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CUBA - Les changements apportent espoirs et craintes

Lucila Horta

vendredi 10 décembre 2010, par Dial

Dans ce texte, publié sur le site Noticias Aliadas le 28 octobre 2010, l’autrice revient sur les réformes en cours à Cuba.


Le gouvernement supprime 500 000 emplois publics et ouvre les portes aux activités privées.

« La fin de l’activité de nombreuses personnes demandera un processus d’adaptation particulièrement difficile. Cela amène de l’inquiétude mais je dirais aussi une attente ». C’est ainsi que s’exprimait le cardinal Jaime Ortega à propos des changements structurels drastiques qu’est en train d’opérer Cuba et qui impliquent des changements des formes de propriété, surtout dans le large éventail des petits commerces.

Début août, le président Raúl Castro a annoncé plusieurs mesures destinées à réduire la bureaucratie d’État si boursoufflée et ce, en fomentant principalement le travail privé comme alternative pour les travailleurs déclarés excédentaires. 500 000 personnes environ sur une population de 11 millions devraient être licenciées dans les six prochains mois et on suppose que la moitié d’entre eux s’installeront à leur compte dès l’année prochaine.

178 activités privées ont été enregistrées ou réactivées, ouvrant des possibilités pour ces 10% de la population active dont l’emploi actuel va être supprimé. Zoila Malverde Izquierdo, institutrice à la retraite qui, profitant de l’augmentation de salaires dans ce secteur a repris son service pour l’année scolaire 2009-2010, considère qu’il manque dans ce paquet d’options quelques propositions en rapport avec le niveau d’étude général qui a été atteint dans l’île, qui compte le taux le plus élevé de personnel qualifié et de techniciens du continent latino-américain. Les professeurs donnant des cours particuliers par exemple.

Des réformes reportées

En juillet 2008, le président Raúl Castro fit remarquer qu’il y avait des opposants aux changements dont le but est d’améliorer les rendements, de réduire les dépenses et d’augmenter la productivité pour rendre viable un système qui prétend continuer à répartir les bénéfices et protéger la population dans son ensemble, mais sans ce paternalisme qui finit par asphyxier le processus lui-même. Dans les structures administratives du pays, il y a des fonctionnaires qui tirent bénéfice de cette conjonction de l’inefficacité et de la corruption et qui ne tiennent pas à perdre leurs avantages.

« C’est peut-être pour cette raison que les mesures annoncées ont été reportées, mais il semble que la situation s’est dénouée et que plus rien ne peut arrêter le mouvement », considère Esteban Ramírez, un coiffeur qui a choisi de tenter sa chance et qui a loué avec ses collègues le local même où ils travaillent, à la différence que, maintenant, ils payent un loyer, l’électricité, achètent leur matériel, mais ils sont libres de fixer les prix et de partager les gains à leur convenance.

Jusque là, il était interdit de signer un contrat d’embauche privé ; seul le travail avec des membres de la famille était autorisé, mais maintenant, il est possible d’utiliser le travail salarié, condition de base de l’apparition de petites et moyennes entreprises.

L’ingénieur Curbelo Dacosta pense que « le travail indépendant contient déjà implicitement en lui la petite propriété privée », et il explique qu’un restaurant de 20 places et trois employés c’est déjà une petite entreprise, ou bien deux potiers qui emploient trois apprentis et un transporteur des produits manufacturés « peuvent s’associer autour d’un four commun et c’est aussi une petite entreprise ».

Il en est de même, ajoute-t-il, si « un maçon, un charpentier, un électricien, un plombier et trois apprentis obtiennent leur numéro d’enregistrement et s’associent éventuellement pour construire ou réparer un logement : c’est aussi une micro-entreprise ». Sur les 178 activités pour lesquelles un travail autonome est autorisé, « 83 permettent d’embaucher des travailleurs et dans presque toutes, on a la possibilité de créer une petite entreprise ».

Les entrepreneurs qui évoluaient déjà en dehors de la sphère officielle – 209 000 indépendants en 1996 ; 143 000 au début de 2010 – s’enthousiasmèrent en voyant leurs possibilités élargies, mais d’un autre côté, ceux qui ont conservé un lien de travail avec l’État ont peur, surtout parce qu’auparavant, ils pouvaient faire sortir de leur entreprise des biens qu’ils revendaient ou qui leur servaient pour un second emploi, clandestin et tout bénéfice pour eux, car ils n’avaient ni à investir, ni à payer d’impôts. Certains foyers craignent de ne plus avoir d’emploi du tout.

Absence de crédit et de culture fiscale

En dehors des artisans, des chauffeurs de taxi, des propriétaires qui louent des logements, il n’y a que ceux qui travaillent dans des entreprises d’État soumises à un processus de perfectionnement qui apportent leur contribution à la retraite, en effet, les impôts ont presque entièrement été supprimés depuis les années 70, ce qui a entraîné une absence de culture fiscale pour laquelle l’adaptation sera difficile. L’autre problème c’est l’incertitude dans laquelle se trouve le crédit.

« Sans crédit on ne peut pas créer une entreprise », assure Benito Peña, membre de l’équipe de surveillance dans un hôtel de la capitale, qui est devenu « disponible ». Peña appartenait à une entreprise de sécurité offrant des services de protection aux centres de travail qui sollicitaient ses fonctions de surveillance. Avec les nouvelles dispositions, toute entreprise qui est obligée de réduire son personnel préfère offrir les postes de gardien à ses propres employés. Si personne n’accepte la place, ils consultent les autres offres.

De manière générale, il y a quatre secteurs qui manquent de main d’œuvre au niveau national. La police en est un et des formations pour différentes spécialités de la branche sont proposées. Les autres secteurs sont : l’enseignement à tous les niveaux, l’agriculture et le bâtiment. Tout le monde peut prétendre à ces postes ou tenter sa chance dans une activité privée. On prévoit également que quelques entreprises d’État soient transformées en coopératives de services ou en petites industries employant la totalité ou une partie des travailleurs actuels. Pour ce qui est des perspectives, on avance qu’il y aura des investissements dans la pétrochimie et autres branches qui absorberont une partie de la main d’œuvre privée emploi.

La Banque centrale étudie des plans pour accorder les crédits dont parlait Benito plus haut. L’Espagne aussi fait une offre d’un montant de 5 millions d’euros destinés aux agriculteurs, le secteur le plus favorisé, dans l’étape actuelle, grâce à l’attribution de terres et aux meilleurs prix pour les produits agricoles.

« Il existe un dispositif de la Commission européenne pour accompagner ou faciliter la réalisation de réformes économiques, si tel est le désir du gouvernement, et selon des modalités qui seront définies conjointement et qui pourront être très variées », dit, de son côté, Javier Niño-Pérez, représentant de l’Union européenne à Cuba, qui, de source bien informée, envisage d’offrir quelque 2,8 millions de dollars sous forme de crédits. La démarche la plus récente de l’Union européenne pour rapprocher les points de vue avec Cuba pourrait avoir une influence positive sur ces propositions.

Les spécialistes Pavel Vidal Alejandro et Omar Everleny Pérez, du Centre d’études de l’économie cubaine, considèrent que la promotion du micro-crédit soutenu par la collaboration internationale « signifierait une entrée de devises dans le pays qui permettrait d’ouvrir les importations au bénéfice des entrepreneurs individuels ».


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3131.
 Traduction de Michelle Savarieau pour Dial.
 Source (espagnol) : Noticias Aliadas, 28 octobre 2010.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’autrice, la traductrice, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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