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CUBA - Que cache l’allongement du délai de perte de la résidence ?

El Toque Jurídico

mardi 6 février 2024, mis en ligne par Françoise Couëdel

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17 janvier 2024 - Le ministère des affaires étrangères de Cuba (Minrex) a annoncé un nouvel allongement de la suspension du délai légal de perte de la résidence dans le pays. La mesure s’applique à ceux qui seraient restés hors du territoire national plus de 24 mois pleins depuis le 9 mars 2020.

Dans un décret publié par l’ambassade de Cuba dans le Timor Leste, qui reprend le site officiel du Minrex du 13 janvier 2024, est confirmée la « prorogation automatique et sans frais du séjour prolongé à l’extérieur, au delà de 24 mois, qui reste valable jusqu’à nouvel ordre, sans impliquer la perte de statut de résident sur le territoire national »

Les autorités cubaines ont pris pour la première fois la décision de suspendre le terme à 24 mois de perte de résidence légale de 2020. Cela a été une mesure de soulagement suite aux impacts négatifs de la pandémie du COVID 19. Depuis lors, la décision a évolué d’une prorogation temporaire (en un premier temps limité jusqu’ à octobre 2021) à une extension indéfinie qui a été confirmée dans diverses occasions.

Jusqu’à nouvel ordre Cuba étend la possibilité pour ses nationaux de revenir dans leur pays sans devoir faire les démarches consulaires de prolongation de leur séjour à l’étranger. L’échéance à la date du 12 octobre 2021 est désormais annulée.

Beaucoup de cubains qui ont quitté l’île récemment s’inquiètent vivement de la possibilité d’être privés par la loi de leurs propriétés (résidence et véhicule) après avoir été déclarés « émigrés » par les autorités.

La suspension du délai de 24 mois de perte de résidence légale sur l’île a évité que les cubains qui ont quitté le pays après le 10 mars 2018 soient considérés comme « émigrés ». La mesure empêche l’application à l’encontre de ces personnes des conséquences légales associées au statut d’« émigrés », y compris la confiscation de leurs biens.

La décision de différer la suspension du délai de 24 mois durant presque quatre ans est d’une grande importance. En premier lieu elle souligne le manque de justification pratique de l’existence d’une prolongation , ce qui laisse entendre qu’il s’agissait d’une décision politique utilisée au fil des années pour pénaliser ceux qui choisissent de quitter Cuba et de s’établir sur un autre territoire.

En second lieu, même si la prolongation a été renouvelée périodiquement par des déclarations de fonctionnaires de la Minrex dans les medias ou sur le site Web du Ministère, elle n’a jamais été formalisée par décret dans la Gazette officielle de la République.

L’absence de publication d’une loi est une atteinte à la fragile sécurité juridique des émigrés. Cela a pour conséquence d’empêcher les citoyens à en appeler à une norme juridique pour faire valoir leurs droits dans le cas où ils seraient déclarés émigrés durant la période théoriquement en vigueur de la prorogation.

La décision d’allonger le délai de 24 mois de conservation du statut de résident manifeste la volonté d’accorder les bénéfices de la durée aux émigrés cubains sans qu’ils aient à fournir les garanties juridiques et politiques indispensables.

Bien que ce soit une décision qui bénéficie aux émigrés cubains qui souhaitent revenir à Cuba, la prolongation correspond aussi aux aspirations manifestées par le Gouvernement d’inciter les cubains émigrés à revenir sur l’île pour contribuer à son développement et y investir.

Le maintien indéfini de la condition de résident légal est indispensable pour garantir à ceux qui le souhaitent d’acquérir des biens meubles, des véhicules ou d’investir « en toute légalité » dans le secteur privé sans l’obligation d’être soumis à des démarches de « rapatriement ».

La suspension des conséquences du séjour ininterrompu à l’extérieur de 24 mois est en relation avec l’augmentation ou le maintien du flux migratoire hors de l’île. Pour faire face à un exode important, le gouvernement cubain a davantage besoin d’adopter des mesures incitatives pour que l’émigration diminue.

En outre, la vague migratoire que l’administration de La Havane a utilisé comme arme dans la négociation et l’influence régionale a incité d’autres Gouvernements de la région à prendre des mesures restrictives concernant les personnes originaires de la plus grande des Antilles.

C’est le cas du gouvernement du Panama, qui vient de ratifier, le 10 janvier 2024, le décret selon lequel tous les cubains dont le vol ferait escale dans l‘isthme devraient toujours demander un visa de transit. Par un décret de l’exécutif publié dans le Bulletin officiel du Panama le 15 janvier 2024, le gouvernement de ce pays a prorogé l’application du Décret exécutif n°162 du 19 décembre 2022, qui établit que les citoyens de nationalité cubaine qui sont en transit dans la République du Panama doivent être en possession d’un visa.


Traduction française de Françoise Couëdel.

Source : El Toque, https://eltoque.com/extension-del-plazo-para-la-perdida-de-la-residencia-en-cuba.

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