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Lettre du Pôle Amérique latine, n° 79 - décembre 2009

ARGENTINE - Nouvelles d’un pays riche, où la population vit dans la pauvreté

P. Michel Anquetil

jeudi 31 décembre 2009, par CEFAL

Après avoir parlé plusieurs fois des pays andins et de l’émergence, au plan social, politique et religieux, des peuples indigènes dans l’ensemble du continent latino-américain, il nous a semblé nécessaire cette fois d’évoquer une autre réalité : les pays du Sud du continent. Les pays du « cône sud » ont des traits particuliers dans cette unique « Amérique latine ». Voici l’analyse élaborée par l’ensemble des missionnaires français (du pôle Amérique latine – CEFAL) lors de leur réunion annuelle à Buenos Aires et présentée par Michel. Il nous écrit de Viedma, ville à 1000 km au sud de Buenos Aires qui devait devenir la nouvelle capitale du pays. Mais l’Argentine n’a pas réussi ce que le Brésil a fait avec Brasilia. La région de Buenos Aires concentre près de la moitié de la population du pays et c’est le port d’exportation des matières premières du pays. Les « veines du pays sont encore ouvertes » comme l’écrivait Eduardo Galeano pour l’ensemble du continent.

L’Argentine est un pays riche. C’est ce qu’affirment tous les manuels de géographie ! Nos entreprises françaises le savent parfaitement : par exemple, La Lyonnaise des Eaux, Hydronor, BTP, Gaz de France, Le Crédit Mutuel, France-Telecom… ont débarqué sur ce vaste territoire, quand le président Menem (1989-1999), excellent élève du FMI, a lancé la privatisation à outrance de tous les services publics. Au moment de la crise de décembre 2001, quand des foules affamées allaient piller les supermarchés, toutes ces compagnies ou entreprises sont reparties avec armes et bagages.

Oui ! L’Argentine est un pays riche, mais 40 % de la population vit dans un état de pauvreté. Les poches de misère se multiplient à la périphérie des grandes villes. Des maladies comme le choléra et la dengue réapparaissent dans les provinces du Nord ainsi que d’autres signes de misère.

La situation économique et sociale

Pour comprendre cette situation catastrophique, il faut savoir qu’au lendemain de la dictature militaire, une mauvaise politique de désindustrialisation a provoqué une chute brutale de 30 % de l’industrie. Conséquences : chômage galopant, délinquance, insécurité, corruption, etc.

Cependant, de 2003 à 2008, avec le président Nestor Kirchner, le pays a vu son PIB croître de 63%. Malheureusement, l’indice de pauvreté est resté le même qu’en 2001. Il n’y a pas eu création d’emplois. C’est uniquement le monde financier qui en a profité !!!

Depuis 2008, avec la présidente Cristina Fernández de Kirchner, rien ne s’est amélioré. Son gouvernement crispé et autoritaire ne respecte pas les contrats signés avec les autres pays ou avec les sociétés étrangères ; c’est la fuite des capitaux. Une dévaluation sournoise de la monnaie du pays, le peso, provoque constamment une réévaluation du dollar ou de l’euro. De nouveau, apparaissent les mêmes symptômes qui ont provoqué la crise de 2001… L’Institut National des Statistiques (Indec) veut cacher la réalité et publie de fausses informations qui sont dénoncées systématiquement par les sondages des entreprises privées et par les moyens de communication qui ont du mal à conserver leur liberté d’expression. Actuellement, le gouvernement a perdu toute crédibilité.

La Place de mai et le palais présidentiel à Buenos Aires - © DR

Au niveau agricole, les gros propriétaires se sont lancés dans une culture sans frein du soja transgénique : la rentabilité est telle que l’élevage et les autres cultures occupent des surfaces plus réduites. Du fait même, des produits de base comme le blé, le lait, la viande risquent de manquer dans quelques mois. Les patrons des grandes « estancias », les grandes propriétés agricoles, refusent de partager les gros bénéfices en rejetant les taxes du gouvernement.

