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DIAL 3158

NICARAGUA - « Il ne fait pas de doute que le FSLN remportera la présidentielle et nous espérons obtenir la majorité qualifiée au Parlement »

William Grigsby Vergara

dimanche 10 juillet 2011, mis en ligne par Dial, Thierry Deronne

Les derniers textes publiés par DIAL sur le gouvernement nicaraguayen proposaient des points de vue résolument critiques [1] Les réflexions très pragmatiques publiées ci-dessous proviennent cette fois d’un proche du gouvernement de Daniel Ortega. William Grigsby est journaliste et directeur de la radio La Primerísima. Ce texte est la transcription d’une présentation donnée le 22 février 2011 à Managua, devant l’équipe de la revue Envío. L’auteur y analyse les atouts du Front sandiniste lors des élections générales qui auront lieu le 6 novembre 2011. Texte original publié dans le numéro 348 de la revue Envío (mars 2011).


Dans ces quatre ans durant lesquels le Front sandiniste a exercé le pouvoir, il s’est occupé en premier lieu de répondre aux priorités du pays du point de vue économique et social. Et il a obtenu pas mal de succès dans la réorientation des politiques économiques dans ces nouvelles circonstances.

Le Front sandiniste a les idées claires. En plus de ce que nous savons déjà – la gratuité de l’éducation et de la santé et les programmes sociaux qui sont des bannières de ce gouvernement – une des réussites les plus importantes de ce gouvernement a été de récupérer la fonction de l’État comme recteur des politiques économiques. Même si cela n’a pas été une réussite complète, il a en tout cas initié un processus dans ce sens. Citons, par exemple, la refondation – nous pouvons l’appeler ainsi – d’ENABAS (Entreprise nicaraguayenne d’aliments de base), chargée de réguler le prix de certains aliments, ce qui la convertit en pivot fondamental pour maintenir l’équilibre économique de la famille. Autre exemple : les politiques stratégiques de l’État d’investissement dans l’énergie, qui ont rétabli une claire autorité de l’État dans tout le secteur énergétique. Autre exemple encore : la redéfinition des priorités dans la construction de chemins et de routes. Jusqu’à il y a quatre ans la priorité était donnée aux couloirs internationaux ou aux routes inter-frontalières ou inter-maritimes. Aujourd’hui les priorités ont changé. Ce ne sont que quelques exemples, très importants pour construire le futur. Le gouvernement a un Plan de développement clairement vertébré autour de deux priorités : les secteurs agricole et énergétique ; il a consacré ses politiques à les renforcer tous les deux. Dans le secteur agricole il a donné priorité à la petite et moyenne production, qui dispose aujourd’hui de meilleures possibilités de crédit et de marchés qu’il y a quatre ans.

Si on réexamine le programme que le Front sandiniste a présenté pour les élections de 2006, il l’a réalisé à 98% et l’a dépassé dans des objectifs qui n’étaient même pas prévus. Nous avons à présent un gouvernement qui produit des résultats concrets à travers des politiques économiques et sociales qui ont réduit l’incidence de la faim dans les campagnes et qui ont renforcé de nouvelles formes d’organisation rurale, principalement autour du programme Faim zéro, qui a promu l’organisation en coopératives paysannes de 60 000 femmes. Elles sont le germe de nouvelles structures qui pourront se développer dans les cinq prochaines années de gouvernement du Front sandiniste.

Vu en général, ce qu’a fait ce gouvernement a été d’asseoir les bases pour donner un saut qualitatif en termes structurels, et aussi en termes politiques, après notre victoire aux élections de novembre 2006. Dans ces premières années, le Front sandiniste s’est concentré sur la récupération des fonctions de l’État dans des secteurs déterminés de l’économie, installant les bases qui permettront de faire le saut.

Les résultats économiques ont été jusqu’ici franchement favorables bien que marqués par la grande faiblesse qu’imposent les circonstances politiques. Il n’y a pas eu jusqu’ici une rupture structurelle de la société. Il n’y en a pas eu et il n’y en aura pas. Nous ne sommes pas comme en 1979, lorsqu’à la suite de l’insurrection populaire le Front sandiniste assuma le pouvoir et tout le pouvoir. Et il a construit tout le pouvoir – le militaire, les structures de l’État –, parce que du pouvoir ancien ne restaient littéralement que des cendres. Le Front sandiniste a construit également un cadre légal pour le pays qui s’est appelé Constitution. Telle n’est pas la situation actuelle, entre autres raisons parce que ni les possibilités politiques ni les nationales ni les internationales, ne nous le permettent. Et parce que ce n’est pas non plus l’objectif du Front sandiniste.

Ici, il n’y a pas eu un changement structurel du pays. Ce qu’il y a eu, c’est un gouvernement qui a changé les priorités de l’État, priorisant la sortie de l’extrême pauvreté d’un segment de la population et impulsant des politiques qui aident à élever le niveau de vie de toute la population. Nous l’avons fait dans un cadre politique défavorable au Front sandiniste. Parce que nous avons gagné les élections sans avoir de majorité parlementaire et sans majorité idéologique dans la société.

Ce que nous avions en janvier 2007 était un Front sandiniste qui a gagné les élections avec la volonté, à partir de l’exercice du pouvoir, de s’élargir jusqu’à obtenir une majorité politique et idéologique.

