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Promesses : L’OIT demande d’encourager la justice sociale et de promouvoir le travail décent
Eduardo Camín
lundi 17 mai 2021, mis en ligne par
23 avril 2021 - La concurrence féroce entre les méga-corporations pousse à la surproduction éperdue et absolument dissociée des besoins sociaux essentiels pour l’humanité.
En citant l’augmentation drastique de la pauvreté et des inégalités à partir de l’explosion de la pandémie du covid-19, Guy Ryder, Directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT), a indiqué que les mesures adoptées pour sortir de la crise causée par le Covid 19 doivent être centrées sur les personnes et affronter les difficultés préexistantes dans le monde du travail autant que la pandémie.
Ryder a indiqué que l’action multilatérale cohérente a été essentielle pour garantir que la récupération sociale et économique soit autant centrée sur les personnes que sur les conséquences de la pandémie en soi.
Et il a ajouté que la Déclaration du centenaire de l’OIT pour l’avenir du travail, adoptée à l’unanimité par tous les États membres en 2019, propose, entre autres objectifs, une feuille de route approuvée au niveau international pour que les sociétés soient plus inclusives et plus résilientes.
« Le risque est réel que l’héritage de la crise provoquée par le COVID-19 entraine une aggravation des inégalités et des injustices sociales ». « [Accélérer] la mise en œuvre de cette feuille de route devrait être une priorité absolue des politiques publiques et de la coopération internationale », a ajouté le Directeur général de l’OIT.
Dans sa déclaration devant les membres du Comité pour le développement et du Comité monétaire et financier international (CMFI), dans le cadre des réunions virtuelles du Printemps du groupe de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI), Ryder a posé le problème du changement climatique qui, s’il menace la stabilité macroéconomique et les moyens de subsistance de millions de personnes, suppose également un potentiel considérable pour associer la transition vers l’avenir à de basses émissions de carbone et à la création d’emplois décents.
« Les millions de dollars investis dans le processus de relance économique peuvent être orientés vers la soutenabilité et la création de travail décent » dit-il, et il a ajouté que les recherches de l’OIT indiquent qu’une récupération verte centrée sur les investissements dans les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les modes de transports écologiques pourraient créer environ 20,5 millions d’emplois d’ici à 2030.
L’accès égalitaire à une formation professionnelle adaptée et le soutien à l’apprentissage permanent seront essentiels dans cette transition et des éléments fondamentaux en faveur du développement inclusif et soutenable, a conclu Guy Ryder.
Le travail décent, les causes justes d’une injustice permanente
Dans sa déclaration écrite au Comité pour le développement, Guy Ryder a déclaré que la réponse au COVID-19, devrait prioriser la création du travail décent et il a cité les éléments nécessaires pour une récupération centrée sur les personnes qui, en outre, renforceront la résilience face à de nouvelles crises.
Ceux-ci comprennent le renforcement des systèmes de sécurité et de santé dans le travail, pour lesquels on estime que l’énorme impact humain des pratiques déficientes pour ce qui est de la sécurité et de la santé dans le travail a eu un coût économique de quatre pour cent du PIB annuel au niveau mondial.
L’Organisation internationale du travail (OIT) définit le travail décent comme la somme des aspirations des personnes au travail et englobe toutes les dimensions du travail, qui vont des opportunités d’emplois justement rémunérés, des conditions dignes sur le lieu de travail et d’égalité de traitement jusqu’à la protection sociale, les droits du travail et la liberté d’exprimer les préoccupations individuelles.
Les principaux acteurs du marché du travail – gouvernements, employeurs, et travailleurs – sont confrontés à l’immense tâche de réduire les déficits du travail, ce qui devient encore plus complexe en raison des forces de transformations liées à l’évolution technologique, climatique et démographique et au caractère changeant de la globalisation.
A ces défis concernant l’avenir du travail peuvent s’ajouter, dans de nombreux pays, les limites qui découlent actuellement de la décélération générale de la croissance économique, du malaise social, de l’instabilité politique et de l’augmentation du protectionnisme, un argument palliatif face à la pandémie de la COVID 19.
Mais pour évaluer ces phénomènes il faut examiner avec rigueur les tendances économiques et sociales qui constituent le monde du travail. En particulier il est crucial que nous sachions dans quelle mesure les personnes en âge de travailler parviennent à accéder au travail décent et à développer tout leur potentiel dans ce travail.
Le fait de disposer de données fiables sur ces questions permettra d’élaborer des politiques économiques et sociales qui feront que les pays avancent vers un développement soutenable et inclusif.
Les experts et leurs contradictions
Les chercheurs et les statisticiens de l’OIT réalisent depuis longtemps un vaste travail de recueil de données et d’élaboration de modèles pour établir à l’échelle mondiale de nouvelles estimations d’indicateurs qui offrent une vision complète des marchés du travail.
