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DIAL 2353

COLOMBIE - Une rencontre des indigènes de la côte caraïbe. Les luttes indigènes dans la Colombie d’aujourd’hui

Utopias

mardi 15 février 2000, mis en ligne par Dial

Sur la côte caraïbe de Colombie (voir carte page suivante) comme en beaucoup d’autres lieux en Amérique latine, les peuples indigènes, de plus en plus conscients de leurs droits, sont en lutte pour assurer leur survie. Ils répondent ainsi aux agressions de tous ordres dont ils sont victimes, notamment en matière de respect de leurs territoires. Ils sont aussi victimes de la guerre qui sévit dans ce pays (cf. DIAL D 2354). Article paru dans Utopias, octobre 1999.


La rencontre macro-régionale des peuples indigènes de la côte caraïbe a servi non seulement à exprimer les problèmes de ces communautés, mais aussi à resserrer les liens de fraternité et d’amitié entre elles.

Le campement de Yotojoroin, à Maicao, réserve de la haute et moyenne Guajira, a été le lieu qui a servi à l’accueil, du 10 au 12 septembre, de plus de sept cents personnes, dont des représentants des communautés chimilas, kancuamos, wayuus, mocanás, emberas katíos, arhuacos et zenú.

La rencontre a permis de mettre en commun et de socialiser les difficultés des peuples indigènes ainsi que de canaliser les critères qui les unifient.

Mais quelles sont ces difficultés ? La réponse du président de l’Organisation indigène de Colombie (ONIC), Armando Valbuena, a été la suivante : ce sont la situation du peuple embera katío, affecté par la construction du barrage Urrá, la disparition progressive du peuple chimila, le harcèlement des maladies, le manque de terres pour la survie des communautés et la guerre déclenchée par les secteurs armés.

Embera katío versus barrage Urrá

Dans l’affaire Urrá, l’État a préféré mettre en avant les intérêts particuliers face à l’existence de la culture embera katío. Il a sacrifié le peuple, a affirmé Valbuena. « Le gouvernement ne veut pas négocier territoire par territoire, ou terrain par terrain comme le propose la Banque mondiale, il ne le considère pas nécessaire », ajoute-t-il.

Ce n’est pas seulement la défaite des indigènes, mais aussi celle des pêcheurs de Bocachico, des paysans de la région et c’est aussi la défaite de la rivière Sinú, qu’ils ont pratiquement anéantie.

Puisque le barrage est un fait, que reste-t-il à faire ? Les Embera ont parlé avec le gouvernement sur ce qui leur revient par mégawatt produit. La réponse du gouvernement et des entrepreneurs a été : rien ! Valbuena a dit : « Actuel-lement, il ne nous reste qu’à obtenir l’appui des ONG internationales et nationales pour que, d’une façon ou d’une autre, elles fassent pression sur le gouvernement. Nous continuerons d’insister, nous voulons discuter et nous asseoir à la table avec le ministre de l’intérieur, le ministre de l’environnement et l’entreprise Urrá. »

Les Chimilas, résignés à disparaître

« Pour nous, le cas du peuple chimila, dans le département du Magdalena, est trop triste. Après cinq siècles de combats militaires avec la couronne espagnole et, ces dernières années, avec l’expropriation territoriale de la part de l’État lui-même et des secteurs armés dans la zone, il reste seulement 1 223 membres de la communauté chimila. Celle-ci a déjà commencé à admettre sa défaite et sa condamnation à disparaître en tant que culture. Les formes d’expression qu’elle avait dans la société nationale n’existent plus », a dit Valbuena.

La terre, vie des ethnies

Lorsqu’on a traité de l’aménagement du territoire et de l’application de la loi 388, chaque peuple a expliqué comment se sont passés les pourparlers avec les maires et quelles étaient les mesures à adopter.

« Le problème de la loi 388, a expliqué Valbuena, c’est qu’elle oblige les maires à réaménager le territoire alors qu’ils ne tiennent pas compte - par méconnaissance - des réserves indigènes qui y sont établies. »

« Bien qu’il y ait eu un engagement politique depuis 1991 - nouvelle Constitution - les propositions des indigènes à propos des territoires ne sont pas encore traitées. Ici, le véritable aménagement du territoire est organisé et dirigé par les secteurs armés. Par exemple, cet aménagement octroyé par Pastrana aux FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie) de façon unilatérale, là où existent deux réserves et sept établissements humains : plus de 1500 indigènes. De plus, d’autres remaniements sont en train de se réaliser dans tout le pays à cause de la guerre, avec des déplacements internes de communautés et avec la claire participation de l’État national », a dénoncé Valbuena.