À mon sens, le principal problème du Front sandiniste est de n’avoir pas réussi à pousser l’organisation populaire. Le Front n’a pas réussi à faire des CPC (Conseils du pouvoir citoyen), convertis ensuite en Cabinets du pouvoir citoyen, un instrument massif d’organisation de base. Ça n’a pas marché et c’est plus qu’évident dans les résultats. Il n’a pas réussi non plus à faire exister un autre type d’organisation populaire qui rende possibles ces vases communicants entre le gouvernement qui exerce le pouvoir politique et les gens. Je crois que c’est la principale faiblesse politique qu’a en ce moment le gouvernement du Front.

Mais nous avons beaucoup de points forts avec lesquels nous arrivons aux élections de novembre. Un des points forts, indubitablement, du Front sandiniste est un gouvernement qui a une vision et un projet très clairs et qui a fait les premiers pas dans cette direction. Le Front sandiniste dispose aussi d’une organisation électorale très efficace et cela a été démontré. L’armée d’observateurs du Front sandiniste est expérimentée. Ils ont déjà participé avec efficacité à quatre élections générales et à quatre ou cinq élections municipales.

Le Front sandiniste dispose aussi d’un environnement international favorable à la consolidation du projet. Et non seulement parce qu’existe l’ALBA mais parce qu’en Amérique latine existent des gouvernements qui adoptent une position plus nationaliste que subordonnée à la métropole nord-américaine. Autre facteur favorable : les États-Uniens ne s’intéressent pas trop au Nicaragua et à l’Amérique centrale car ils sont plus occupés par ce qui se passe dans d’autres parties du monde.

Rappelons-nous une maxime du 19e siècle : « Les États-Unis n’ont pas d’amis, ils ont des intérêts ». Je crois que le plus grand succès du Front sandiniste dans ces quatre ans face à l’opposition fut de la maintenir divisée, ce qui est déjà beaucoup. Le plus important est qu’il a désarçonné l’opposition. L’opposition n’est plus l’interlocutrice de l’oligarchie au Nicaragua. Et elle n’est plus l’interlocutrice des intérêts états-uniens au Nicaragua. Les États-Unis défendent leurs intérêts seuls, parfois avec l’opposition, parfois avec le gouvernement. Cette opposition que nous avons actuellement ne représente plus les intérêts des États-Unis. Sont-ils des amis des États-Unis ? Ils le sont, mais les États-Unis ne vont plus parier sur eux pour qu’ils soient leurs instruments. Les États-Unis voient que l’opposition divisée n’a pas la possibilité de gagner et par contre ils voient que le Front a de plus grandes possibilités, on ne va donc pas en faire un ennemi. Parce que cela ne leur convient pas. Ils encourageront la droite à faire élire des députés, mais rien de plus.

Le Front sandiniste a le grand avantage que l’opposition est atomisée, déstructurée, sans leadership clair et sans programme. La fragmentation de l’opposition de fait de contradictions personnelles les empêche de participer unis et cela fait l’affaire du Front sandiniste. Ses adversaires sont des adversaires affaiblis. Avec une faiblesse non seulement marquée par ses divisions mais aussi par des raisons idéologiques. Ceux qui ont imposé au Nicaragua la privatisation de la santé et de l’éducation publiques, voilà qui sont ces adversaires. Tous les paradigmes qu’ils ont pratiqués au gouvernement ont été pulvérisés au fil des ans. C’est pourquoi le discours de l’opposition est un discours creux. Quand on demande à Alemán ou à Montealegre ce qu’ils feraient avec le programme Faim zéro, tous deux disent qu’il est bon mais qu’ils feraient mieux. On les a interrogés également sur la crise énergétique et ils disent la même chose : que le gouvernement a fait un bon travail, mais qu’il faut attirer plus d’investissements… Nous faisons face à une opposition sans idées propres sur ce qu’il faut faire dans le pays. Et ainsi, nous pouvons énumérer les problèmes principaux du pays et nous cherchons les propositions de solution qu’a l’adversaire et celles qu’offre le Front sandiniste et nous trouvons, évidemment, beaucoup de similitudes, mais une différence : le Front fait les choses, eux ne les ont pas faites quand ils étaient au gouvernement. Nous avons le grand avantage d’une opposition affaiblie du point de vue de ses propositions de modèles de société et du point de vue de ses antécédents. Ils n’ont pas d’idées nouvelles à proposer.

La grande discussion qui s’a eu lieu contre le Front sandiniste concerne l’institutionnalité. On accuse le gouvernement, et en particulier le président Ortega, d’affaiblir l’institutionnalité, d’assumer une conduite autoritaire, de violer la Constitution et de violer les lois. Que dire à cela ? Je ne veux que rappeler que toute institutionnalité, tout cadre juridique, est le fruit d’une majorité politique. Il n’existe pas de sociétés où les majorités politiques ne construisent pas les institutions.

