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DIAL 3103

EL SALVADOR - Romero, au milieu du peuple et pour sa défense jusqu’à la fin

Jon Sobrino

lundi 5 avril 2010, mis en ligne par Dial

Ce texte reprend les paroles prononcées par Jon Sobrino pendant l’homélie de la messe qu’il célébra, le 22 mars 2009, dans la chapelle de l’Université centroaméricaine (UCA), à l’occasion du vingt-neuvième anniversaire de la mort de Monseigneur Romero, assassiné le 24 mars 1980 pendant qu’il célébrait l’eucharistie dans la petite chapelle de l’hôpital de la Divine Providence à San Salvador. Le jour précédent, lors de son sermon, il avait lancé un appel aux soldats salvadoriens, les incitant, en tant que chrétiens, à obéir aux commandements divins et à cesser de participer à la répression et aux violations des droits humains conduites par le gouvernement.


Nous voulons évoquer maintenant le souvenir de Mgr Romero le bon pasteur à partir de trois choses bien à lui : le petit hôpital (« el Hospitalito »), la cathédrale et son cheminement avec le peuple qu’il a défendu jusqu’à la fin

1. Dans le petit hôpital, seul à seul avec Dieu

On sait que, quand il fut nommée archevêque, l’oligarchie voulut se le concilier et lui offrit un palais épiscopal avec le confort mondain habituel. Mais Monseigneur le refusa et alla vivre dans un modeste logement à coté de l’hôpital de la Divine Providence. Là, il reçut très souvent pendant la nuit des gens de toutes sortes. Là, il préparait le samedi ses homélies dominicales. Et là, surtout, comme Jésus au bord du lac ou dans le jardin, il priait le Dieu qui voit ce qui est caché. La sœur Thérèse racontait que, aux plus hautes heures de la nuit, elle voyait quelque fois de la lumière aux fenêtres de Monseigneur et elle lui apportait un jus d’orange. Elle le trouvait en train de prier.

Dans le petit hôpital, Mgr Romero vivait seul et sans sécurité en ces temps de grands risques. Les personnes les plus proches étaient des femmes atteintes de cancer incurable, toutes pauvres, avec en plus l’angoisse de ne pas savoir ce que deviendraient leurs enfants après leur mort. Monseigneur – tellement indifférent aux honneurs mondains – confessa qu’il aurait aimé gagner le prix Nobel de la Paix de 1978 pour soulager, avec le montant du prix, le sort des femmes malades.

Seul Dieu qui voit ce qui est caché sait bien qui était le Monseigneur du petit hôpital et ce que Dieu signifiait pour lui. Mais nous pouvons en pressentir quelque chose. Peu avant sa mort, aux moments les plus difficiles du peuple salvadorien, Monseigneur leur parla de « Dieu » :

« Aucun homme ne se connait tant qu’il n’a pas trouvé Dieu. Comme je serais heureux, chers frères, si le fruit de cette prédication était de nous faire rencontrer Dieu » (homélie du 10 février 1980).

À ces paroles très réfléchies, il en ajouta d’autres plus intimes. Avec humilité, il disait : « Mon plus cher désir est de ne pas être un obstacle dans votre dialogue avec Dieu ». Et avec joie, il ajouta : « Je me réjouis beaucoup quand des gens simples trouvent dans mes paroles un moyen pour s’approcher de Dieu » (homélie du 27 janvier 1980). Sans aucun sectarisme, mais au contraire avec un sincère respect de tous, il disait que « sans Dieu, il ne peut pas y avoir de libération » (homélie du 2 mars 1980). Et avec Dieu, il consolait les gens : « Dieu accompagne notre histoire. Dieu ne nous pas abandonnés » (homélie du 9 décembre 1979).

Monseigneur nous sollicite tous, aussi bien l’UCA que l’Église, et il nous invite à « être seul à seul avec Dieu ». Et ceux qui ne mentionnent pas ce nom, il les sollicite et les invite à être seuls à seuls, sans défense et dans un abandon total, devant ce qui est bon et qu’ils considèrent comme [but] ultime : la compassion, la justice, la vérité. « Seul à seul ». Sans pouvoir aller plus loin.

