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DIAL 3308

Message final de la Première Rencontre régionale de pastorale indienne d’Amérique centrale et du Mexique

mardi 23 décembre 2014, mis en ligne par Dial

La Première Rencontre régionale de pastorale indienne d’Amérique centrale et du Mexique a eu lieu dans la ville de Guatemala du 16-20 juin 2014. Nous publions ici une traduction de sa déclaration finale. On y retrouve nombre de thèmes chers à la théologie indienne telle que la défend notamment Eleazar López Hernández dont nous avons souvent publié les textes [1].


Chers frères Évêques des Conférence épiscopales d’Amérique centrale et du Mexique et vous tous, les fidèles de nos églises particulières :

1.- Nous, Évêques et Secrétaires exécutifs de la pastorale indienne des Conférences épiscopales d’Amérique Centrale et du Mexique, avons participé à la Première rencontre régionale de pastorale indienne organisée par le Département de culture et éducation du Conseil épiscopal latino-américain (CELAM), qui a eu lieu dans la ville de Guatemala du 16 au 20 juin 2014.

Nous vous envoyons notre cordial et fraternel salut : nous nous sentons en profonde communion avec toutes et tous et notre prière vous accompagne.

2.- Pendant ces journées de réflexion et d’échange fraternel, le magistère et les « gestes prophétiques » de notre pape François ont été pour nous un motif de réconfort et d’espérance chrétienne. Ce dont a besoin notre pastorale indienne actuelle est précisément de se sentir une partie vivante d’une « Église qui sort », qui va vers les périphéries existentielles et géographiques, qui cherche et accueille tout le monde, comme dans une « maison commune », et qui vit et s’engage avec un amour préférentiel en faveur des plus pauvres et des plus abandonnés.

3.- Convaincus que l’Église est inspirée et guidée par l’Esprit Saint, acteur principal de la mission, nous rendons grâce pour tout ce qui est mis en œuvre en faveur des peuples autochtones par tant d’agents de pastorale avec une grande générosité et une grande d’abnégation.

Dans ce contexte historique crucial, l’annonce du royaume de Dieu ne pourra être accueillie si elle n’est pas accompagnée (comme l’a dit le vénérable Paul VI) par le « témoignage de la puissance de l’Esprit Saint opérant à travers l’action de la communauté chrétienne au service de ses frères et de ses sœurs, là où se jouent leur existence et leur avenir » (OA n° 51).

4.- Nous avons constaté que de plus en plus se renforce parmi les peuples indiens une conscience plus claire et plus élevée de ce qu’ils sont, de leurs valeurs, et de leur place « à la racine première de l’identité latino-américaine et caribéenne », comme nous le lisons dans le Document d’Aparecida (n° 88).

Nous reconnaissons aussi une présence plus grande et plus significative des peuples autochtones dans l’Église grâce à l’action de Jésus-Christ, qui « illumine tout homme qui vient en ce monde » (Jn. 1, 9) et « qui veut que tous les hommes soient sauvés et arrivent à la connaissance de la vérité » (1 Tim. 2,6). Cette présence se manifeste par exemple par un rôle de premier plan joué dans les différentes formes d’apostolat, par des expressions plus visibles de leur propre religiosité et spiritualité et par l’augmentation des vocations indiennes à la vie sacerdotale, religieuse et missionnaire.

En même temps, avec un regard rétrospectif sur l’histoire, nous avons constaté la grave erreur qui a accompagné le travail en faveur des peuples autochtones : nous les avons considérés, peut-être exclusivement, comme des destinataires de l’action évangélisatrice et non comme de vrais interlocuteurs, c’est-à-dire comme d’authentiques sujets et acteurs responsables de leur histoire et de leur développement intégral, si bien décrit par Paul VI comme « le passage pour chacun et pour tous de conditions de vie moins humaines à des conditions plus humaines » (PP n° 20).

L’authentique « conversion pastorale » tant souhaitée à Aparecida, nous conduit à nous rapprocher des peuples indiens avec un respect total, de sujets à sujets responsables ; travaillant avec eux et pas seulement pour eux, les reconnaissant comme les premiers acteurs de leurs projets et de leur destin.

Nous sommes convaincus que, non seulement les peuples indiens ont besoin de l’Église, mais aussi que l’Église a besoin d’eux pour se constituer en Église de Pentecôte, c’est-à-dire réelle et véritablement catholique, qui intègre les « peuples de toutes races et de toutes langues », de l’Orient à l’Occident, du Nord au Sud.

5.- Une fois de plus, nous nous trouvons devant l’expérience provocante du « déjà là, mais pas encore ». Nous nous trouvons avec le « déjà là » de tout ce qui a été atteint jusqu’à présent et pendant plus de cinq cents ans d’évangélisation, mais aussi avec le « pas encore » de multiples défis que l’Esprit nous appelle à affronter et à assumer.

Il s’agit de se mettre à la disposition de l’action salvatrice et humanisante de Dieu, qui toujours nous précède et qui toujours est première, comme dirait le pape François (cf. Evangelii gaudium, n°24), avec générosité et humilité en même temps que créativité et patience.

