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MEXIQUE - Qui est Claudia Sheinbaum ? Portrait de la nouvelle présidente

Lautaro Rivera

vendredi 14 juin 2024, mis en ligne par Françoise Couëdel

3 juin 2024 - La scientifique et écologiste a été cheffe du gouvernement de la ville de México, densément peuplée : elle a géré la pandémie d’une manière très appréciée au niveau international et elle a lancé la création de nouvelles universités publiques.

Claudia Sheinbaum Pardo, soutenue par le parti du président Andrés Manuel López Obrador aux élections fédérales, est une figure publique avec une expérience importante et reconnue dans le domaine académique et politique. Son accession à la présidence n’est pas surprenante et n’est pas uniquement fondée sur la loyauté à son prédécesseur ni sur les garanties de continuité qu’elle a représenté pour son électorat.

Chilanga d’origine (comme on désigne les natifs de la capitale), Sheinbaum est née en 1962, au sein d’une famille cosmopolite des classes moyennes, d’ascendance juive du côté de ses parents. Sa mère Annie Pardo Cemo, est une biologiste biomoléculaire d’origine bulgare et séfarade. Son père, décédé, Carlos Sheinbaum Yoselevitz, était un ingénieur chimiste, lituanien et ashkénaze.

L’influence des parents sur la jeune Sheinbaum a été double et décisive : tous deux lui ont inculqué non seulement l’amour de la science mais aussi la passion pour l’activité politique, dont ils ont fait preuve dans divers cercles de la gauche mexicaine. Elle a été très active dans le milieu ouvrier et étudiant, surtout dans une décennie aussi agitée que celle des années 60.

Ce n’est pas un hasard si Sheinbaum se revendique comme la fille chérie du « 68 mexicain », un mouvement qui a lutté ardemment en faveur de la démocratisation du pays et qui a affronté les gouvernements du Parti révolutionnaire institutionnel hégémonique, lequel a riposté, le 2 octobre 1968, en perpétrant le tristement célèbre Massacre de Tlatelolco.

Comme on pouvait s’y attendre, dans une famille qui fréquentait les élites intellectuelles du pays, Sheinbaum est entrée à l’Université nationale autonome de Mexico, une des plus prestigieuses universités publiques du pays et de la région. Elle a obtenu une licence en Physique, en 1989, et une Maîtrise en Ingénierie énergétique, en 1994. Un an plus tard elle a été la première femme inscrite en doctorat d’Ingénierie en énergie, dont elle est diplômée.

Depuis lors elle a poursuivi une brillante carrière académique en tant qu’enseignante et chercheuse presque sans interruption jusqu’au début du siècle. Déjà, depuis ces années-là, Sheinbaum s’était spécialisée dans la recherche sur les énergies et le changement climatique. Pour ses travaux elle a été invitée au Panel intergouvernemental d’experts en changement climatique, un collectif qui a reçu le Prix Nobel de la Paix en 2007.

Mais son entrée dans la politique mexicaine n’est pas récente. C’est en 2000 quand López Obrador, le brillant chef du gouvernement de la ville de Mexico, a proposé à Sheinbaum, alors cadre technique, d’occuper le poste du Secrétariat de l’Environnement de la capitale. La scientifique et écologiste a pu alors mettre en pratique une partie de son expérience en matière d’énergie et de contrôle des émissions polluantes. Depuis lors son rôle dans la politique mexicaine n’a pas cessé de prendre de l’importance.

En 2006, elle est nommée porte-parole de la campagne d’AMLO pour les élections fédérales qui mettraient fin à la retentissante fraude du Parti Action Nationale (PAN) et à la victoire contestable de Felipe Calderón. En 2011, Sheinbaum intègre le noyau fondateur du Mouvement de Régénération Nationale (MORENA), appelé à succéder au PRD, un parti de centre gauche tendant à l’époque à adopter des positions de plus en plus néolibérales.

En 2015 elle remporte les élections à la mairie de Tlalpan, une des circonscriptions de la capitale, où elle assume sa première responsabilité d’élue à une élection populaire, qu’elle doit abandonner en 2017 pour être candidate à la mairie de la ville. À la tête de la coalition de Sigamos Haciendo Historia (continuons à écrire l’histoire) elle devient, en 2018, la première femme élue pour gouverner la ville de México. Elle fait face à la gestion de la pandémie, très bien évaluée au niveau international et elle lance la création de nouvelles universités publiques tandis qu’elle consolide les politiques de mobilité professionnelle dont elle a hérité.

Néanmoins, en 2021, elle doit faire face à l’accident tragique de la ligne 12 du métro qui cause la mort de 26 personnes, la disparition de autres et 80 blessés. Bien que toute responsabilité pénale de Sheinbaum ait été écartée, l’incident a été amplement utilisé par la droite pour salir son image.

Comme c’est de rigueur au Mexique, la mairie de la ville a été un tremplin inévitable pour aspirer à la présidence des 32 entités fédérales des États-Unis mexicains. Dès le début il était évident que Sheinbaum était la favorite d’AMLO pour lui succéder à la tête de l’État. Cependant la scientifique n’a pas été élue de façon discrétionnaire ni par simple favoritisme. MORENA a mis en place un système novateur d’enquêtes privées – non sans créer des polémiques – pour écarter les candidatures de son allié majoritaire de la coalition de gouvernement.

En interne Sheinbaum a affronté ses cinq rivaux masculins et l’a emporté largement. Cela lui a valu d’être nommée Coordinatrice de défense des Comités de la quatrième dimension, une façon informelle de la désigner comme successeur et pré-candidate. Depuis sa nomination, en septembre 2023, et surtout après l’officialisation de sa candidature, en février de cette année, Sheinbaum a mené une campagne exténuante, avec la promesse explicite de bâtir « le second étage de la Quatrième Transformation ».

Son profil de dirigeante disciplinée, rigoureuse, douée d’un sens de l’analyse, contraste notablement avec le style décontracté, « bon enfant » et charismatique de López Obrador. Certains mêmes lui trouve un profil plus modéré, mais aussi plus séduisant pour les classes moyennes et en déduisent un glissement éventuel vers le centre lors de sa gestion à venir.

La seule certitude est que Sheinbaum devra relever une série de défis : être la première femme à la tête de la République dans un pays où le machisme est très enraciné, à soutenir – et même approfondir – certaines des transformations du dernier sexennat, s’atteler aux affaires urgentes en matière de violence et d’insécurité et recevoir le pouvoir d’un des leaders les plus charismatiques du Mexique contemporain, tout en affirmant l’autorité de sa propre investiture et en imprimant son propre sceau sur la prochaine période.


Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://www.pagina12.com.ar/741712-quien-es-claudia-sheinbaum.

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