Au niveau santé, la grippe A H1N1 a provoqué plus de 465 morts dans le pays. Nous avons eu droit à des « vacances » supplémentaires : écoles, collèges, universités ont été fermés par précaution pendant plus d’un mois. Ici, à San Antonio, plusieurs cas ont été détectés et isolés dans un secteur de l’hôpital local : malgré la difficulté d’obtenir les médicaments, la plupart des malades ont récupéré leur bonne santé. Les mesures de prudence dans tous les secteurs de la société ont freiné durant le mois de juillet bien des activités pastorales.

Les relations État/Église

Dans le contexte actuel, la relation État/Église est conflictuelle. Bien que la religion catholique soit encore considérée comme religion officielle de l’État, le cardinal Jorge Bergoglio, archevêque de Buenos Aires, a pris ses distances et rappelle dans ses homélies que tous les citoyens doivent lutter contre cette situation de grande pauvreté. De nombreux évêques invitent également les chrétiens à travailler à une plus grande visibilité du Royaume de Dieu. Ce discours ne plaît pas du tout au gouvernement !

On peut noter une certaine concurrence ou rivalité entre l’Église et l’État : par exemple c’est le gouvernement des Kirchner qui, au nom des Droits de l’Homme, a demandé la réouverture du procès pour faire la lumière sur la mort mystérieuse de Mgr Angelelli à l’époque de la dictature militaire et traduire en justice le capitaine Astiz (déjà condamné en France) pour la mort des deux religieuses françaises : Alice Domon et Léonie Duquet. La date du jugement n’est pas encore fixée.

Mgr Angelelli : la lutte pour la vérité après la dictature reste d’actualité - © Philippe Kloeckner

L’Église d’Argentine reste l’une des rares institutions que l’homme de la rue respecte encore. Cependant, son passé avec la dictature, ses pesanteurs et ses misères font que son autorité morale est de plus en plus contestée par une société qui se sécularise rapidement.

Le travail pastoral dans le diocèse

Au niveau du diocèse de Viedma, cette année, notre évêque local, inspiré par l’exhortation des évêques latino-américains réunis à Aparecida (Brésil), a invité le diocèse à réaffirmer la priorité pastorale de la paroisse : communauté de petites communautés. Ainsi, chaque communauté s’organise de son mieux et selon les besoins réels, elle crée et soutient les services indispensables pour l’évangélisation et la promotion humaine.

Actuellement, dans les neuf communautés de la paroisse, nous comptons 78 catéchistes qui assurent ce service de la catéchèse des enfants, adolescents, jeunes et moins jeunes… Se réunissent toutes les semaines 31 groupes bibliques… Au niveau de la promotion sociale, 150 familles sont engagées dans des petites entreprises familiales ou communautaires appelées ici « micro-emprendimientos » et soutenues par le « banquito de la buena femme » (Secours Catholique).

Autre préoccupation : devant la constatation que 24 % des naissances proviennent de mères adolescentes -souvent sans protection familiale- une équipe de bénévoles des différentes communautés est en train de mettre sur pied un « Centre d’accueil de jour » avec l’aide de techniciens de l’hôpital et des services sociaux de la ville. Ce centre devra compter sur la collaboration de professionnels : sage-femme, pédiatre, assistante sociale… et offrir des ateliers de formation : cuisine, couture, hygiène, etc.

Voilà quelques nouvelles rapides. Il y aurait tant de choses à raconter !... À l’approche des fêtes de Noël et du Nouvel An, mon désir est que l’Enfant-Dieu puisse naître ou renaître dans le cœur de chacun. Qu’Il nous aide à vivre cette option préférentielle pour les plus petits et les plus pauvres.

Bonne et sainte année 2010 !

Michel Anquetil
du diocèse de Coutances, Fidei Donum à Viedma.


Lettre du Pôle Amérique latine, n° 79 - décembre 2009.

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