C’est à la lumière de ces constatations et de ces convictions que nous avons considéré utile de décrire plusieurs défis qu’affronte aujourd’hui notre pastorale indienne.

a) Le premier défi nous vient de l’extraordinaire variété, non seulement des ethnies, des langues et des cultures, mais aussi des « processus évangélisateurs », de leurs responsables et de leurs agents. À ce sujet, nous devons admettre douloureusement que, dans certaines Églises locales, s’est produite une certaine diminution des engagements propres à la pastorale indienne. Nous considérons qu’il est urgent d’en déterminer les causes et que la Pastorale indienne se « revitalise ».

b) Il revient d’abord aux différentes Conférences épiscopales d’arriver à une meilleure prise de conscience des justes demandes de la Pastorale indienne et d’apporter leur appui à tous ceux qui s’y engagent généreusement, en assumant ce que demande le Document d’Aparecida : « Notre service pastoral en faveur d’une plénitude de vie des peuples indiens exige d’annoncer Jésus-Christ et la bonne nouvelle du royaume de Dieu (…). Jésus-Christ est la plénitude de la révélation pour tous les peuples et le centre de référence fondamental pour discerner les valeurs et les déficiences de toutes les cultures, y compris les cultures indiennes » (n° 95).

c) Le troisième défi vient du contraste apparu entre la conscience grandissante de leur identité et de leurs droits exprimée par les peuples autochtones et la perplexité que l’on remarque dans certains milieux d’Église pour assumer et accompagner tous les processus de « croissance » personnelle et communautaire. Il s’agit des « signes des temps » que nous sommes appelés à lire et à interpréter pour leur donner une réponse chrétienne adéquate et engagée.

d) Nous regrettons aussi de la part de certains membres de l’épiscopat et du clergé les préjugés et la méconnaissance de la réalité riche et complexe des peuples autochtones qui freinent et quelquefois annulent une Pastorale indienne véritable et efficace, et, dans certaines occasions, amènent à ne pas respecter, avec patience, le « pas » et le rythme de réponse à l’action évangélisatrice, de la part des peuples indiens.

e) Nous encourageons une plus grande diffusion du Document d’Aparecida, en en promouvant une meilleure connaissance, une meilleure assimilation de sa théologie et de ses propositions pastorales, spécialement en ce qui concerne « la conversion pastorale ». Celle-ci est absolument indispensable quand il s’agit de rénover et d’impulser une évangélisation inculturée. Il est urgent de « revenir à Aparecida ».

f) La conversion pastorale implique aussi l’effort pour surmonter la constante tentation de « l’ethnocentrisme » qui nous fait penser que ce qui est « nôtre » est le meilleur et qui empêche une sincère appréciation et un accueil ouvert des « autres », au-delà de toute attitude de « supériorité », inconsciente ou consciente.

g) Un autre défi nous vient du travail nécessaire et patient pour arriver à une évangélisation réellement inculturée, aussi bien dans le cadre de la première annonce (kérygme) que dans celui de la catéchèse et celui plus difficile encore de la liturgie, encouragée par la lumière et par l’ inspiration qui nous vient de cette merveilleuse icône d’évangélisation inculturée qu’est Notre Dame de Guadalupe.

h) Il y a un fait nouveau : les peuples indiens se déplacent de plus en plus vers les zones urbaines et même hors de leur pays. On calcule par exemple qu’ils sont plus de deux millions dans le District fédéral et la zone métropolitaine de Mexico, et presque le même nombre dans la ville de Guatemala. Ce fait nous oblige à « repenser » la nécessaire préparation et à assumer des « nouvelles stratégies » pour donner une nouvelle impulsion à la Pastorale urbaine indienne, en collaboration nécessaire avec d’autres forces et instances pastorales.

i) Ce dernier fait ne nous dispense pas du devoir d’accompagner et d’appuyer les peuples autochtones dans leurs droits pour défendre ou récupérer leurs terres et « territoires », actuellement menacés par l’extraction minière chimique des métaux, par des projets hydroélectriques et autres.

j) Nous constatons que tout cela implique un nouveau changement de mentalité. C’est pourquoi nous demandons que, dans les Séminaires et dans les Maisons de formation, dès les premières années, ait lieu une initiation positive à la pluriculturalité, en éduquant à l’acceptation et à l’authentique estime de ce qui est culturellement différent, et en fondant un tel processus sur le mystère de « la Parole (qui) s’est faite chair » (Jn 1, 14).

k) Il est urgent pour nous tous de passer de l’« événement » au « processus ». C’est pourquoi nous assumons aussi le défi de la nécessaire continuité, avec tout ce que cela implique de communication et de transmission à tous ceux qui assument la même tâche que nous. C’est l’œuvre et donc aussi la responsabilité de tous.

Précisément, comme signe simple mais significatif de continuité, nous faisons nôtre la conclusion de la Rencontre de Pastorale indienne qui s’est tenue à Bogotá en Colombie, du 14 au 18 octobre 2013.

« Nous confions à Marie, la mère du Seigneur, Marie aux nombreuses invocations en Amérique latine et aux Caraïbes, tous les efforts que notre Église est en train de mettre en œuvre avec nos frères et nos sœurs indiens. C’est Marie qui a pu unir les histoires latinoaméricaines différentes dans une histoire partagée : celle qui conduit vers le Christ, Seigneur de la Vie, en qui se réalise la plus haute dignité de notre vocation humaine commune ».

Avec nos salutations renouvelées et fraternelles, nous nous recommandons à votre prière.

Ville de Guatemala, du 16 au 20 juin 2014.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3308.
 Traduction de Bernard & Jacqueline Blanchy pour Dial.
 Source (espagnol) : site de la Conférence épiscopale du Guatemala, 20 juin 2014.

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