L’origine du cadre juridique du Nicaragua remonte à la révolution de 1979. La Constitution de 1987, c’est la révolution qui l’a faite, et celle-ci a construit aussi l’État, l’armée et la police. Mais cette Constitution, sous laquelle ont été organisées les élections de 1990, fut administrée et réformée suivant les intérêts de la majorité politique qui a surgi des élections de cette année-là. Cette nouvelle majorité politique a plié le cadre juridique à ses intérêts. Et ces intérêts sont restés gravés dans les réformes de la Constitution et des lois réalisées à partir de cette année. Citons un seul exemple de changement légal lié aux manifestations que font ces jours-ci des milliers de personnes âgées qui n’ont pas cotisé assez de semaines à la sécurité sociale et qui, par conséquent, ne reçoivent pas, au moins, une pension réduite. Et ils ne la reçoivent pas parce que le gouvernement de Violeta Chamorro a réformé la loi de la sécurité sociale et les a privés de ce droit. Et que s’est-il passé avec tout l’appareil productif d’État ? Liquidé et privatisé par ce gouvernement. Et avec le système financier ? Selon la Constitution de 1987 la banque est étatisée, mais à partir de 1991 ont commencé à opérer au Nicaragua des banques privées et la Constitution n’avait pas été réformée, alors qu’elle les interdisait. Et ce n’est qu’en 1995 qu’a été réformée la Constitution dans cet aspect comme dans d’autres. Pourquoi en fut-il ainsi ? Parce qu’il y avait une majorité politique qui imposait ses intérêts. Ce sont les majorités politiques qui construisent l’institutionnalité d’une société.

En ce moment personne ne dispose au Nicaragua de majorité politique. À l’Assemblée nationale personne ne l’a. Et il y a en ce moment une dispute pour la majorité politique qui va se dénouer lors des élections de novembre. D’ici là, chacun apporte de l’eau à son moulin, chacun use des instruments qu’il a à sa portée. C’est ce que fait le Front sandiniste. Et c’est ce qui s’est produit avec le décret présidentiel 3-2010. (En janvier de 2010, le Président Ortega a émis un décret pour que restent à leurs postes 25 hauts fonctionnaires publics desquels les mandats venaient à expiration, et ce tant que d’autres ne seraient pas nommés.)

Le Front sandiniste savait que sans un accord politique avec quelques-uns des deux groupes parlementaires des députés libéraux, celui de Montealegre ou celui du PLC [2], il n’avait pas la possibilité d’attribuer les 25 mandats de magistrats de la Cour suprême, du Pouvoir électoral, de la Cour des comptes… Il savait aussi que l’intention de ses adversaires était de ne procéder à aucune nomination pour, de cette manière, paralyser les pouvoirs de l’État et négocier dans de meilleures conditions avec le gouvernement. Sachant cela, le Président Ortega les a pris de court et a émis le décret : tous restent à leur poste tant que ne seront pas élus leurs successeurs par l’Assemblée nationale. On a argumenté que maintenir ou nommer à ces postes n’est pas une faculté du Président de la République. Il est vrai que ce n’est pas une faculté présidentielle expresse, mais la loi ne l’interdit pas non plus. C’est si vrai que personne n’a présenté de recours contre ce décret.

Avec la fameuse institutionnalité, nos adversaires ont affamé les gens pendant 17 ans et tout cela était constitutionnel. Quand il était ministre des finances, Eduardo Montealegre élimina le verre de lait pour les écoliers. Retranchés dans l’institutionnalité du marché, ces gouvernements empêchaient les petits producteurs d’accéder au crédit. Je ne donne que quelques exemples. Ici, l’institutionnalité a été au service d’autres intérêts, des intérêts économiques principalement. À présent nous essayons de construire une nouvelle institutionnalité, adaptée aux intérêts de cette nouvelle majorité politique qui va surgir des élections de novembre. Et tandis que nous avançons vers elle, ce qu’il y a est une bataille avec ses hauts et ses bas, avec ses extrêmes, parfois avec la corde trop tendue… et il en est toujours ainsi : nous ne pouvons oublier que toute élection est une lutte pour le pouvoir.

Sachant que l’opposition allait jouer à la paralysie des pouvoirs de l’État, le président Ortega a donc pris les devants et décrété le 3-2010. Ensuite, pour valider le décret, un avocat libéral a découvert que le second paragraphe de l’article 201 de la Constitution n’avait jamais été dérogé et s’était converti en troisième paragraphe de l’article constitutionnel 201 : il était légal, par conséquent, que les fonctionnaires restent à leur poste. Et bien que le Front n’a pas eu de majorité politique parlementaire en termes nominaux, l’opposition n’a pas davantage réussi à l’obtenir pour déroger le décret ni pour rejeter le troisième paragraphe de l’article 201. Aucune des deux choses n’a été atteinte. On pourra me dire que le Front a acheté des députés pour empêcher qu’ils l’atteignent. Mais la responsabilité est-elle seulement de celui qui achète ou aussi de celui qui se vend ? Et qui a choisi les députés qui se sont vendus ? C’est l’opposition qui les a choisis, pas le Front sandiniste. Et avec des règles du jeu telles qu’elles prévalent au Nicaragua tout est bon pour consolider une majorité politique au parlement. L’alternative était de permettre qu’on paralyse le pays institutionnellement et nous aurions été idiots de nous laisser faire…

À présent, nous allons aux élections de novembre pour élucider celui qui aura la majorité politique dans les cinq années qui viennent. Qui comptera les votes, qui validera les résultats ? Il faut se souvenir que le système électoral nicaraguayen fut réformé en 1995 par la majorité politique d’alors. L’essence de la réforme fut de baser le système électoral du pays sur les partis politiques. Depuis lors, la voie d’accès au pouvoir, c’est les partis politiques et ce sont les partis qui dictent les règles du jeu.

