l’Amérique latine de Casa Alianza. « Nous avons compté que 1 343 enfants et jeunes de moins de vingt-trois ans étaient morts assassinés au Honduras depuis janvier 1998, dont 53 uniquement au mois d’août de cette année. Et ce chiffre est la triste expression d’un système qui permet que l’on assassine les enfants en toute impunité. Nous attendons que le gouvernement du Honduras agisse, en référence à ce rapport des Nations unies, pour mettre un terme aux exécutions extrajudiciaires des enfants, et pour qu’il conduise les coupables devant la justice. C’est seulement alors, que les enfants du Honduras auront les droits qu’ils méritent. »


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2599.
 Traduction Dial.
 Texte (espagnol) envoyé par Casa Alianza

En cas de reproduction, mentionner au moins la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

responsabilite


[1Derrière cette proposition, il y a l’idée, ici dénoncée, que se débarasser des enfants de la rue et des petits délinquants est nécessaire pour assurer un climat de sécurité favorable au développement des activités économiques (Note Dial).

Messages

  • Bonjour,
    Ma réaction est un peu tardive…

    Je voulais juste signifier mon désaccord avec le point de vue défendu dans cette article est plus largement par les pays riche et « leurs » droits de l’homme.

    Je vais moi-même régulièrement au Honduras, chez ma copine qui habite un quartier populaire de Puerto Cortes.
    La réalité de la vie des honduriens est malheureusement tellement insécuritaire que tuer des enfants pour sa sécurité est malencontreusement une obligation.

    Un simple exemple qui est tout à fait courant là-bas : le voisin de ma copine a tué un homme dans un autre département il y a quelques années, il lui a suffit de changer de département pour ne pas être inquiété.
    Ca femme est déficiente mentale, ces enfants ne vont pas à l’école, tire des pierres sur les autre enfants et se balades avec des machettes…qu’ils n’hésiteraient pas à utiliser si l’envi leur prenait.

    Ce genre d’enfant est souvent pris dans des gangs dans lesquels si le marero (le membre du gang) ne suit pas les ordres on tue sa famille avant de le torturer (je vous passe les détails) et de le tuer.

    Certains « enfant » peuvent vous tuer pour 10 CHF dans certaines villes du Honduras ! Voir moins si vous n’avez rien sur vous….

    Bien qu’il s’agisse d’enfants, ce sont des criminels qui n’ont aucun moyen de sortir de la criminalité.
    Ne pouvant pas enrayer ce phénomène (dû notamment au fait ces enfants sont livrés à eux même) par la justice, les policiers et les citoyens sont obligés de les tuer eux ainsi que des adultes membres des gangs ou simple tueurs récidivistes.

    Bien que cette méthode de ne respect pas « nos » droits de l’homme qui somme nous (pays riches qui s’ennuient tellement qu’ils se permettent de philosopher sur l’attitude des autres) pour juger ces gens ?!

    Mettons nous à leur place et posons nous cette question : Que ferions-nous si nous devions

    • Dormir avec une machette ou un pistolet sous le lit
    • Ne pas sortir après 21h
    • Ne jamais avoir plus de 20 CHF à la maison
    • Scruter en permanence chaque foi que l’on sort de la maison
    • Surveiller les gens qui n’ont pas l’habitude de passer dans le quartier
    • Faire le pauvre même si on ne l’ait pas (ce qu’un bon nombre d’honduriens doivent faire)
    • Avoir un ou plusieurs membre de sa familles tué et ou blessé par balles
    • Fortifier sa maison (si elle est à nos standards) comme une caserne avec mure de 3m, électricité et piques.
    • Se laisser voler pour ne pas risquer de représailles
    • Dormir d’un œil pour être prêt au cas ou
    • Risquer de faire tirer dessus à chaque sorti et dans le bus pour rien (balle perdu de batails entre gangs)

    Je vis cela lors de chaque séjour que j’effectue là-bas et je comprends facilement que les gens veulent améliorer leurs situations même si pour cela il faut sacrifier une partie d’une génération perdue qui ne pourra de toute façon pas s’en sortir.

