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DIAL 2739

AMÉRIQUE LATINE - La démocratie au-delà des élections

Gustavo González

vendredi 16 juillet 2004, mis en ligne par Dial

Un régime autoritaire doit-il être préféré à un régime démocratique s’il résoud les problèmes économiques ? En d’autres termes, le développement économique est-il plus important que la démocratie ? Une vaste enquête permet de connaître la réponse des Latino-Américains à ces questions. Article de Gustavo González, IPS, 21 avril 2004.


L’Organisation des Nations unies (ONU) a exhorté, le mercredi 21 avril, l’Amérique latine à passer d’une « démocratie électorale » à une « démocratie citoyenne », pour dépasser le désenchantement d’un pourcentage important de sa population et éviter des rechutes autoritaires.

Après 25 années de progrès vers des gouvernements civils élus par les urnes, les systèmes politiques et institutionnels de la région se trouvent en face de sérieux problèmes, fait remarquer le rapport La démocratie en Amérique latine. Vers une démocratie de citoyennes et citoyens, présenté à Lima.

Selon le rapport du PNUD (Programme des Nations unies pour le développement), il existe une crise de confiance dans les systèmes démocratiques, qui n’ont pas réussi à satisfaire les aspirations politiques, sociales et économiques des Latino-Américains.

« La croissance économique insuffisante, les profondes inégalités, les systèmes juridiques et des services sociaux inefficaces ont provoqué le malaise de la population et sapé sa confiance dans la démocratie électorale », indique le rapport préparé par une équipe d’experts menée par l’ancien ministre des relations extérieures argentin Dante Caputo. (…)

Ce rapport est considéré comme l’initiative la plus importante du PNUD ces dernières années dans la région. L’équipe d’experts responsables était composée de 32 gouvernants et ex-gouvernants latino-américains, et également de hauts fonctionnaires d’organismes régionaux, d’universitaires et d’observateurs extérieurs, comme l’ex-président du gouvernement espagnol Felipe González.

Durant l’enquête 231 leaders politiques furent interviewés et deux mesures furent élaborées : l’Indice de démocratie électorale (IDE) et l’Indice de l’appui à la démocratie, sur la base d’enquêtes d’opinion publique auprès de 20 000 personnes de 18 pays différents.
Le rapport indique que, en 2002, selon les enquêtes, 54,7% des Latino-Américains déclaraient qu’ils préféraient un « régime autoritaire » à un régime démocratique, si le premier « résolvait » ses problèmes économiques.

« Cette idée est regrettable. Plus important même, elle est fausse, souligne Kofi Annan à propos de ce résultat. La solution pour les problèmes de l’Amérique latine ne se trouve pas dans un retour à l’autoritarisme, mais dans une démocratie plus profonde et consolidée » insiste le secrétaire de l’ONU. « La recette qui offre le développement ou la justice sociale contre une perte de liberté est un piège du diable qui offre des biens matériels en échange de
l’âme », fait remarquer à son tour l’ex-président de l’Uruguay Julio María Sanguinetti, l’un des invités à la présentation du rapport.

Sanguinetti critique de cette façon une attitude prédominante chez les Latino-Américains qui, à 56,3%, considèrent que « le développement économique est plus important que la démocratie », face à 48,1% qui pensent le contraire, selon les enquêtes d’opinion.

Une vision désenchantée et en même temps pragmatique du système politique s’est exprimée également dans les 58,1% des enquêtés qui estiment légitime que leurs présidents « aillent au-delà des lois ».
Sur une autre question, 43,9% se sont montrés sceptiques sur la possibilité pour la « démocratie de résoudre les problèmes du pays », contre 35,8% qui font tout à fait confiance aux systèmes représentatifs.
Malloch Brown met en relief les sérieux défis politiques auxquels doit faire face cette région de plus de 400 millions d’habitants et lance un appel à les surmonter. « Le monde entier, dit-il, s’intéresse à la démocratie de l’Amérique latine. Notre défi est que la réussite (du processus de démocratisation) des dernières décennies non seulement se maintienne mais se renforce. »

Le rapport est aussi un témoignage de la méfiance des Latino-Américains envers les institutions de l’Etat, puisque 40% de la population considèrent qu’« il peut y avoir démocratie sans parti », possibilité que seulement 34,2 % refusent.

Ceux qui estiment qu’il peut y avoir démocratie sans un Congrès (législatif) national atteignent 38,2%, tandis que 32,2 % soutiennent le contraire.

Autre donnée significative : 79,7% des enquêtés considèrent que ce sont les groupes économiques patronaux et financiers qui exercent le pouvoir dans leurs pays et 65,2 % attribuent aussi un pouvoir aux moyens de communication.

L’ex-chancelier Caputo fait remarquer que ces données fournies par les enquêtes ne doivent pas éclipser l’importance des avancées politiques des dernières décennies dans la région.

« Les déficits, les lacunes, les pièges qui menacent nos démocraties ne devraient pas nous faire oublier que nous avons laissé derrière nous la longue nuit de l’autoritarisme », note l’ex-ministre argentin.

Et il ajoute : « Il n’y a pas de malaise « avec » la démocratie, mais il y a malaise « dans » la démocratie et pour le résoudre il est indispensable de faire usage de l’instrument le plus apprécié qu’elle nous offre : la liberté. »

Et Dante Caputo conclut : « Liberté pour discuter de ce qui dérange, de ce que quelques-uns préféreraient que l’on cache, liberté pour savoir qu’un système qui est presque synonyme d’égalité, cohabite avec l’inégalité la plus forte de la planète. »

L’expert faisait référence à la brèche économique entre riches et pauvres, qui est en Amérique latine plus grande que dans n’importe quelle autre région du monde.

Martínez indique que ce rapport représente le point de départ d’un débat sur le futur de la démocratie, qui doit commencer à Santiago, Washington, México et Bruxelles avec la participation de présidents et d’ex-présidents, d’universitaires, de leaders de la société civile, des moyens de communication, avec le secteur privé et la communauté internationale.

Le PNUD, pour cette réflexion collective, propose en premier lieu une revalorisation du contenu et indique l’importance de la politique « comme cadre où sont adoptées les décisions fondamentales qui affectent la société ».

Construire une nouvelle légitimité de l’Etat, promouvoir une plus grande diversité et souplesse des options de politique économique tout en maintenant la stabilité macroéconomique et prendre en compte l’impact de la mondialisation dans les Etats d’Amérique latine, voilà les trois autres champs d’action proposés par l’ONU.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2739.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : IPS, 21 avril 2004.

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