Les élections de 1990 furent réalisées sous un autre système. C’étaient, par exemple, des maîtres et des maîtresses d’écoles, indépendamment de leur affiliation politique, qui présidaient les bureaux de vote. Après la réforme, toutes les structures électorales restèrent aux mains des partis politiques.

Pourquoi Mariano Fiallos renonça-t-il à présider le Pouvoir électoral ? Parce qu’il a vu venir un système totalement contrôlé par les partis et il a dénoncé que cela allait être négatif. Il faut se souvenir de ce que la réforme du système électoral fut menée en 1995 par la majorité politique du moment, une combinaison des forces qui soutenaient Violeta de Chamorro sur certains points et des forces qui l’affrontaient sur d’autres points : sociaux-chrétiens, conservateurs et Mouvement rénovateur sandiniste. Le PLC ne faisait pas partie de ce groupe. Ce fut la majorité politique de l’époque qui prit la décision que l’appareil électoral institutionnel passait aux mains des partis politiques. Dans cette réforme se créa un grand espace pour les minorités électorales. De sorte qu’avec les résultats des élections de 1996, il y eut un groupe de onze députés venus de onze partis différents. Fruit de la réforme de la Loi électorale de 1995, négociée par les forces politiques dominantes dans le gouvernement de Violeta Chamorro, sont arrivés au Conseil suprême électoral des magistrats présentés par les partis politiques. Roberto Rivas arriva grâce à l’appui de la société civile. À ce moment-là, il n’y avait pas dans le Pouvoir électoral de magistrats ni du PLC ni du Front sandiniste.

La Loi électorale en vigueur fut réformée à nouveau par une négociation entre le PLC et le Front sandiniste entre 1997 et 2001. Cette Loi fut faite à la mesure des deux grands partis, le PLC et le Front sandiniste. Les deux partis n’avaient pas de représentation dans les structures électorales, n’avaient aucun magistrat au Conseil suprême électoral, malgré le fait qu’ils étaient les deux forces politiques majoritaires. Alors comme partie du pacte d’Alemán avec Daniel [Ortega], et comme à eux deux en tant que partis ils atteignaient la majorité politique, ils ont réformé la Loi électorale. Avec la réforme, ils ont réduit l’espace des minorités électorales et l’ont élargi aux majorités électorales. C’est exactement ce qui se passe dans le modèle espagnol où Izquierda Unida a plus d’un million de votes et obtient un seul député.

L’actuel Conseil suprême électoral qui nomme et décide dans les Conseils électoraux départementaux, municipaux, régionaux et aussi dans les juntes réceptrices de votes, est le fruit de cette réforme. C’est avec ce Pouvoir électoral et sous ces règles que se célébrèrent les élections générales de 2001 et de 2006. Ce n’est pas une invention d’aujourd’hui. Nous suivons les mêmes règles du jeu et les résultats sortiront des mêmes règles. Rien n’a changé. Qu’est-ce qui a changé ? Que fut le changement ? Les inclinations politiques des magistrats ont changé. Roberto Rivas a changé, René Herrera a changé… Mais qui les a choisis comme magistrats ? Pas le Front sandiniste, mais le PLC.

Dans l’actuel système électoral, basé sur les partis politiques, ce sont les partis qui ont la prééminence. Ce sont les partis qui ont placé des recteurs dans toutes les structures du Conseil suprême Electoral. Et qui va compter les votes ? Et qui va les surveiller ? Les partis, qui ont leurs juges dans chaque bureau récepteur de votes. Selon la Loi, les deux partis qui sont majoritaires aux élections antérieures sont ceux qui dominent toutes les structures électorales et tous les bureaux de vote. Fruit des élections de 2006 ces deux partis sont le FSLN et l’ALN [3]. Entre eux deux ils se répartissent tous les Conseils départementaux, tous les Conseils municipaux et toutes les juntes réceptrices de votes. Seul le troisième membre des Conseils et des juntes revient aux partis minoritaires. Trois membres dans chaque junte : le premier de chacun de ces deux partis, le deuxième aussi et le troisième des autres partis. Tel est le cadre légal dans lequel va se disputer le pouvoir lors des élections de cette année. Est-ce juste ou pas ? C’est une autre affaire.

Beaucoup lèvent la bannière de l’État de droit et disent que doivent prévaloir les institutions et les décisions institutionnelles, mais nous voyons que dans tous les États ce sont les majorités politiques qui construisent l’État et qui choisissent les institutions. Qui choisit les magistrats du Tribunal suprême en Espagne ? Les députés. Et les magistrats y sont divisés entre progressistes et conservateurs, ceux du PP [4] et ceux du PSOE [5]. Et on nous dit que l’Espagne est une panacée de la démocratie. Qui choisit les magistrats aux États-Unis ? Le président des États-Unis. Choisit-il des adversaires ? Non, il choisit ses copains. Et il les choisit pour toute la vie, parce que ce sont des mandats à vie. Qui choisit les magistrats au Costa Rica ? Celui qui a la majorité au parlement : celui qui a cette majorité élit plus de magistrats. Ce que je veux dire c’est que ce sont les majorités politiques qui déterminent l’institutionnalité d’un pays, non l’inverse.