Tous sont d’accord sur le fait qu’il est nécessaire que les maires non seulement exécutent mais aussi connaissent la loi 388. Que les richesses naturelles ne doivent pas être gérées comme un simple inventaire à vendre plus tard aux enchères au plus offrant, en marginalisant la communauté indigène par rapport aux décisions et en limitant ainsi les conquêtes obtenues.

Mais on a avancé. Des conversations avec différents maires de la région ont commencé. « Dans cette rencontre, le maire de Maicao, Alvaro Guerrero, s’est engagé à faire participer la communauté indigène dans les réunions de travail. À Manaure, Uribia (La Guajira) et à Córdoba, on est aussi dans un processus de participation. Avec le maire de Galapa (Puerto Colombia) on a discuté également. De même à la Sierra Nevada de Santa Marta. Tout le monde ne participe pas avec la même intensité mais l’orientation est que nous soyons tous à ces réunions pour nous concerter et qu’ils (les maires) comprennent le processus », a dit le président de l’ONIC.

Guerre, faim et déplacement

La guerre se déroule sur 30% du territoire national, précisément là où se trouvent les réserves et les richesses naturelles. À cause d’elle, les communautés indigènes ont été obligées à se déplacer à l’intérieur du pays, ce qui les a amenées à souffrir de la faim, de problèmes de santé et de la misère.

« Nous voulons chercher les mécanismes nécessaires pour pouvoir dialoguer avec le gouvernement et avec les groupes armés afin d’analyser les effets de la guerre et de proposer des chemins pour que celle-ci entraîne le moins de morts et de victimes possibles. »

Un autre sujet analysé dans cette rencontre a été la politique de l’« apartheid » ou de discrimination raciale et politique qui s’est installée envers eux en Colombie. Selon Armando Valbuena, elle se voit reflétée dans la situation des indigènes wayuus détenus dans les prisons du pays, à qui on ne reconnaît pas le droit à la défense. « Les lois ne reconnaissent pas la pluralité ethnique » affirme-t-il et il ajoute : « Les indigènes qui commettent des délits doivent être jugés par leurs propres communautés, selon leur coutume, leur religion, leurs valeurs éthiques et morales. D’après la philosophie, la pensée et l’idéologie de chaque culture. »

« Beaucoup de peuples indigènes ne conçoivent pas un système carcéral et pénitencier, il y a d’autres alternatives de solution de conflits à travers le dialogue. Les types de sanctions qui sont appliqués sont très divers. »

Récemment, une commission de la Procuraduría générale de la nation est allée à La Guajira et s’est engagée à revoir la situation des détenus au cas par cas. Les communautés ont entamé également des conversations avec l’Institut national pénitencier (INPEC).

On a discuté aussi du problème du transfert du combustible (gasoil) du Venezuela à la Colombie, ce qui est grave et a occasionné la fermeture de la frontière pour quelques jours. Selon Valbuena, le cas a été étudié car, comme le combustible est meilleur marché dans le pays voisin, le coût de la vie est donc plus bas dans les départements de La Guajira, Cesar, Atlántico et Córdoba. Pour traiter ce sujet, des dirigeants indigènes du Venezuela ont assisté à la rencontre.

En camaraderie avec des étudiants dans le désert

Traiter de sujets aussi denses et complexes n’a pas empêché de prendre le temps pour partager plusieurs fêtes organisées au milieu du désert et des cactus guajiros. Dans leurs différentes langues, ils ont eu un échange culturel et religieux très riche.

Armando Valbuena, de l’ethnie wayuu, a commenté : « Il m’a paru curieux que des étudiants et professeurs d’un collège privé de Maicao, le Gymnase moderne, se soient déplacés pour connaître la vie au jour le jour des communautés de la côte caraïbe, pour apprendre d’eux la gestion des eaux, et les différentes conceptions du monde qu’elles ont. Ceci est frappant puisque généralement dans ces circonstances il y a peu d’intérêt pour la connaissance du milieu culturel des ethnies. »


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2353.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Utopias, août 1999.
 
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