2. Dans la cathédrale avec son peuple

Le Monseigneur de la cathédrale est plus connu. C’est le Monseigneur des homélies, des pauvres et des victimes, des horreurs de la répression et de l’espérance de justice. C’est le Dieu des organisations populaires, des prêtres persécutés et assassinés et des innombrables martyrs : Monseigneur n’a jamais laissé aucun d’eux ni aucune d’elles sans nom. C’est le Dieu du peuple salvadorien. Nous qui avons eu la chance de l’écouter, nous nous en souvenons très bien. Nous allons citer quelques-unes de ses paroles, mais peut-être le plus important est-il de savoir comment il préparait les homélies – profonde leçon pour l’Église, l’UCA, les médias et toutes les institutions et organismes qui veulent servir le peuple. La veille de son assassinat, Monseigneur disait :

« Pendant toute la semaine, quand je recueille la clameur du peuple et la douleur de tant de crimes, l’ignominie de tant de violence, je demande au Seigneur qu’il me donne les mots qu’il faut pour consoler, pour dénoncer, pour appeler à la repentance » (homélie du 23 Mars 1980).

C’est de là que jaillissaient la dénonciation et la prophétie, et comme elles naissaient de la douleur et de la clameur du peuple, elles allaient bien au-delà des déclarations éthiques ou de la doctrine sociale :

« Je dénonce surtout l’absolutisation de la richesse. Voilà le grand mal d’El Salvador : la richesse, la propriété privée comme un absolu intouchable. Et malheur à celui qui touche cette ligne de haute tension ! On s’y brûle ». « Nous vivons dans un ordre faux, basé sur la répression et sur la peur ». « Le vol devient une mode et de celui qui ne vole pas, on dit que c’est un imbécile ». « On joue avec les peuples, on joue avec les votes, on joue avec la dignité des hommes ». « Nous sommes dans un monde de mensonge où personne ne croit plus en rien ». Et comme un Amos ou un Michée, il disait : « C’est l’empire de l’enfer ». L’exigence, c’est comment être Église et université de science en même temps qu’annonce prophétique.

Dans les derniers mois, Mgr Romero fut encore plus dur, si cela est possible, pour dire la vérité. Et la raison en était la compassion ; la vérité était en faveur du peuple qui très souvent n’avait que la vérité en sa faveur ; C’est pourquoi la dénonciation prophétique est montée d’un ton ; mais c’est important de rappeler aussi quelques-unes de ses paroles, pleines de noblesse et bien de lui. Puissions-nous tous les garder présentes : « il faut commencer par balayer devant sa porte ».

« Toute personne qui dénonce doit être disposée à être dénoncée et si l’Église dénonce les injustices elle doit être disposée aussi à entendre qu’on la dénonce et être obligée de se convertir… Les pauvres sont le cri constant qui dénonce non seulement l’injustice sociale, mais aussi le peu de générosité de notre propre Église » (homélie du 17 février 1980).

3. Au milieu du peuple et pour sa défense jusqu’à la fin

Monseigneur est resté ferme dans la compassion et dans la dénonciation, sans compromissions. Sa compassion et son prophétisme n’ont pas été la fleur d’un jour, elles n’ont pas été des paroles politiquement et ecclésiastiquement correctes. Dans la société il n’a pas trouvé de facilités, c’est le moins qu’on puisse dire, il n’a pas trouvé non plus de facilités dans l’Église en tant qu’institution hiérarchique ; parfois, cela a été tout le contraire. Il est resté ferme et jusqu’au dernier moment il a défendu les victimes, même en sachant que lui-même pouvait être la prochaine. Et il en fut ainsi.