À qui revient-il, au Nicaragua, de prendre des décisions sur le plan juridique ? À la Cour suprême de justice. On dit que la Cour est dominée par Daniel Ortega. Mais comment a-t-on choisi les magistrats de la Cour, est-ce Daniel Ortega qui les a imposés ? Non, ils ont été choisis par la procédure parlementaire. En pacte avec Alemán ? Oui mais en suivant la procédure parlementaire : 8 pour le PLC et 8 pour le Front. Si nous acceptons cette légitimité, à qui correspond-il de prendre des décisions dans le cas de la réélection ? A la Cour suprême de justice. Qui a décidé que la réélection de Daniel Ortega était légale ? La Cour suprême de justice. Si le verdict me plaît ou pas, c’est autre chose. Quelqu’un pourrait lutter contre cette résolution de la Cour mais elle est légitimement prise par l’instrument auquel, selon l’État de droit, il appartient de la prendre. Soit dit en passant, cette résolution de la Cour devrait aussi avoir été l’objet d’un recours, mais aucun de ceux qui l’ont critiqué n’ont déposé de recours.

On me dira que tout ce que je dis est assez cynique. C’est possible. Ne mélangeons pas morale et politique, c’est-à-dire ce que les capitalistes appellent morale, avec la politique. Je ne connais pas de pays où prévale la morale sur la politique. Il n’existe pas de société où la morale passe par-dessus les intérêts politiques. Cela n’existe pas. Ou peut-être dans un pays imaginaire. Avant on disait que ce pays était l’Islande mais aujourd’hui l’Islande est en faillite, poussée à la faillite par sa classe politique, ses banquiers et la Grande-Bretagne.

Ces règles du jeu, est-ce le Front sandiniste qui les a créées ? Non, ce n’est pas le Front. C’est sous ces règles que nous jouons et que nous rendons la monnaie. Mais évidemment ce n’est pas suffisant. Tout ce jeu se passe encore à l’intérieur du système, mais pour nous cela n’est pas suffisant. Nous aspirons à plus. Et pour l’obtenir nous avons besoin d’une majorité politique suffisante. Nous aspirons à obtenir aux élections la majorité qualifiée au Parlement. Je ne sais pas si nous allons l’atteindre mais nous aspirons à cela.

Voyons ce qui peut se passer en novembre. Je suis convaincu comme toujours que la bataille va se jouer entre le Front sandiniste et le PLC. Malgré l’apparition de Fabio Gadea, qui comme toute fusée part en flèche, retombe et s’éteint aussitôt. Ici, la bataille va opposer le PLC au Front sandiniste. Et ce ne sera pas une bataille facile. Certains compagnons et compagnes du Front disent : « C’est dans la poche ». Ce n’est pas vrai. Entre autres raisons, parce qu’au Nicaragua il y a une puissante influence idéologique et cela ne change pas, ni en cinq ans ni en dix ans. Cela n’a pas changé avec la révolution et je doute qu’on le change en cinq ans. Et ce, alors que ce sont les générations nouvelles d’alors qui ont fait la révolution, mais ces générations sont à présent très conservatrices. Parce que c’est le propre de l’être humain : avec les années nous devenons conservateurs et avec les années les intérêts, ce sont les enfants et les petits-enfants.

Il n’est pas vrai qu’ici le Front a déjà gagné. Oui, il garde de franches possibilités de gagner car il dispose d’un capital politique et d’un nombre significatif de voix accumulées. On ne discute pas de si le Front peut gagner la Présidence. Mais il faudra travailler très dur pour obtenir la majorité simple législative, qui est de 47 députés. Et il faudra s’efforcer davantage pour obtenir la majorité officielle qualifiée qui est de 55 députés, car la prochaine législature comptera 91 députés et non 92. Cela ne va pas se produire si les nôtres restent assis les bras croisés en attendant que cela se produise.

Le PLC est fort. Le PLC a avancé comme un éléphant, pas à pas. Le PLC est une machine nullement méprisable. Il peut avoir un leadership critiqué, des structures affaiblies et un programme amorphe, reste qu’il a de l’expérience, qu’il a de l’argent et qu’il a aussi l’objectif politique de prendre le pouvoir. Et le pouvoir unit. L’aspiration d’obtenir le pouvoir, et la perception qu’il y a des possibilités de l’atteindre, garantit pas mal de fidélité préalable. Dans la mesure où cette possibilité s’éloigne, cela affaiblira les structures du PLC, mais en ce moment je perçois que dans les élections de novembre il y aura une collision entre ces deux trains.

