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ÉQUATEUR - Un Sommet ibéro-américain… avec des absences historiques de présidents

Eloy Osvaldo Proaño

jeudi 21 novembre 2024, mis en ligne par Françoise Couëdel

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15 novembre 2024 - À Cuenca le déclin du Sommet latino-américain a été manifeste. Altéré par des manifestations et le fait que de nombreux chanceliers remplaçaient les présidents qui avaient décidé de ne pas s’y présenter, plusieurs centaines de personnes mobilisées par le secteur social ont envahi une rue importante de cette ville coloniale pour protester contre le gouvernement du président équatorien, de droite, Daniel Noboa.

Le 29e Sommet Ibéro-américain des chefs d’État, dans la ville coloniale de Cuenca, en Équateur, n’a accueilli qu’une seule figure présidentielle sur les 22 participants. Le soir du 13 novembre sont arrivés en Équateur le roi Philippe VI d’Espagne et les présidents du Portugal et celui de l’Andorre, Marcelo Rebelo de Sousa et Xavier Espot Zamora. Au dernier moment le représentant du Paraguay, Santiago Peña, a aussi annulé sa présence. Peu d’entre eux ont voulu être photographiés étant donné l’échec de ce sommet.

Cette édition du Sommet ibéro-américain est assombrie par la célébration d’autres rendez-vous internationaux : le Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC), au Pérou, (auquel assistent les présidents du Chili et du Pérou, Gabriel Boric et Dina Boluarte) et celui du G20 au Brésil. Cela révèle aussi le déclin du concept d’ « ibéro-américanisme » qui renvoie à l’époque de la conquête espagnole et portugaise de l’Amérique.

La chancelière équatorienne, Gabriela Sommerfeld, a défendu cette rencontre comme « pilier fondamental pour favoriser la coopération ibéro-américaine et assurer le suivi des programmes, des initiatives et des projets en marche ». Un des objectifs du sommet sera d’adopter « des mesures pour un développement durable », ainsi que des « initiatives pour lutter contre la délinquance transnationale organisée ».

Au nombre des absents est la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, de gauche, dont le pays a rompu ses relations diplomatiques avec l’Équateur et l’a attaqué en justice après l’assaut de son ambassade à Quito, en avril, pour arrêter l’ex-vice-président Jorge Glas.

N’y participe pas non plus le président libertaire argentin Javier Milei, qui s’est empressé de rendre allégeance à Donald Trump.

N’est pas surprenante non plus l’absence de Nayib Bukele, président du Salvador, qui peut se sentir plus proche idéologiquement de Noboa, mais que Noboa, qui se démettra brièvement pour faire campagne pour les élections présidentielles de février, aurait qualifié d‘ « arrogant ».

Sous le slogan « Innovation, inclusion, soutenabilité », le rendez-vous de Cuenca est une mise à l’épreuve pour le gouvernement de Noboa, dont le pays accueille pour la première fois la rencontre et qui est accablé par les coupures d’électricité pour remédier à une sècheresse historique, et par la violence criminelle.

Le Chilien Andrés Allamand, secrétaire général ibéro-américain, a déclaré, lors de son discours inaugural du sommet, que l’événement avait été un « succès » et a remercié pour leur organisation Noboa et Sommerfeld, dans cette ville de Cuenca, reconnue par l’UNESCO patrimoine culturel de l’humanité.

« L’idée de la rencontre entre peuples frères est, peut-être, en cette époque de divisions et d’antagonismes, plus importante que jamais. La rencontre ibéro-américaine permet de nous distinguer dans un monde où explosent les conflits, planent les menaces, se perpétuent les injustices. La rencontre ibéro-américaine est ce qui permet la solidarité et la coopération entre nos nations, d’un rivage à l’autre de l’Atlantique », a déclaré Allamand.

« L’insécurité permanente est la préoccupation principale dans de nombreux pays, elle mine la confiance des citoyens et des citoyennes dans la démocratie et l’État et, ce qui est pire, en eux-mêmes. La croissance économique ne va pas atteindre, si on en croit les projections, un rythme qui permettrait de créer des opportunités, de sortir les gens de la pauvreté et d’offrir les perspectives d’un avenir meilleur. Pour l’Amérique latine c’est une nouvelle décennie perdue qui s’annonce », a-t-il ajouté.

