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ARGENTINE - Accord militaire avec les États-Unis : une atteinte à la souveraineté nationale

Micaela Ryan

mercredi 25 janvier 2017, mis en ligne par Dial

L’arrivée à la présidence de Mauricio Macri, de la coalition électorale Cambiemos (droite), le 10 décembre 2015 a constitué une rupture après les gouvernements de Néstor Kirchner (2003-2007) et Cristina Fernández de Kirchner (2007-2015). En politique étrangère, cette rupture prend notamment le visage de la signature, fin décembre 2016, d’un accord militaire avec les États-Unis. Article de Micaela Ryan publié sur le site argentin Notas le 14 décembre 2016.


L’accord a été signé par le ministre de la défense argentine, Julio Martínez, et l’ambassadeur des États-Unis dans le pays, Noah Mahmet. Il a été annoncé à huit clos le 13 décembre à l’ambassade états-unienne par Mahmet et Martín Lousteau, représentant argentin à Washington.

Les médias locaux comme les médias internationaux ont présenté la nouvelle comme un fait ordinaire, ou ne l’ont même pas évoqué, alors qu’elle implique un changement de paradigme dans les relations militaires sud-américaines avec l’armée des États-Unis. L’accord a été conclu entre le gouvernement argentin et la Garde nationale de l’État de Géorgie, l’un des principaux centres militaires et de l’industrie aérospatiale du monde.

Depuis le début de sa présidence, Mauricio Macri avait manifesté le désir d’intégrer l’orbite des pays participant au State Partnership Program (Programme de partenariat entre États, SPP pour son sigle en anglais), que coordonne le ministère de la défense des États-Unis et auquel participe directement la Garde nationale états-unienne. L’Argentine a été sélectionnée – il y avait 16 candidats –, pour rejoindre ce programme qui compte déjà 73 membres et auquel se joignent deux ou trois associés chaque année.

Le SPP est un programme qui lance des actions militaires en coordination avec l’Unified Combatant Command (Commandement interarmées de combat, UCC pour son sigle en anglais), qui s’organise sur la base d’objectifs géographiques. Il a été créé sous la présidence de George H. Bush en 1989 avec l’objectif de noyauter les ex-pays membres de l’Union soviétique.

Cet organisme militaire donne la priorité aux actions menées hors sol états-unien, à la condition qu’elles soient considérées d’un intérêt important par le Congrès des États-Unis. L’UCC est organisé sur la base de noyaux géographiques par zone. Dans ce cas, l’Argentine entre dans l’orbite de l’United States Southern Command (Commando Sud des États-Unis). Cela se produit au même moment où Donald Trump désigne à la tête du ministère de sécurité nationale John Kelly [1], qui a dirigé le Commando Sud entre 2012 et 2015. Le président élu a justifié son choix en raison de la connaissance de la région que possède Kelly, et a déclaré que « c’est la personne idoine pour diriger la mission urgente d’arrêter l’immigration illégale et de sécuriser nos frontières ».

Dès qu’a été connu l’accord entre l’Argentine et les États-Unis, le chef du Bureau de la Garde nationale et général de l’armée de l’air, Joseph L. Lengyel, a déclaré : « Le SPP nous permet de renforcer les liens de confiance qu’a créés la Garde nationale avec un groupe très large d’associés à l’étranger, à tous les niveaux des commandos de combat ». « Je suis sûr que la Garde nationale de Géorgie et l’Argentine bénéficieront toutes deux de la variété extraordinairement riche de compétences et d’expériences que chacune apportera à cette collaboration », a-t-il déclaré.

Les objectifs formels du SPP sont de promouvoir l’interopérabilité et d’établir des liens entre les capacités militaires des pays associés. Dans ce cadre, il donne priorité aux zones définies par le Congrès états-unien avec l’objectif de « prévenir la faillite des États et créer des régions stables », d’« améliorer les capacités des nations associées à protéger leurs citoyens », de « renforcer les relations pour faciliter l’accès et l’interopérabilité », d’« améliorer les capacités culturelles des membres du personnel militaire des États-Unis », de même aussi que d’« habiliter l’intégration des réserves et activer les composantes de force au sein d’une “force totale” ».

Concrètement, dans le cas argentin, l’accord a été formalisé avec la Garde nationale de l’État de Géorgie et habilite ses membres à opérer en Argentine et à prendre des décisions avec, voire par-dessus, l’armée locale, s’ils le considèrent nécessaire. L’accord a pour objet principal les zones frontalières et les désastres naturels, mais sans écarter pour autant la possibilité d’intervention des forces militaires états-uniennes en cas de conflits sociaux, dans l’objectif de « maintenir la paix ».

Pour le gouvernement de Macri, l’accord permet d’accéder à la grande industrie aérospatiale installée dans l’État de Géorgie, où opèrent plus de 500 entreprises de ce type et résident huit des dix plus grandes qui contrôlent le secteur dans le monde. 42% des contrats en matière d’aérospatiale que réalise le ministère de la défense ont lieu dans cet État, soit un montant de 6, 4 milliards de dollars en 2015.

L’intérêt principal du gouvernement de la coalition politique Cambiemos résident en investissements potentiels susceptibles d’être obtenus dans le domaine aérien, même s’il n’y a pas encore de garanties que ceux-ci se produisent. En échange, on délègue la souveraineté territoriale et militaire, et la sécurité intérieure. Ce changement peut avoir de graves conséquences sur le territoire argentin, à l’aube de l’ère Trump.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3398.
 Traduction de Sylvette Liens pour Dial.
 Source (espagnol) : Notas (Argentine), 14 décembre 2016.

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