Dans les résultats de ce choc, les facteurs qui vont opérer ne sont pas seulement internes, mais aussi externes. Nous ignorons quelles seront les circonstances internationales qui prévaudront en novembre. Le monde est aujourd’hui très convulsionné, il ressemble de plus en plus au Nicaragua, où les choses changent d’un jour à l’autre. Nous ne savons pas ce qui va se passer au Moyen Orient, ni dans d’autres parties du monde. Ni à Cuba, ni au Venezuela, ni en Bolivie ou en Équateur… Dans tous les pays il n’y a rien pour personne, ce qu’il y a, c’est une lutte quotidienne et chacun, dans ses circonstances, lutte tous les jours pour préserver et pour augmenter le pouvoir qu’il a déjà.

Un deuxième facteur qui peut influer électoralement est que s’aggrave la crise mondiale. Il y a différents signaux et cela dépend de l’économiste que nous lisons : les uns disent que nous sommes sortis de la crise, d’autres disent qu’une crise plus grave aura lieu en mai car nous n’avons pas encore touché le fond et que les solutions dégagées il y a quelques mois n’ont pas entamé les causes du problème. Si nous suivons ce pronostic pessimiste, nous sentirons son impact au Nicaragua. Cela paralysera les exportations parce que s’il y a une crise dans les marchés riches, à qui allons-nous vendre ? Le gouvernement du Front sandiniste a fait un effort pour diversifier les marchés. Il s’est ouvert le marché du Venezuela comme deuxième marché du pays et va s’ouvrir celui du Brésil. Il s’est ouvert le marché russe et il a des possibilités de s’ouvrir celui de la Chine continentale. Mais c’est absolument insuffisant face au poids qu’a le marché des États-Unis dans l’économie nicaraguayenne comme cible d’exportations et comme source d’importations. Le retour de la crise peut causer de graves tensions dans l’économie nationale qui a connu une récupération significative avec une croissance de 4,5% en 2010, après une décroissance de -1,5% en 2009 et une croissance de 3,5% en 2008.

Un troisième facteur qui peut générer des tensions électorales est le facteur climatique. Personne ne peut anticiper une sécheresse ou des pluies diluviennes ou savoir si nous allons être affectés par un ouragan ou par un tremblement de terre. Nous ne pouvons rien anticiper, nous ne pouvons jurer que rien ne va se passer ni dire ce qui va se passer, mais nous devons être préparés parce que ces catastrophes affecteraient les conditions économiques du pays et cela peut influer aussi sur le moral de l’électorat, dans l’un ou l’autre sens, selon la manière dont nous affronterons l’urgence. La manière avec laquelle le gouvernement a affronté l’urgence l’an passé a été l’objet d’éloges de tous les camps. Si les choses se déroulent dans la « normalité », sans crise économique mondiale, sans hécatombe internationale qui affecte directement le pays, sans aucun événement naturel dramatique, je crois que le Front sandiniste a les meilleures possibilités d’obtenir un triomphe commode le 6 novembre.

Ce jour-là, nous aurons quatre élections au lieu d’une : nous élirons le Président et le Vice-Président, les députés nationaux (20), les députés départementaux (70) et les députés au Parlement centroaméricain (20). Les registres des élections de 1996, 2001 et 2006 indiquent clairement que les gens votent le plus pour le Président, un peu moins pour les députés nationaux, un peu moins encore pour les députés départementaux et beaucoup moins pour les députés du PARLACEN (Parlement centraméricain). S’il en est ainsi, nous ne pouvons parier sur le fait que si le Front sandiniste remporte la présidence, il obtienne automatiquement la majorité législative, plus encore si l’assignation des sièges départementaux se fait suivant les résultats départementaux et non nationaux. La bataille décisive pour obtenir la majorité se livrera dans les résultats de quatre départements : Managua, León, Chinandega et Matagalpa, qui élisent 37 députés, soit près de 40% de l’assemblée. En faisant des calculs d’addition et de soustraction et en prenant en compte les députés obtenus en 2006, le Front a de magnifiques possibilités d’obtenir la majorité simple (47 députés), il a aussi de très bonnes possibilités d’atteindre une majorité qui dépasse les 50 députés, mais atteindre la majorité qualifiée (55) sera un objectif difficile à atteindre.

Je crois que les résultats donneront la deuxième place au PLC. Qu’est-ce qui peut faire que s’écroule le PLC ? En ce moment je vois peu de possibilités d’écroulement. Il a un candidat faible au sens historique du mot mais en bien ou en mal, Arnoldo Alemán est son principal capital politique. Et le PLC a des possibilités réelles de disputer le pouvoir au Front sandiniste. C’est autre chose de savoir s’il réussira.

Fabio Gadea ? Il a beaucoup moins de possibilités. Il n’a pas de structures de parti, il doit les construire. Il court sous les couleurs du PLI (Parti libéral institutionnel), un parti qui s’est résumé à quelques groupes de personnes qui se réunissent dans les principales villes du pays et dans quelques municipalités du pays comme La Trinité. Le PLI n’est pas une machine de parti et encore moins une machine électorale. Il n’a pas d’observateurs formés, il ne dispose pas des 60 000 personnes qui agissent comme observateurs et dont on a besoin pour se lancer dans une élection. C’est là une faiblesse du groupe de Gadea, qui n’est pas décisive, mais importante. Après, autour de Gadea il y a un amalgame d’intérêts, une bagarre de chiens et de chats surtout à l’heure de définir les députations. Ils doivent inscrire les listes de députés en mai. Ce ne sera pas un problème de définir les 90 députés de la liste, mais les premiers de la liste nationale et les premiers de chaque département, qui sont ceux qui vont être en position de gagner. Là, il va y avoir une bataille dont nous ne connaissons pas la conclusion. Finalement, choisir Fabio Gadea comme candidat me semble la pire idée qu’ils aient pu avoir.

