Accueil > Français > Dial, revue mensuelle en ligne > Archives > Années 2000-2009 > Année 2000 > Juin 2000 > EL SALVADOR - Le droit des travailleurs systématiquement violé

DIAL 2386

EL SALVADOR - Le droit des travailleurs systématiquement violé

José Mirio González

vendredi 16 juin 2000, mis en ligne par Dial

Voir l’introduction de DIAL D 2385. Ci-dessous article de José Mirio González, conseiller juridique du Comité des familles des victimes des violations des droits humains « Marianela García Villa » (CODEFAM) en El Salvador, paru dans Brecha/CODEHUCA (Costa Rica), juin-août 1999.


L’activité des maquilas en El Salvador est devenue une des principales activités économiques après la signature des Accords de paix ; la preuve en est que, en 1991, elle n’atteignait même pas 1 % des exportations [1] et en 1997 elle a dépassé 40%, générant ainsi quelque 59 000 emplois directs pour cette année-là, et pour octobre 1998, l’équivalent de près de 65 000 postes de travail.

La population qui travaille dans les maquilas a pour caractéristique d’être féminine dans sa majorité. 88,1 % de la main-d’œuvre sont des jeunes, et 65,2 % des travailleurs et travailleuses ont moins de 27 ans. Il s’agit de postes de travail précaires. 42,3 % de cette population ont moins de deux ans de travail et 68,2 % sont des chefs de familles [2].

Bien que la maquila ait effectivement généré de l’emploi, il faut aussi signaler qu’elle a été un des principaux lieux de conflits du travail depuis 1992.

Quoique des fonctionnaires du gouvernement continuent à nier que dans ces maquilas il y ait une pratique systématique de violation des droits des travailleurs, la réalité est tout autre ; les plaintes déposées auprès des tribunaux du travail, du Bureau du procureur pour la défense des droits de l’homme, des ONG de droits de l’homme et même du ministère du travail, contredisent ces propos.

Parmi les faits dénoncés par les travailleuses et les travailleurs des maquilas, nous trouvons : fermeture soudaine des installations et fuite des propriétaires sans honorer leurs engagements à propos des salaires et du travail, des intoxications massives dans les installations, des licenciements massifs, le refus de payer les prestations sociales correspondantes, etc.

Par exemple, en novembre 1998, notre bureau de droits de l’homme, CODEFAM « Marianela García Villa », s’est occupé du cas de la maquila Roca Play où les travailleuses s’étaient organisées légalement en syndicat ; l’entreprise a alors fermé ses installations et s’est déclarée en faillite, laissant sans emploi 180 femmes. Une plainte a été déposée auprès des tribunaux, et des négociations ont été menées au ministère du travail avec le représentant juridique de l’entreprise à propos des indemnisations ; des accords ont été conclus bien qu’ils n’aient pas été satisfaisants pour les travailleuses. Néanmoins, celles-ci ont finalement accepté une proposition intermédiaire telle qu’elles n’ont touché que 60 à 70 % de leurs prestations sociales. Dans ce cas, les droits à la stabilité du travail et à la liberté d’organisation ont été violés.

La maquila en El Salvador a été encouragée sous deux modalités : les sites d’exemption fiscale et les zones franches.

La loi établit comme zone franche des parties du territoire national préalablement désignées comme hors-douane, assujetties à un régime spécial, où peuvent s’établir des entreprises nationales ou étrangères de production ou commercialisation de biens pour l’exportation (art.2, Loi des zones franches).

Les conditions de travail dans les maquilas sont les suivantes : embauche de mineurs, des salaires bas - dans beaucoup de cas en-dessous de ce qui est établi par la loi, ce qui contraint à faire des heures supplémentaires pour avoir plus de revenus -, également l’acceptation forcée des heures supplémentaires, un rythme trop intense de travail, des locaux mal ventilés, une chaleur trop forte, une importante poussière dégagée par les tissus, ainsi que des mauvais traitements et un équipement de sécurité inadéquat [3].

Il y a beaucoup de cas où les femmes ont refusé de faire des heures supplémentaires. Comme l’indique le Code du travail en vigueur, les heures supplémentaires doivent être l’objet d’un commun accord entre le patron et le travailleur ou la travailleuse selon l’art. 170 du Code du travail. Cependant, le refus de faire des heures supplémentaires a servi de justification pour des licenciements, alors qu’un licenciement injustifié est un acte illégal.

Il y a des entreprises qui obligent leurs employées à travailler douze heures par jour, sans leur payer les heures supplémentaires correspondantes ; ces entreprises sont d’origine coréenne, taïwanaise et chinoise, dont les produits sont en grande majorité destinés au marché des États-Unis.

Il est important de signaler que le rôle joué par le ministère du travail est très limité, et en plusieurs occasions les employés de cet organisme étatique (les délégués) se prêtent au jeu des entreprises, sans même jouer au minimum le rôle de médiateurs, alors que leur fonction est de garantir le respect des droits des travailleurs.

La globalisation de l’économie elle-même et les programmes néolibéraux implantés en El Salvador ont affaibli les lois du travail. Aujourd’hui, les normes du travail sont violées par les entrepreneurs, et dans notre cas, par les propriétaires de maquilas. Par ailleurs, les institutions étatiques chargées de veiller au respect de la loi l’appliquent timidement, que ce soit au niveau du ministère du travail lui-même ou des tribunaux du travail, de telle sorte que, lorsqu’il y a un licenciement, des juges se prononcent lors de la sentence définitive pour une indemnisation patronale s’élevant à 75 %, alors que par principe elle devrait être de 100 %. Ceci montre que le capital est un pouvoir qui va de l’avant, capable d’utiliser des recours légaux pour continuer à violer les droits du travail, au détriment des travailleurs et des travailleuses des maquilas.


Main-d’œuvre bon marché, syndicats indésirables en El Salvador

(...) Les entreprises multinationales du textile parcourent le monde à la recherche de main-d’œuvre bon marché, notamment féminine - et non organisée. (...) En El Salvador, moins de 2 % des employés des maquilas du textile sont affiliés à un syndicat. Il n’existe pas de convention collective. La raison principale en est que les patrons ne permettent pas l’organisation syndicale. Une “liste noire” informatisée des personnes “indésirables” circule : il s’agit de personnes qui demandent l’application de la législation du travail, et qui se voient ensuite refuser un emploi.

Carta a las Iglesias
16-31 mai 1999


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2386.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Brecha/CODEHUCA, juin-août 1999.
 
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source française (Dial - http://www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

Les opinions exprimées dans les articles et les commentaires sont de la seule responsabilité de leurs auteurs ou autrices. Elles ne reflètent pas nécessairement celles des rédactions de Dial ou Alterinfos. Tout commentaire injurieux ou insultant sera supprimé sans préavis. AlterInfos est un média pluriel, avec une sensibilité de gauche. Il cherche à se faire l’écho de projets et de luttes émancipatrices. Les commentaires dont la perspective semble aller dans le sens contraire de cet objectif ne seront pas publiés ici, mais ils trouveront sûrement un autre espace pour le faire sur la toile.


[1Dinámica de la actividad maquiladora y derechos laborales en El Salvador (Dynamique de l’activité des maquilas et droit du travail en El Salvador), CENTRA 1998.

[2Los Derechos Humanos y la Maquila en El Salvador (Les droits de l’homme et la maquila en El Salvador), PDDH, 1998

[3Idem.

Un message, un commentaire ?

modération a priori

Ce forum est modéré a priori : votre contribution n’apparaîtra qu’après avoir été validée par les responsables.

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.

>> PDF Formato PDF