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DIAL 2400

BRÉSIL - Un plébiscite sur la dette extérieure. La démocratie peut aussi être directe

Valter Pomar

vendredi 1er septembre 2000, mis en ligne par Dial

Avec la participation d’un ensemble d’organisations allant de la Conférence nationale des évêques du Brésil jusqu’au Parti des travailleurs, un plébiscite est organisé dans tout le Brésil du 2 au 7 septembre 2000 pour que la population donne son avis sur trois questions relatives à la dette extérieure. Cette pratique de « démocratie directe » a pour objectif de faire pression sur la gouvernement brésilien et sur le Fonds monétaire international pour un changement de politique en la matière (voir aussi sur la question de la dette en Amérique latine : DIAL D 2192, 2243, 2288, 2300, 2308). Texte inédit de Valter Pomar, membre de la Coordination du Plébiscite national sur la dette extérieure et 3ème vice-président national.


Il est d’usage courant, en Europe et aux États-Unis, que la population soit appelée à se prononcer directement sur des thèmes les plus divers, comme la législation sur l’avortement ou l’adhésion à des traités économiques. En Uruguay, la population a été appelée à se prononcer, par un plébiscite, sur les privatisations.

Au Brésil, la Constitution promulguée en 1988 stipule, en son article 14, que « la souveraineté populaire s’exercera par le suffrage universel et par le vote secret et direct, d’égale valeur pour chacun, et, dans le cadre de la loi, par l’initiative populaire, le référendum et le plébiscite ». Il revient au Congrès national (article 49) d’autoriser le recours au référendum et la convocation pour un plébiscite.

Pourtant, le Brésil est très avare en matière de plébiscite. Deux seulement ont été réalisés en 111 ans de république : le premier en 1963, pour choisir le système de gouvernement (régime présidentiel ou régime parlementaire) ; et le second en 1993, pour choisir encore une fois le système et la forme du gouvernement (monarchie ou république).

C’est dans ce contexte qu’interviendra, du 2 au 7 septembre de cette année, dans tout le Brésil, le Plébiscite national sur la dette extérieure. Dans les églises, les sièges des organisations sociales, les permanences des partis, dans les écoles, sur les places publiques, dans les entreprises, dans tous les lieux possibles, seront placées des urnes pour recueillir l’opinion de la population sur trois questions :

1. Le gouvernement brésilien doit-il maintenir en vigueur l’accord signé avec le Fonds monétaire international ?

2. Le Brésil doit-il continuer à payer la dette extérieure, sans avoir réalisé la vérification publique de cette dette que prévoyait la Constitution de 1988 ?

3. Le gouvernement fédéral, celui des États et les communes doivent-ils continuer à utiliser une grande part du budget public pour rembourser aux spéculateurs la dette interne ?

Participent à la réalisation du plébiscite des dizaines d’organisations, parmi lesquelles : la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB), le Conseil national des églises chrétiennes (CONIC), la Centrale unique des travailleurs, la Centrale des mouvements populaires, I’Union nationale des étudiants, la Contag, le Mouvement des sans-terre (MST), et le Mouvement des petits agriculteurs. Le Plébiscite fait également partie du programme du Forum national de lutte pour la terre, le travail, la citoyenneté et la souveraineté. Le Parti des travailleurs, aux côtés d’autres partis populaires et démocratiques, participe aussi à l’organisation du Plébiscite sur la dette extérieure.

Le Plébiscite national sur la dette extérieure constitue donc une démarche originale sous deux aspects : d’abord parce qu’il s’agit d’une initiative d’organisations démocratiques et populaires ; ensuite parce qu’il invite la population à se manifester sur la politique économique suivie par le gouvernement brésilien.

Les organisateurs du Plébiscite s’attendent à ce que des millions de Brésiliens votent et répondent aux trois questions par un non massif ! Pour cela, les organisations qui se sont engagées dans la voie du Plébiscite déploient un vaste travail éducatif, qui cherche à démontrer que l’accord avec le FMI et l’endettement externe/interne contribuent aux malheurs de la plus grande partie de la population brésilienne.

En ce qui concerne l’accord avec le FMI, le gouvernement n’en a pas publié jusqu’à ce jour la version finale. L’accord a été signé par le gouvernement à la fin de 1998, en contradiction avec la Constitution brésilienne qui exige une approbation préalable par le Sénat fédéral. Par cet accord, le gouvernement brésilien a obtenu une « ligne de crédit » de 41,5 milliards de dollars du FMI, de la Banque des règlements internationaux (BIS) et de la Banque du Japon. Ces ressources sont destinées à couvrir le déficit brésilien, et assurer le paiement des intérêts et le service de la dette extérieure. En échange du « crédit », l’accord exige que le gouvernement accélère les privatisations et réduise les dépenses sociales.

L’endettement extérieur représente une bonne affaire pour les grands capitalistes, qui lèvent des emprunts à l’étranger à des taux relativement bas et utilisent ces ressources pour spéculer au Brésil avec des taux toujours supérieurs à 17,5 %. L’endettement extérieur constitue également une bonne affaire pour les créanciers qui garantissent un apport annuel de dizaines de milliards de dollars (relatifs à une dette qui, au moins en partie, a déjà été payée plusieurs fois) ; financent les importations, les rapatriements de dividendes et le service de la dette extérieure elle-même ; et qui parviennent en outre, en échange du flux de ressources, à accroître la présence du grand capital étranger dans l’économie brésilienne.

Le total de la dette extérieure brésilienne, à la fin de 1999, atteignait 241 milliards de dollars. Pendant le premier mandat du président Fernando Henrique Cardoso (1995-1998), le Brésil a payé 128 milliards en intérêts et échéances de sa dette extérieure. Pendant cette même période, la dette extérieure s’est accrue de 148 milliards à 234 milliards de dollars. À ce jour la vérification de la dette extérieure, prévue par la Constitution de 1988, n’a pas encore été effectuée.

La dette extérieure est une partie de la dette publique brésilienne ; celle-ci correspond aux ressources que le gouvernement recueille au Brésil et à l’étranger, par des emprunts ou le placement de titres publics, pour réaliser des investissements nouveaux et financer les déficits budgétaires. Alors que la dette extérieure est payée en dollars (ou en d’autres devises étrangères), la dette interne est payée en réals (monnaie nationale du Brésil). À la fin de 1999, la dette publique brésilienne atteignait au total 516 milliards de réals, contre 62 milliards en 1993, croissance imputable au taux d’intérêt que le gouvernement lui-même a fixé à 42 % par an. Presque la moitié du budget fédéral est destinée au service de la dette envers les grands capitalistes nationaux et étrangers, au détriment des dépenses sociales et des investissements publics.

Le succès du Plébiscite national sur la dette extérieure agira également comme moyen de pression pour que soit approuvé le Projet de Loi présenté, le 1er juin, au Congrès national brésilien. Il s’agit d’une demande de convocation d’un plébiscite officiel, afin que la population se prononce sur l’accord avec le FMI, sur les conditions de règlement de la dette extérieure et sur la réalisation d’un contrôle de celle-ci.

Par ailleurs, un autre projet de loi devrait être présenté prochainement par le chef du Parti des travailleurs, le sénateur Heloisa Helena (AL), proposant l’annulation de la dette des pays pauvres envers le Brésil.

La campagne dispose d’une adresse électronique : www.jubileu2000.org.br, où pourront être obtenues des informations complémentaires. Une autre source d’informations est le site

Web du Parti des travailleurs : www.pt.org.br.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2400.
 Traduction Dial.
 Source (portugais) : Dial, septembre 2000.
 
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