Qui va donner de l’argent à Gadea pour sa campagne ? Sur qui vont parier les Pellas, les Zamora, les Arana, les Baltodano [6] ? Gadea ou Alemán ? Nous ne le savons pas encore mais ils vont parier. Parce que bien qu’ils se disent contents du gouvernement de Daniel Ortega, ils savent qu’ils ne sont pas du même monde et qu’il ne leur convient pas que le Front ait une majorité solide au Parlement. Ils vont s’efforcer que cela ne se produise pas. Sur qui vont-ils parier ? Sûrement sur les deux, mais avec plus de force sur le PLC. Ils ne vont pas le faire gratuitement : ils vont chercher des députés. Ils ont aussi le Parti conservateur, allié au PLC, et qui va obtenir un groupe de députés propres. C’est sur eux que parie l’oligarchie parce qu’avec ces députés ils mettent en route, négocient l’approbation de lois et la nomination de fonctionnaires. À travers eux ils participent de la vie institutionnelle du pays.

Un autre thème de discussion est celui des observateurs électoraux, converti en bannière politique par l’opposition. L’important n’est pas si on les appelle « accompagnateurs » ou « observateurs ». Si ce sont des accompagnateurs et qu’on ne fait que les emmener en promenade ils n’auront pas la fonction d’observateurs. Mais si, dans le cadre de normes déterminées, ils peuvent être témoins de certains processus, alors ils seront des observateurs. Je crois qu’au final il y aura des observateurs dans ces élections mais selon des règles du jeu déterminées.

Est-il important qu’il y ait des observateurs ? Rappelons-nous : dans les élections de 1996 furent présents ici Jimmy Carter, Oscar Arias, Cesar Gaviria et une armée d’observateurs. Et il y eut une fraude monumentale. Et qu’a dit Jimmy Carter à Daniel ? « Dans d’autres pays nous aurions répété les élections mais tu dois te sacrifier, et le faire pour la paix ». Littéralement – j’étais présent. Et Oscar Arias lui a dit la même chose, et Cesar Gaviria lui a dit la même chose. Et ensuite tous les trois ont défendu publiquement la transparence du processus électoral...

Il y a eu des élections sous observation en Haïti et ce fut le comble, le résultat ne fut pas l’officiel mais celui qu’imposèrent les observateurs de l’OEA [7]. Jamais on n’a vu d’intromission ou d’ingérence aussi forte. La fraude monumentale en Irak fut observée par l’Union européenne. En El Salvador les dernières élections furent observées et Funes a gagné avec 58-59% des votes mais on ne lui en a adjugé que 51%. Il n’est donc pas vrai que les observateurs garantissent la fiabilité et la transparence des résultats. Quel est l’élément vital pour garantir une élection ? Les citoyens eux-mêmes. Et les observateurs des partis. Alemán, qui n’est pas un idiot, se prépare pour l’éventualité qu’il suppose, celle qu’on lui vole les élections. Ou que l’élection soit serrée. Il se prépare. Nous aussi.

Pourquoi nous a-t-on volé les élections de1996 ? Parce que nous avons été littéralement idiots et que nous avons cru en l’honnêteté des autres. Nous avons cru que Mariano Fiallos continuait à la tête du Conseil suprême électoral. Nous n’avons pas préparé d’observateurs. La tâche de l’observateur, qui est difficile, nous l’avons donnée au gamin le plus jeune, à celui qui n’avait rien à faire à ce moment-là, à celui qui avait du temps. Mais ils ne dominaient pas la Loi électorale. Beaucoup d’entre eux, dès six heures de l’après-midi, étaient pressés de quitter le bureau : « on m’appelle pour signer l’acte ! ». Et ils s’en allaient. Nous fûmes idiots. Et cela ne nous arrivera plus : qu’on nous gagne à la loyale, sans nous voler nos voix.

Les observateurs doivent être très formés. La Loi électorale dit que pour contester un résultat l’observateur doit le faire dans la junte. S’il n’y a pas de contestation au bureau de vote, le résultat est validé et ne peuvent l’invalider ni le Conseil municipal ni le Conseil départemental ni le Conseil national. Et à l’inverse : s’il y a contestation dans le bureau de vote, cette contestation va au Conseil municipal et de là au Conseil départemental. Et là, les décisions sont politiques. Et s’il y a trop de complications dans un bureau le mieux est d’annuler le vote totalement. C’est comme cela qu’on a procédé. C’est une décision politique. La Loi électorale ne concerne pas le décompte des votes individuels, ne concerne pas l’ouverture des urnes. Alors si l’observateur n’est pas formé pour savoir à quel moment contester, s’il n’est pas entraîné pour le faire avec force, c’en est fait ! C’est vrai ce que dit le Conseil suprême électoral : les magistrats ne comptent pas les votes. Elles se comptent au bureau. Et cette année ceux qui les comptent sont le FSLN et l’ALN. Eux comptent et les juges surveillent. Ce qui n’est pas bien compté là, ne se compte plus ailleurs.