    Sur ce, je vous souhaite une bonne continuation et continuer de parler de ce pays qui est, outre sa violence latente, un pays magnifique dans lequel les gens sont vrais et malgré tout profite de leur vie.

    • Bonjour,

      Si nous vivons dans une société où les enfants doivent survivre au cœur de criminalité, est-ce que notre choix est de les tuer parce qu’ils menacent notre vie ?

      Ce "sacrifice" contribuera-t-il à construire une société où nous pouvons dormir sans "une machette ou un pistolet sous le lit" ?

      Est-ce que c’est en agissant sur les conséquences qu’on peut résoudre les problèmes ?

      Ika

    • Je vous l’accorde c’est une situation qu’il faudrait stopper le plus rapidement possible.
      La situation actuel est déjà meilleur et ce genre de choses est nettement mois fréquent (d’après ce que je sais) mais perdure toujours, car :

      1. L’école n’est pas obligatoire…certains enfants ne sont jamais allé à l’école de leur vie !!!!

      2. La police « officielle » n’est pas en mesure de régler le problème, car ils ne sont pas assez nombreux, pas assez formés, pas assez équipés, pas assez payés et donc pas assez motivés pour vouloir risquer leurs vies.

      Les honduriens en général, car il n’y pas que la police qui fait justice elle-même, doivent pour s’en sortir éradiquer les gangs (dans lesquels se trouvent des enfants…).

      La situation c’est améliorée par rapport à quelques années en arrière.
      Le fait d’avoir tué des milliers de membre de gangs adultes et enfants confondus a permis de fragiliser certains gangs et de faire diminuer le nombre de nouveaux membres qui savent ce qui les attends…
      J’ai même vu des reconvertis dans le quartier ou je séjourne là-bas !!!
      A l’époque de votre article ou des membres de gangs ont été tué en mas (enfants et adultes), on retrouvait quasiment chaque nuit des têtes de femmes au milieu du parque centrale de Puerto Cortes (ce qui n’est plus le cas aujourd’hui).
      Par conséquent oui selon moi cette méthode est efficace (mais barbare c’est vrai).

      Je vous cite juste encore un exemple de violence qui peut arriver dans ce pays même maintenant que la situation c’est améliorée : lors de mon dernier séjour lorsqu’il y eu la fête foraine, des membres d’un gang ont tiré dans le tas pour tuer des types d’un autre gang et des personnes normales ont été tués.
      Je ne sais pas si des mineurs étaient dans le coup, mais il est probable qu’il devait y en avoir.

      La police ne fait rien et comme je l’ai expliqué plus haut ne peut rien faire…alors que faut-il faire ? se laisser tuer à l’occasion ?!

      D’après moi à présent que les gangs sont plus ou moins contrôlé par rapport à l’époque de l’article, il faudrait aider ce pays à avoir une police digne de ce nom et l’aider à se développer économiquement et non le critiquer sur des choses dont (et j’en suis persuadé) tout homme ce montrerait capable dans une situation similaire.

      D’ailleurs le peuple hondurien est très chaleureux et je vous encourage à visiter ce pays. Pour cela, je vous conseils de vous habillé en clochards et d’être accompagné d’honduriens qui connaissent parfaitement les règles de sécurité et de comportement à adopter pour minimiser un maximum les risques. La preuve je suis toujours vivant !

      Je pense qu’en vivant ce qu’ils vivent vous les comprendrez.

  • Bonjour,

    je voulais juste signaler la parution d’un autre article sur un thème voisin, « EL SALVADOR - De la mara à la pandilla : des monstres aux citoyens ». Il me semble que cela peut venir enrichir le débat.

    Bien cordialement,

    Nicolas.

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