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DIAL 2943

AMÉRIQUE LATINE - Le cardinal hondurien Maradiaga défend la théologie de la libération

Ariane Rollier

vendredi 1er juin 2007, mis en ligne par Dial

Le cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa au Honduras, ancien président du CELAM (Conférence épiscopale d’Amérique latine et des Caraïbes) est connu pour ses positions sociales avancées. Il a récemment reconnu la valeur de la théologie de la libération et son apport pour la défense des pauvres. Ces propos sont d’autant plus intéressants que, peu de temps après, Benoît XVI a prononcé à Aparecida des paroles dans lesquels beaucoup ont vu une critique de cette théologie de la libération. Article de l’Agence I.Media, publié par l’Agence de presse internationale catholique (APIC), le 10 mai 2007.


Le problème principal en Amérique latine est « l’augmentation de la pauvreté » et « le manque d’efforts pour parvenir à une plus grande justice sociale », a estimé le cardinal Oscar Rodriguez Maradiaga, dans une interview accordée à Famiglia Cristiana, dans son édition du 13 mai 2007. Le cardinal hondurien ne mâche pas ses mots contre les pratiques politiques en cours en Amérique latine.

L’archevêque de Tegucigalpa, au Honduras, a ainsi défendu la théologie de la libération, estimant que le cardinal Ratzinger l’avait encouragée, prenant le contrepoids du cardinal brésilien Hummes, qui vient de s’exprimé en termes vifs contre la théologie de la libération « qui prétend être l’expression de l’Église des pauvres, et qui a commencé à utiliser l’analyse marxiste, soutenant que c’est une ligne d’analyse scientifique, alors qu’au contraire, elle est idéologique et athée ».

« Une confrontation idéologique a été provoquée sur la théologie de la libération », a rappelé le cardinal Maradiaga, reconnaissant « qu’il y avait eu quelques problèmes doctrinaux ». « Mais 80 % de la théologie de la libération est l’option et le travail pour les pauvres. Et cela continue », a-t-il estimé. « Aucune Église en Amérique latine n’a oublié que le problème principal est l’augmentation de la pauvreté et le manque d’efforts pour parvenir à une plus grande justice sociale », a-t-il renchéri.

« La théologie de la libération n’est pas morte, parce que personne ne parle de choses extravagantes, mais seulement de l’Évangile », a encore affirmé le cardinal hondurien. « Et aujourd’hui, la doctrine sociale de l’Église nous enseigne ce point de vue ».

Pour le cardinal hondurien, le cardinal Ratzinger n’a aussi jamais été « un homme fermé » sur la question. Il a ainsi mentionné la rencontre de 1997, en Allemagne, entre le cardinal Ratzinger et Mgr Bertone, alors respectivement préfet et secrétaire de la Congrégation pour la doctrine de la foi, et beaucoup de théologiens de la libération, qui « fut un dialogue ouvert ». A cette époque, Mgr Maradiaga était président des évêques d’Amérique latine. D’après lui, le cardinal Ratzinger « a toujours encouragé la théologie de la libération ». « Il a seulement discuté quelques problèmes doctrinaux », mais qui « ne sont pas le cœur » de cette théologie.

Les latino-américains souffrent « d’Alzheimer tactique »

Le cardinal Maradiaga a par ailleurs mentionné, dans son interview, « un sondage selon lequel 60 % des citoyens d’Amérique latine seraient disposés à renoncer à la démocratie pour un autre régime » s’ils pouvaient ainsi vivre moins difficilement. Et s’il a estimé qu’il était « bon » que le continent soit « parvenu à la démocratie », il a aussi regretté que « beaucoup profitent de la politique pour obtenir des avantages personnels ». Il a encore critiqué le fait que les latino-américains souffrent « d’Alzheimer tactique », puisqu’ils oublient « les leçons du passé ».

« A peine après la fin des dictatures militaires, nous étions tous contents, mais nous vivions dans une démocratie formelle », a rappelé le cardinal. « Puis nous sommes passés à des démocraties faibles, dont on pouvait facilement acheter les décisions ». Pour lui, « les vrais centres décisionnels, ceux économiques et militaires, n’ont en réalité jamais été touchés ». Si bien que « les problèmes de la justice distributive des ressources, de la santé, de la maison, de la nourriture, du travail et de l’école n’ont pas été résolus ».

