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FILM - ARGENTINE - Paulina [La Patota], de Santiago Mitre
Françoise Couëdel
mardi 17 novembre 2015, mis en ligne par
– Titre original : La Patota
– Coproduction Argentine-Brésil-France
– Dates de sortie : mai 2015 (Festival de Cannes), juin 2015 (Argentine), 30 mars 2016 (France)
– Durée : 103’
– Avec Dolores Fonzi, Esteban Lamothe, Oscar Martínez, Cristian Salguero.
Paulina, une séduisante jeune femme de 28 ans, issue de la bourgeoisie de Buenos Aires, compromet son avenir d’avocate lorsqu’elle décide d’aller enseigner dans une zone rurale défavorisée. En dépit d’un affrontement verbal violent avec son père, un juge influent, qui tente de l’en dissuader, elle persiste dans sa décision.
Son projet pédagogique généreux est sérieusement mis en échec lorsqu’elle est confrontée à un groupe d’élèves dont elle ignore l’environnement social, les codes de conduite, le mode de vie.
Victime d’une agression de la part de certains de ses élèves, qui aura des conséquences sur sa vie future, elle accepte les entretiens thérapeutiques avec une psychologue mais décide néanmoins de poursuivre sa mission.
Son fiancé, son père, tentent en vain de la ramener à la raison et, contre son gré, font intervenir la justice pour punir les coupables.
Le personnage de Paulina est complexe. Son obstination qui la mène jusqu’à une attitude sacrificielle est difficile à analyser. Traduit-elle une volonté de s’opposer au paternalisme ambiant, une remise en cause des valeurs de la bourgeoisie dont elle est issue, la défiance envers une justice de classe, la conscience aiguë des inégalités sociales, qui la poussent jusqu’à une situation extrême ? Son père, un temps militant des droits humains, est, lorsqu’il s’agit de défendre sa propre fille, en complète contradiction avec les idéaux qu’il a défendus, ce qui donne une force extraordinaire aux dialogues entre le père et la fille, filmés en longs plans séquences, au plus près des corps et des visages.
Du personnage de Paulina, remarquablement interprété par Dolores Fonzi, émane une force vitale extraordinaire mais ses choix laissent le spectateur perplexe.
Le film a suscité en Argentine de nombreux débats sur le thème de la violence faites aux femmes, violences susceptibles d’être punies depuis le vote d’une loi en avril 2009, mais qui restent malheureusement souvent impunies. En juin de cette année une marche a rassemblé des milliers de personnes, à Buenos Aires, qui réclamaient l’application plus stricte de la loi.
Le réalisateur Santiago Mitre a débuté comme acteur, est devenu coscénariste d’un des grands réalisateurs argentins actuel, Pablo Trapero, auteur de Leonera (2008), Carancho (2010), Elefante blanco (2012). Paulina est son second long métrage après El estudiante (2011), deux films qui posent le problème de l’engagement, de la militance.
Paulina [La Patota] est un remake d’un film argentin du même titre réalisé par Daniel Tinayre (1960). Une patota, en argot, désigne une bande de jeunes. Santiago Mitre ancre les relations, les dialogues entre Paulina, son père, son fiancé, dans le contexte social et politique de l’Argentine actuelle. Le film a été récompensé par le Prix de la Semaine de la Critique au Festival de Cannes 2015, le Prix d’interprétation féminine au Festival de Biarritz 2015.