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AMÉRIQUE LATINE - Alliance régionale contre la délinquance : Une initiative inefficace et dangereuse ?

Álvaro Verzi Rangel

jeudi 19 décembre 2024, mis en ligne par Françoise Couëdel

13 décembre 2024.

La Banque interaméricaine de développement (BID) a annoncé le lancement d’une alliance régionale de sécurité contre la délinquance qui réunit 18 gouvernements d’Amérique latine et de la Caraïbe, ainsi que l’Organisation des États américains (OEA), la Communauté de la Caraïbe (CARICOM), Interpol, la Banque mondiale et des banques régionales de développement.

L’initiative sera lancée avec à peine 1 milliard de dollars, chiffre dérisoire compte tenu des objectifs visés. Sa plus grande faiblesse ne réside pas dans le financement mais dans l’absence des États-Unis, du Mexique et de la Colombie, ce qui signifie que ce projet pour lutter contre la délinquance sera lancé en l’absence des trois des pays de la région les plus importants en la matière et principaux centres sous surveillance dans le combat contre le crime organisé.

L’Alliance se déploiera sur trois actes essentiels : protéger les populations vulnérables, consolider les institutions de sécurité et de justice, et réduire les marchés et les flux financiers illégaux. En ce sens, elle lancera des politiques basées sur des évidences et des actions concrètes. Les pays qui se sont associés à l’Alliance sont l’Argentine, les Bahamas, la Barbade, le Belize, le Brésil, le Chili, le Costa Rica, la République dominicaine, l’Équateur, le Guatemala, la Guyane, le Honduras, la Jamaïque, le Panamá, le Paraguay, le Pérou, le Surinam et l’Uruguay.

L’Alliance sera dirigée par un comité de direction et trois groupes techniques de travail. Ces groupes ont déjà obtenu des avancées lors d’initiatives spécifiques comme la réduction de la violence et du trafic au sein des communautés à risque, l’amélioration des systèmes de sécurité, grâce à la technologie et la collaboration, et la limitation des marchés illégaux grâce à des outils et une coordination de pointe, selon le BID.

L’accord envisage l’échange régional sur le sujet des antécédents pénaux, entre les membres de l’alliance, et des réunions pour débattre du blanchiment d’argent lié à l’extraction minière illégale en Amazonie qui a un fort impact social. Il cherche à atténuer la vulnérabilité des communautés, ainsi qu’à renforcer la police, les institutions de justice de l’État et à s’attaquer à la délinquance financière.

Tout cela se fait avec les présupposés de ce que la délinquance organisée n’a pas de frontière et que la sécurité doit faire partie de la solution pour faire progresser notre économie. Elle doit être, avec ces prétentions, une manière d’accentuer l’ingérence dans des pays tiers et d’utiliser les alliances pour renverser des gouvernements ou imposer des sanctions aux nations.

« Le crime organisé opère en traversant les frontières et exige une action régionale audacieuse et coordonnée. Une meilleure collaboration est fondamentale pour protéger les communautés, renforcer les institutions et les capacités, et désamorcer les activités illicites dans toute la région », a déclaré le président de la BID, Ilan Goldfajn. La BID propose de soutenir les pays avec assistance technique, formation, données scientifiques et technologie. « Nous devons utiliser des outils d’analyse et d’intelligence en nous basant sur des évidences pour savoir où se situe le crime, sur quoi concentrer les ressources pour affronter les groupes les plus sophistiqués », a-t-il expliqué.

En avril de l’an dernier, la BID a créé la Plateforme de transparence en Sécurité et Justice, un outil pour aider les gouvernements de l’Amérique latine à utiliser la preuve scientifique pour réduire le crime et la violence dans la région. Cette plateforme ouverte au public est le premier site de signalement qui assure la sécurité et la justice, pour ce qui est du Brésil et des pays hispanophones d’Amérique latine.

Son objectif est de diffuser de façon simple les meilleures connaissances, les plus actualisées, recueillies au niveau mondial et régional, pour ce qui est de l’efficacité des solutions existantes dans le domaine de la prévention de la violence contre les enfants, les adolescents et les femmes, la sécurité urbaine, la justice pénale et la réinsertion sociale.

Sans le Mexique, la Colombie et les États-Unis

Les États-Unis sont non seulement la destination de l’immense majorité des stupéfiants élaborés en Amérique latine et autres zones mais en outre le lieu de provenance d’environ 51% des armes à feu localisées en Amérique centrale, 68% au Mexique et 80% dans toute la Caraïbe. Ce sont les données émanant du gouvernement des États-Unis, raison pour laquelle ces pourcentages pourraient même être supérieurs.

Ils sont aussi le paradis fiscal le plus important de la planète et une machine qui travaille sans relâche à blanchir et à intégrer à leur économie les capitaux en provenance du narcotrafic, de la corruption, de la traite d’êtres humains et sur tous les sujets que Washington prend comme prétexte pour intervenir dans les affaires des autres nations.

Les signalements concernant le blanchiment d’argent sont reçus par la secrétaire du Trésor états-unien, Janet Yellen, qui a admis que, « en ce moment même, le meilleur endroit pour dissimuler et blanchir ces gains frauduleux ce sont en réalité les États-Unis et cela est dû à la manière dont nous permettons que se créent des entreprises fictives sans que soit révélée l’identité des vrais propriétaires ».

La Colombie est le premier producteur et exportateur de cocaïne. Le Mexique, outre le fait qu’il produit des drogues qui ont relativement perdu en importance comme source de revenus des cartels (la marijuana est légale sur une bonne partie du territoire des États-Unis et l’héroïne a été supplantée par le fentanyl), est même un corridor de passage presque obligatoire pour la circulation de substances illicites en direction des États-Unis.

« Le Mexique est la principale victime de cette violence déchainée par l’argent des consommateurs de ce pays et les armes fournies par les vendeurs d’armes qui prospèrent en alimentant la délinquance. Une initiative de sécurité régionale qui exclurait ces trois acteurs est mort-née et se réduit à une simulation dont l’impact sur la lutte contre la criminalité ou l’amélioration de la qualité de vie des citoyens sera pratiquement nul », dit un éditorial du quotidien mexicain La Jornada.

« L’inutilité des organismes multilatéraux de l’hémisphère est une fois de plus évidente à l’heure d’envisager, d’appliquer des solutions véritables aux défis de l’Amérique latine et de la Caraïbe. Clairement, la OEA et la BID se révèlent être des technocraties vaines qui doivent se réformer totalement si on veut qu’elles jouent leurs rôles affichés et servent de mécanismes de cohésion entre les pays, en termes de respect des souverainetés respectives », dit-il en conclusion.


Álvaro Verzi Rangel est un sociologue et analyste international, co-directeur de l’Observatoire en communication et démocratie et analyste senior du Centre latino-américain d’Analyse stratégique (CLAE, www.estrategia.la).

Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://estrategia.la/2024/12/13/alianza-americana-contra-la-delincuencia-insustancial-y-peligrosa/.

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