Les données sont innovantes et dans son dernier rapport ils clarifient les principaux problèmes d’accès au travail, car le niveau réel de sous-utilisation de la main d’œuvre est très supérieur à celui du chômage. En outre, ce rapport révèle la persistance de déficiences notoires quant à la qualité du travail, ainsi que les indices de travail informel et de pauvreté dont il est peu probable qu’ils diminuent de façon significative, compte tenu d’une croissance insuffisante ou non inclusive.
Évidemment nous ne devons pas oublier que le système est conçu pour favoriser l’accumulation du capital, non pour satisfaire les besoins de ceux qui travaillent. En définitif, les chercheurs éludent dans leurs rapports – même de bonne foi – certaines réalités comme le fait que le capital a besoin d’augmenter le taux de l’exploitation du travail (sa source de richesse), contraint par la compétition globale, ce qui le pousse à appauvrir et empirer les conditions de travail et la vie des travailleurs.
Le processus de concurrence étouffe progressivement des millions d’entreprises en concentrant et centralisant la production pour tirer profit de l’économie d’échelles. C’est la seule manière de faire fructifier les ressources techniques pour augmenter les bénéfices, diminuer les salaires et augmenter les marges des bénéfices.
La bourgeoisie entrepreneuriale lutte de façon anarchique pour développer la technologie qui lui permettra de produire à moindre coût (en augmentant le temps de travail excédent spolié par le patron) et, en conséquence, appauvrir la classe ouvrière, en baissant les moyens de subsistance que celle-ci même produit, qui perçoit des salaires de plus en plus bas et insuffisants pour acquérir ce qu’elle-même produit.
La concurrence féroce entre les mégacorporations et d’autres de moindre importance pousse à la surproduction éperdue et absolument dissociée des besoins sociaux pertinents pour l’humanité.
Par ce mécanisme de concentration le nombre de travailleurs occupés diminue, ce qui réduit la demande effective de biens et de services qu’une frange de la classe ouvrière produit et qu’une autre plus limitée peut consommer, au détriment de millions d’ouvriers expulsés vers l’armée industrielle de réserve dont la paupérisation servira le système en faveur du maintien des bas salaires et augmentera la compétitivité entre les ouvriers qui mendieront des emplois aux conditions de travail infamantes. Tout cela se situe aux antipodes de la revendication du travail décent.
Enfin, chacune des conférences (virtuelles) ou rapport démontre que dans les marchés du travail dominent encore des inégalités très importantes dues souvent aux politiques que recommandent les organismes eux même qui maintenant, en pleine crise, gesticulent et s’étonnent de la portée de la catastrophe.
En particulier, les nouvelles estimations de la participation au revenu du travail au niveau mondial, ainsi que sa répartition inégalitaire entre les travailleurs, présentent une vision nouvelle des inégalités du marché du travail dans les différentes régions du monde.
Ce rapport présente les perspectives des travailleurs ruraux et urbains ainsi que leur situation sur le marché du travail, qui indiquent une segmentation cruciale entre les perspectives économiques et sociales au sein de la force de travail à l’échelle mondiale.
Le soutien à la croissance des entreprises et à la création d’emplois doit être soutenable et doit être centré sur la qualité de l’emploi, grâce à des mesures et des politiques qui concernent tous les travailleurs et toutes les entreprises, y compris celles de l’économie informelle. Il est nécessaire aussi de consolider les institutions du travail, de revaloriser la liberté syndicale, la négociation collective efficace et toute autre forme de dialogue social, y compris sur les salaires.
Un aspect propre à notre temps et à sa culture consumériste, est que les faits et les concepts se dépouillent progressivement de leur origine et de leur finalité. Ils dissimulent d’un côté sa cause et de l’autre sa finalité. Depuis longtemps nous avançons sur la voie des évènements purs, des phénomènes qu’on nous impose sans justice ni profit. Tout semble étrangement relever de l’accident ou de la fatalité.
Pour cette raison, essayer de comprendre le discours est un exercice dialectique permanent, une dichotomie entre les promesses et la réalité, qui, comme un élixir très volatile, un poison atmosphérique inséparable de la politique, de la religion, du crime, de la pornographie, du divertissement, de l’art, tout est illustré totalement dans l’exploitation par le capitalisme.
Un système chaotique, qui en son sein porte une crise après une autre, qui à son tour n’est visible aux communs des mortels qu’à l’instant où la grande bourgeoisie commence à connaître des difficultés de rentabilité et que, en conséquence, s’aggrave le contrecoup naturel à l’immense richesse générée par le système, qui se traduit par les famines, la misère, la précarité et la violence qui en découlent.
Eduardo Camín est un journaliste uruguayen accrédité à l’ONU-Genève. Il est analyste associé au Centre latino-américain d’analyse stratégique (CLAE, www.estrategia.la).
Traduction française : Françoise Couëdel.
Source (espagnol) : https://estrategia.la/2021/04/23/promesas-la-oit-habla-de-impulsar-la-justicia-social-y-promover-el-trabajo-decente/.