Absences massives

Ces absences importantes aurait trois raisons que la chancellerie équatorienne n’a pas prises en compte : l’assaut de l’ambassade du Mexique en avril dernier, le degré d’insécurité dans le pays d’accueil, accentué par une augmentation sans précédents d’assassinats violents, et la crise énergétique qui oblige le gouvernement à couper l’électricité en moyenne 12 heures chaque jour.

Peu de temps avant l’inauguration du « sommet » a circulé un communiqué émanant de plusieurs présidents d’orientation conservatrice (José María Aznar, Felipe Calderón, Eduardo Frei et Andrés Pastrana), en plus de trois ex-présidents équatoriens, pour condamner la suspension de la vice-présidente, Verónica Abad, et demander à l’Organisation des États américains de contrôler la situation en accord avec la Charte démocratique interaméricaine.

L’annulation de la délégation paraguayenne s’explique par l’instabilité du contexte politique et social en Équateur, tandis que la chancellerie colombienne, a fait savoir aussi qu’après les déclarations de Noboa sur le manque supposé de solidarité de Gustavo Petro avec l’Équateur, la réciprocité est devenue difficile.

Depuis 1991 l’assistance à un sommet ibéro-américain n’a jamais été aussi réduite. Ceux qui ont connu l’assistance la plus réduite enregistrée, avec 13 chefs d’État, ont été celui du Panama en 2013, et de Cartagena en 2016. Au sommet ibéro-américain précédent, organisé en République dominicaine, 16 chefs d’État y participèrent.

Tandis que le Roi d’Espagne et le président de l’Équateur assistaient à des événements sociaux, des manifestations ont eu lieu dans les rues de Cuenca. Dans un « contre-sommet » les manifestants de 7 organisations sociales se sont massés près d’un des édifices qui accueillait la rencontre où les chanceliers ibéro-américains s’attelaient à la rédaction du document de clôture qui sera débattu le vendredi lors de la session présidentielle.

« Ils veulent minimiser toute cette crise, nous vivons une crise énergétique grave. Tous les peuples représentés ici, des secteurs paysans, ouvriers, étudiants, collectifs urbains font entendre leur voix », a déclaré Abigail Eras, du groupe écologiste Hakuna Kai.

Au cri de « Dehors le sommet ! », les organisations ont marché de la Plaza del Herrero jusqu’au Musée de Chaguarchimbana, siège de la réunion internationale. Le dénommé Contre sommet a commencé le 13 novembre par diverses activités à l’Université de Cuenca. C’est là qu’ont eu lieu les échanges destinés à l’élaboration d’un document qui fondamentalement indiquait le rejet des politiques minières et sociales de Noboa.

Espagne

L’Espagne, qui n’a pas été représentée par le chef du gouvernement Pedro Sánchez, a participé au sommet de l’Équateur alors que ses relations avec certains pays latino-américains sont délicates.

Le gouvernement espagnol n’avait pas assisté à l’investiture de Sheinbaum, le 1er octobre dernier, après que le Mexique ait refusé d’y convier le roi. Le gouvernement mexicain antérieur, conduit par son mentor Andrés Manuel López Obrador, avait demandé à Philippe VI de présenter ses excuses pour la conquête et n’avait pas obtenu la réponse attendue.

Les liens avec l’Argentine restent difficiles, y compris depuis que Madrid a nommé, fin octobre, un nouvel ambassadeur à Buenos Aires après la crise diplomatique provoquée cinq mois plus tôt quand Milei avait qualifié de « femme corrompue » l’épouse de Sánchez, Begoña Gómez. L’Argentine a envoyé au sommet une délégation réduite.


Eloy Osvaldo Proaño est un analyste et chercheur équatorien associé au Centre latino-américain d’Analyse stratégique (CLAE) www.estrategia.la).

Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://estrategia.la/2024/11/15/una-cumbre-iberoamericana-con-ausencia-historica-de-presidentes/.

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