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DIAL 3729

NICARAGUA - La « nouvelle » constitution ouvre la porte à l’exploitation des ressources naturelles

Rédaction de Confidencial

vendredi 31 janvier 2025, mis en ligne par Dial

La main-mise sur le Nicaragua de Daniel Ortega, président du pays depuis janvier 2007, et Rosario Murillo, son épouse depuis 2005 et vice-présidente depuis janvier 2017, est multiforme et associée à des mesures répressives contre des personnalités politiques [1] ou l’église catholique [2]. Elle s’est traduite aussi par un renforcement de l’extractivisme, grâce notamment à deux décrets pris en janvier 2022 pour lever l’interdiction d’exploitation de différentes espèces d’arbre [3]. La réécriture de plusieurs articles de la constitution va aussi permettre de supprimer des gardes-fous supplémentaires en matière de protection de l’environnement. Article publié le 4 décembre sur le site de Confidencial, journal digital fondé en 1996 par Carlos Fernando Chamorro, le fils cadet de l’ancienne présidente du Nicaragua, Violeta Barrios de Chamorro (1990-1997), qui était au début des années 1980 rédacteur en chef de Barricada le journal du Front sandiniste de libération nationale.


Des réformes élargissent les concessions de ressources naturelles, favorisent l’opacité des processus et suppriment les engagements de l’État en matière de protection de l’environnement.

La dictature au Nicaragua a ouvert « les portes à l’exploitation » des ressources naturelles du pays en éliminant, dans la réforme constitutionnelle approuvée par la première législature, l’obligation de l’État de soumettre les contrats d’exploitation de l’environnement à des « processus transparents et publics » établie dans la Constitution actuelle.

L’article 102 de la Constitution en vigueur depuis 1987 établit que l’État peut accorder des « contrats d’exploitation rationnelle des ressources naturelles » lorsque l’intérêt national l’exige, mais dans le cadre de processus transparents et publics. Cependant, avec la réforme constitutionnelle totale est supprimée la condition selon laquelle ces contrats doivent être conclus dans des situations d’« intérêt national » et « dans le cadre de procédures publiques ».

« La réforme de l’article 102 ouvre la porte à l’exploitation des ressources naturelles sans processus transparents, publics, ou liés à l’intérêt national », déclare l’écologiste Amaru Ruiz.

Il prévient que « cela laisse les biens communs du pays à la merci des intérêts privés, sans possibilité de contrôle public, ce qui peut aggraver la dégradation de l’environnement et les conflits socio-environnementaux ».

Dans le même article 102, on a également supprimé la mention que dans le cas d’une concession « pour la construction et l’exploitation rationnelle d’un canal interocéanique » avec des entreprises étrangères, doit être considérée « la formation de consortiums avec des entreprises nationales pour promouvoir l’emploi ».

Ce dernier changement intervient parallèlement à la résurrection du projet de canal interocéanique, désormais avec un nouveau tracé, que Daniel Ortega a proposé à des entrepreneurs chinois en novembre 2024.

Ces dernières années, la dictature a également accordé de gigantesques concessions minières qui « menacent » les communautés indiennes de la côte caraïbe. Les concessions aux Chinois ont désormais atteint de nouveaux territoires comme Estelí où, en août 2024, on a accordé à l’entreprise Nicaragua Xinxin Linze Minería Group un lot de 3628,71 hectares dans la municipalité de San Juan de Limay.

La concession minière la plus récente a eu lieu le 27 novembre avec l’octroi à Nueva Segovia de 9102 hectares à la société chinoise XinXin Linze Minería Group.

Les modifications apportées à l’article 102 font partie de la série de transformations apportées à la Constitution politique du Nicaragua par la dictature de Daniel Ortega et Rosario Murillo, pour soi-disant « moderniser » la Magna Carta mais qui en réalité modifient jusqu’à 93% de ses articles afin de concentrer davantage le pouvoir et la répression.

La Constitution « chamuca [4] » a déjà été approuvée par l’Assemblée nationale par une procédure expresse lors de la première législature. En janvier 2025, elle sera approuvée par la seconde législature et entrera alors en vigueur.

Élimination des engagements en matière de protection de l’environnement

Un autre article « condensé » dans la Constitution « chamuca » est l’article 60. Y a été supprimé l’obligation de « protéger et restaurer l’intégrité des écosystèmes, en accordant une attention particulière à la diversité biologique et à tous les processus naturels qui maintiennent la vie ».

Est supprimée également l’obligation d’« adopter des modèles de production et de consommation qui garantissent la vitalité et l’intégrité de la terre mère, l’équité sociale dans l’humanité, la consommation responsable et solidaire et le bien vivre communautaire ».

Ces changements « démantèlent les engagements de l’État en matière de protection de l’environnement et de durabilité », déclare M. Ruiz, président de la Fundación del Río, aujourd’hui dissoute avec ses biens confisqués.

Le militant écologiste ajoute qu’« en éliminant la reconnaissance de la Terre Mère comme système autorégulé et l’obligation de protéger les écosystèmes et la biodiversité, on trahit le mandat constitutionnel de garantir le développement durable ».

Le régime Ortega a permis « un désastre environnemental avec de graves conséquences pour le climat mondial ».

L’enquête « Deforestación, la otra crisis olvidada de Nicaragua » [« Déforestation, l’autre crise oubliée du Nicaragua »] a révélé que la déforestation a explosé à partir de 2014, lorsque Ortega a pris le contrôle direct de l’Institut forestier national (Inafor). La perte annuelle moyenne de forêts au Nicaragua est passée de 1,34% entre 2010-2015 à 2,56% entre 2015-2020.

Cette catastrophe environnementale a été alimentée par la corruption au sein de l’Inafor et rendue possible par la famille présidentielle, comme le montrent des documents internes analysés par l’Organized Crime and Corruption Reporting Project (OCCRP) après avoir fait l’objet d’une fuite.

La dictature a également éliminé toutes les ONG environnementales indépendantes au Nicaragua. « Celles qui fonctionnent encore sont des organisations nationales et internationales qui ont été cooptées par le régime, comme Fauna & Flora International », a déclaré M. Ruiz.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3729.
 Traduction d’Angela Berrocq pour Dial.
 Source (espagnol) : Confidencial, 4 décembre 2024.

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