« Nous sommes en train d’acheter aux peuples développés la maladie du relativisme, qui est la maladie des égoïstes insatisfaits », a encore déploré le cardinal. C’est pour cette raison, a-t-il estimé, que « nous ne réussissons pas à construire une nation du Rio Grande à la Terre de feu ». Or, « si vous avez réussi, vous Européens à faire l’Europe, avec beaucoup plus de différences que nous, pourquoi ne devrions-nous pas essayer nous aussi ? », s’est-il interrogé.

Au sujet de l’éventuelle béatification d’Oscar Romero, le cardinal Maradiaga a révélé que Benoît XVI avait fait « une enquête approfondie sur ses écrits » et qu’il n’avait « rien trouvé de dangereux pour la doctrine ».

A bord de l’avion le conduisant au Brésil, le 9 mai 2007, Benoît XVI a qualifié l’archevêque de San Salvador, Oscar Romero, assassiné en 1980 alors qu’il célébrait la messe, de « grand témoin de la foi ». Le pape a pourtant parlé du « problème » que pose sa cause en béatification, car « certains groupes politiques veulent en faire leur porte-drapeaux.

Il a par ailleurs déclaré qu’avec « le changement de la situation politique (sur le continent [1]), la situation de la théologie de la libération » a « profondément changé » et qu’il « est donc évident que ces fragiles millénarismes qui promettent, à travers la révolution, même immédiate, les conditions complètes d’une vie juste, sont erronés ».


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2943.
 Source (français) : Agence de presse internationale catholique (APIC), 10 mai 2007.

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[1NDLR Apic.

Messages

  • Je partage cet article de cardinal maragiaga, la teologie de la libération ne conduit pas forcement o marxisme...son epistemologie n’est pas nécessairement athée...il faut bien situé la teologie de la libération dans son context et son histoire.La situation des pauvres , injustice , etc ne viennet pas de la téologie de la libération mais de Jesus ;Mt 25,35-46 etc...quelques fois beaucoup de personnes juge la téologie de la libération sans la lire, ni connaitre son contexte. la téologie de la libération n’est pas la téologie africaine ni européenne.Chaque téologie comme réflexion née toujours à partire d’un context, d’une histoire...evidement il ya une certaine complementarité.Le centre de réflexion est toujours le christ est non Marx.Meme la teologie européenne,certaines des réflexions viennent de son context et de son histoire...donc c’est le Christ qui est le seul maitre à penser et nous inspire dans nos context divers qui sont riches...toute pensée teologique est toujours limitée.
    Certains téologiens catholiques ont bien suivis la pensée de Marx et ne sont jamais été crucifié para l ’eglise comme institution...pourqoui seulement la teologie de la liberation ? père gabriel mbomba Mccj

    • L’appel que je fais au mot pauvreté pour introduire cette réflexion de théologie politique n’est pas gratuit.
      La pauvreté en effet est sur toutes les lèvres, habite toutes préoccupations que soulève le fait pour l’homme d’exister. Toutes les actions humaines qui portent les noms de politiques ont pour dénominateur commun, la volonté de donner une réponse concrète et adéquate à la question de la misère humaine. Le bonheur lui-même est saisi comme ce qui est contraire à la pauvreté. C’est ici que va se réaliser une fracture dans la compréhension des choses de la vie entre d’une part, Dieu, et d’autre part, les hommes.
      Cette fracture réside dans l’emploie du mot théologie. Je le dis parce que, tant il est vrai que la théologie se définit comme : « étude des questions religieuses, réflexion sur Dieu et sur le salut de l’homme » (Dictionnaire universelle Hachette), il ya fracture. Il ya fracture parce qu’il n’est pas facile pour l’homme de lire dans sa pauvreté, une action de Dieu. C’est souvent même que la pauvreté a servi a fondé et justifier l’inimitié entre Dieu et l’homme. J’en, veux pour preuve, la doctrine matérialiste et les développements successifs qu’elle a connu. Le capitalisme non plus ne met pas en exergue l’amitié entre Dieu et l’homme.
      J’en arrive alors au fait que, pour que la politique soit réellement théologisée, il faut que la théologie rende compte efficacement de la rupture dans les pensées de tous ceux qui sont engagés dans la question du bonheur ; je pense à Dieu et à l’homme.

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