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L’orgueil d’Israël et le jeu de la guerre

Adolfo Pérez Esquivel

lundi 9 février 2009, par Francis Gély

Miramar, Argentine, le 22 janvier 2009.

La guerre est un jeu pour les puissants, c’est le grand vice public qui consiste à jouer avec la vie des peuples et, dans ce jeu, tout le monde se trouve impliqué. Toutes les personnes doivent vivre ou mourir. Mais la véritable émotion de ce jeu vient de la « suspension de la conscience ». Comme dans tous les jeux, on doit faire abstraction des conditions réelles.

En temps de guerre, chacun pense qu’il est non seulement juste de tuer mais que c’est nécessaire. Le grand sacrifice de la guerre n’est pas seulement le sacrifice de la vie des autres, mais c’est surtout cette « suspension de la conscience ». Cette suspension, la plupart des personnes la trouvent facile à réaliser et même amusante, à condition cependant que tous les participants au jeu la fassent en même temps. S’il existe une certaine « nécessité » qui pousse les hommes à faire la guerre, c’est bien cette « suspension de la conscience des masses », qui instaure une totale irresponsabilité et permet que tout le monde s’unisse pour accomplir une seule tâche : « détruire l’ennemi ».

Le grand péril de la guerre vient précisément de ce besoin universel d’ « immoralité massive » que le jeu de la guerre satisfait si totalement. C’est cette expression d’ « immoralité massive » que Thomas Merton utilisait, rejoignant ainsi Lanza del Vasto à propos de cette connexion profonde qui existe entre le jeu et la guerre.

En ces jours de douleur et de mort dans la Bande de Gaza, les moyens de communication signalent que des programmes comiques en Israël font de la guerre un jeu pour divertir leurs auditeurs. Dans ce jeu macabre ils annoncent : « Nous avons tué mille Palestiniens et eux ont seulement tué 13 soldats israéliens. Nous avons gagné en nombre de buts ». (Eretz Neheredet) Et l’acteur Tal Friedman ajoute : « Le résultat est bon, mais nous ne pouvons pas en rester à cet avantage ; nous devons encore l’amplifier ». Tous partent à cette guerre comme s’ils allaient à une fête et tous en reviennent complètement déroutés, avec la mort dans l’âme.

A ce jeu de la guerre, les parieurs déplacent leurs pions et ils s’enrichissent avec la vie des peuples. Ils sont vraiment dominés par cette ordure mentale et émotionnelle qui transforme la vie sociale et politique en maladie de masse. Chacun a « ses propres raisons et ses propres vérités pour détruire l’ennemi » et pour justifier l’horreur et les morts.

Malgré toutes les réclamations internationales et la clameur qui monte de tous les peuples, Israël et les Etats-Unis ne veulent pas écouter la communauté internationale et continuent à semer la mort et la destruction dans le peuple palestinien. Ils ont jusqu’à présent causé la mort de plus de 1350 personnes et on compte déjà près de 5500 blessés, en majorité des femmes et des enfants dans la population civile. De plus, ils ont même bombardé le siège de l’ONU, des hôpitaux, des centres de réfugiés, des écoles et ils ont même détruit des dépôts de denrées alimentaires.

Ce massacre s’est produit peu de jours avant le changement de gouvernement aux Etats-Unis et Georges Bush, responsable de lèse humanité, lors de son départ du gouvernement, ne s’est même pas excusé pour toutes les barbaries qu’il a commises contre les peuples.

Le nouveau gouvernement que préside Barak Obama a maintenant la responsabilité de mettre un frein à toutes ces barbaries et il doit entreprendre de toute urgence des négociations pour parvenir à la solution de ces conflits et pour travailler à la mise en place d’un Etat Palestinien, car c’est là l’unique chemin pour parvenir à mettre fin à 60 ans de guerre.

Obama doit retrouver le chemin perdu et rétablir l’Etat de Droit que Georges Bush a réduit en miettes. Il doit fermer les prisons de Guantanamo et d’Abou Graïb, et rechercher des chemins alternatifs pour mettre fin aux guerres d’Irak et d’Afghanistan.

Malheureusement hélas, les Nations Unies sont une organisation qui n’a aucune autonomie ; elles restent toujours soumises et dominées par les cinq grandes puissances qui l’utilisent pour leurs intérêts propres, grâce au veto du Conseil de Sécurité qui, de fait, engendre une plus grande insécurité et empêche de promouvoir la paix entre les peuples et le développement.

En 1948, l’ONU était constituée de 57 Etats et aujourd’hui elle en comprend 192. Sa structure et son fonctionnement se sont transformés en une coquille vidée de tout contenu et sans aucune force face aux grandes puissances. Il est urgent de parvenir à ce que cet organisme, qui comprend toutes les nations du monde, se démocratise et cesse d’être un instrument manipulable par ces cinq pays qui empêchent le droit et la participation démocratique des Etats membres de la communauté des nations. Tout cela paraît évident.

L’impunité avec laquelle agissent Israël et les Etats-Unis constitue une menace pour la paix mondiale. Actuellement, dans le jeu de la guerre, l’armement nucléaire n’est plus seulement la propriété des grandes puissances car d’autres pays possèdent aussi des armes nucléaires. Il s’agit d’Israël, du Pakistan et de l’Inde, et d’autres pays sont aussi sur le point de les posséder pour pouvoir détruire toujours davantage tout en continuant à courir vers nulle part et en risquant de provoquer des dommages irréversibles pour l’humanité.

Les Etats-Unis et leurs alliés disent qu’il faut mettre un frein à la course aux armements et empêcher des pays non responsables de posséder des armes nucléaires. Cela veut-il dire qu’il existe des pays responsables qui peuvent posséder des armes nucléaires tout en disant qu’ils ne les utiliseront pas le moment venu ?... Qui sont les pays responsables et qui sont les irresponsables ?... Les armes n’ont jamais été les garantes de la Paix.

Quand est-ce l’ONU, le Conseil de l’Europe, l’Union Européenne, d’autres organisations internationales et certains gouvernements vont-ils parvenir à imposer des limites à Israël et la Palestine pour terminer ce conflit qui dure depuis 60 ans ?... Tous les peuples du monde doivent agir et exiger la cessation immédiate de toutes les actions armées, le retrait des troupes israéliennes de la Bande de Gaza et l’arrêt des bombardements au mortier du Hamas sur les colonies israéliennes.

L’orgueil dont fait preuve Israël en méconnaissant les droits du peuple palestinien malgré les réclamations de la communauté internationale, porte tort à ce même peuple d’Israël et au monde entier. Ils ne devraient pas oublier qu’ils vont récolter ce qu’ils sèment. Il n’y a pas d’autre alternative.

Israéliens et Palestiniens doivent apprendre à vivre ensemble dans la diversité et à partager le pain et la liberté sur cette Terre Sainte qui est leur foyer et où ils sont unis dans un destin commun. Ils ont oublié tout cela et douloureusement, ils l’ont transformée en « Terre de sang, de haine et de souffrance ». Jusqu’à quand ?...

Chacun d’entre nous et chaque peuple doit tourner son regard vers l’intérieur de lui-même. Il nous faut rencontrer des chemins nouveaux qui permettent de faire tomber les murs de l’intolérance de la barbarie, de la destruction et de la mort. L’Espérance des peuples reste vivante malgré tout cela. Beaucoup d’Israéliens et de Palestiniens continuent à travailler pour parvenir à la Paix et à l’entente entre ces deux peuples, car ils savent que c’est là l’unique chemin pour atteindre une aube nouvelle.


Traduction de Francis Gély.

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