C’est ainsi, avec ces forces et ces règles du jeu, que nous allons aux élections. Et la question clé dans toute cette bataille, c’est ce que nous espérons obtenir si nous gagnons. Parfois nous oublions, et cela nous arrive très fréquemment à nous les sandinistes, que si nous voulons le pouvoir c’est pour améliorer le niveau de vie des gens. On ne cherche pas à obtenir le pouvoir pour être plus nationaliste ni pour être plus anti-impérialiste ni pour défendre le fleuve San Juan… ni pour devenir plus riche. C’est pour que les gens ne soient plus pauvres et pour que tout le monde progresse.

Comment imaginons-nous le pays après cinq ans de plus de gouvernement du Front sandiniste ? Un pays qui au lieu d’avoir 19% de dénutrition chronique, comme nous l’avons actuellement – elle atteignait 27% quand nous avons assumé le gouvernement – l’aura réduite à 4-5%. Un pays où nous aurons atteint l’objectif du sixième niveau scolaire pour tous. Un pays avec une production d’aliments proche des 10 millions de quintaux de riz et de haricots et avec un processus initié d’agro-industrialisation du lait, de la viande et des céréales de base. Nous imaginons un pays beaucoup plus intégré, beaucoup plus vertébré.

Sommes-nous mieux aujourd’hui qu’il y a cinq ans ? Cela dépend de chacun, il n’y a pas de réponse universelle. Il y a beaucoup de personnes qui sont aujourd’hui mieux qu’avant, il y en a d’autres qui ne le sont pas, il y en a qui sont dans la même situation qu’avant. Mais il y a des indicateurs généraux qui disent qu’aujourd’hui il y a de meilleures conditions. Il y a cinq ans, on payait l’éducation et aujourd’hui elle ne se paie pas. Il y a cinq ans, on payait dans les hôpitaux et aujourd’hui on ne paie pas. Il y a cinq ans, il y avait un rationnement d’énergie électrique et aujourd’hui il n’y en a pas. Je crois que le Nicaragua est aujourd’hui mieux qu’il y a cinq ans et je crois que nous avons posé les bases pour être beaucoup mieux après cinq autres années de gouvernement du Front sandiniste. La pauvreté est toujours là. Pour pouvoir résoudre le problème de la pauvreté, nous avons besoin de croître annuellement au moins 10% pendant 20 années successives. C’est un défi gigantesque, qui ne dépend pas exclusivement de ce qui se passe au Nicaragua, mais aussi de ce qui se passe dans le contexte mondial. Nous sommes clairs là-dessus : la pauvreté est un phénomène qui ne se résout pas seulement avec une volonté politique. La volonté politique existe, mais elle ne suffit pas. Je crois que le pays vers lequel nous nous dirigeons sera un pays substantiellement meilleur.

Le principal défi du Front sandiniste en assumant le gouvernement en 2007 était : comment faire un gouvernement progressiste, qui défende les intérêts des majorités sans se battre avec les États-Uniens, sans se battre avec les riches, sans se battre avec la hiérarchie catholique. Et il a réussi : on n’a pas bataillé avec les gringos et on ne s’a pas bataillé avec l’oligarchie. Le succès a été moindre dans la relation avec la hiérarchie catholique mais malgré cela, les choses ont été médiatisées de manière adéquate et les dommages ont été réduits au minimum.

Tels étaient les grands défis et tels étaient les grandes peurs des gens : si le Front gagne, il va confisquer les biens ; s’il gagne, il va se battre avec les États-Unis, les capitaux vont sortir, les remesas familiales [8] ne vont plus arriver… Ces peurs ont déjà disparu. Et c’est pour cela que ces élections vont être les plus libres depuis vingt ans. Il n’y a plus de peur. Il n’y a plus cette peur que selon le vote pour tel ou tel, la guerre peut arriver ou l’argent peut partir. En ce sens, ce seront des élections très libres. Lors des élections de 1990 on nous a mis un pistolet sur la tempe : si vous continuez à voter pour les sandinistes ce sera la guerre. Et même lors des élections de 1996, de 2001 et de 2006 on nous disait la même chose. Cette fois, c’est du passé. Les gens vont voter en conscience et sans les peurs récurrentes du passé.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3158.
 Texte français publié sur le site de La revolución ViVe le 19 juin 2011. Traduction de Thierry Deronne, revue par Dial.
 Source (espagnol) : revue Envío n° 348, mars 2011.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, le traducteur, la source française originale (La revolución ViVe - www.larevolucionvive.org.ve) et l’une des adresses internet de l’article.

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[2Parti libéral constitutionnaliste – note DIAL.

[3Alliance libérale nicaraguayenne : parti créé en 2005 par Eduardo Montealegre et d’autres membres dissidents du PLC – note DIAL.

[4Parti populaire – note DIAL.

[5Parti socialiste ouvrier espagnol – note DIAL.

[6Importants chefs d’entreprise nicaraguayens – note DIAL.

[7Organisation des États américains – note DIAL.

[8Argent envoyé par les émigrés à leurs familles – note DIAL.

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