Mgr Romero a pris au sérieux les paroles de Puebla. Les pauvres, Dieu « les aime et les défend ». Le premier point l’a amené à user ses forces dans une pastorale en faveur de la justice, de l’espérance et de la vie des pauvres. Le second, à affronter ceux qui les opprimaient et les réprimaient Il a mis son Église sur la voie de la défense et de l’affrontement de sorte que, sans intentions idéalistes, elle est devenue une « église des pauvres ». Cela comportait des risques et des affrontements. « Pour avoir défendu le pauvre, l’Église est entrée en grave conflit avec les puissants des oligarchies économiques » (discours de Louvain du 2 février 1980). Déjà auparavant, il en avait constaté les conséquences et il avait émis un jugement qui jamais ne s’énonce, extraordinairement évangélique : « il serait triste que dans une patrie où l’on assassine si horriblement nous ne comptions pas aussi les prêtres parmi les victimes. Ils sont le témoignage d’une Église incarnée dans les problèmes du peuple » (homélie du 24 juin 1979).

Jusqu’à aujourd’hui, dans un monde appelé à tort globalisé et qui en réalité vit l’angoisse de la croix, qui prétend gommer les bavures de l’horrible réalité et qui passe sous silence des millions de crucifiés – en Irak, au Congo, à Gaza, en Haïti –, rendre présent Dieu dans l’histoire c’est suivre Jésus portant sa croix. Non comme une croix abstraite et sans histoire, mais concrète, salvadorienne. « Le Christ est Dieu majestueux qui se fait homme humble jusqu’à la mort des esclaves sur une croix et vit avec les pauvres … Ainsi doit-il en être de notre foi chrétienne » (homélie du 17 février 1980). Monseigneur l’a pressenti depuis le début. À Aguilares, le 19 juin 1977, il commença l’homélie avec ces mots : « C’est à moi qu’il revient de recueillir les atrocités et les cadavres ». Paroles pour l’UCA, pour l’Église et pour tous.

Monseigneur a défendu son peuple jusqu’à la fin et, par là-même, l’espérance. Il s’appuyait sur deux piliers, comme le comprit Ignacio Ellacuria : Dieu et le peuple lui-même. Sans aucune routine, dans les heures les plus tragiques d’El Salvador, il ne se lassa pas de répéter l’Emmanuel. « Dieu accompagne notre histoire. Dieu ne nous a pas abandonné ; aucun chrétien ne doit se sentir seul dans son cheminement ; aucune famille ne doit se sentir délaissée, aucun peuple ne doit être pessimiste, même au milieu des crises qui paraissent les plus insolubles. C’est le « Consolez, consolez mon peuple » d’Isaïe. Et à ce peuple il a donné la dignité. « Vous êtes le divin transpercé » a-t-il dit à des paysans terrorisés le jour où il alla célébrer l’Eucharistie à Aguilares quand les soldats abandonnèrent le village un mois après l’avoir pris et occupé. Le Monseigneur qui disait « c’est l’empire de l’enfer » disait aussi « sur ces ruines brillera la gloire du Seigneur ».

Les menaces augmentaient. Dans sa dernière homélie, il confessait : « Cette semaine m’est arrivé un avertissement me disant que je suis sur la liste de ceux qui vont être éliminés la semaine prochaine ». Et automatiquement, comme si cela était devenu une seconde nature, Monseigneur mit sa mort en relation avec le salut du peuple : « Que mon sang soit semence de liberté et le signe que l’espérance sera bientôt une réalité ».

Et en relation avec le peuple, dans un suprême effort pour empêcher de plus grandes atrocités, il a prononcé les paroles finales de sa dernière homélie, borne limite indépassable dans l’histoire du pays, de l’Église et partout où reste une trace d’humanité.

« Au nom de Dieu donc, et au nom de ce peuple éprouvé, dont les lamentations tous les jours plus tumultueuses montent jusqu’au ciel, je vous supplie, je vous demande, je vous ordonne au nom de Dieu : que cesse la répression ! » (23 mars 1980).

Jamais auparavant on n’avait entendu des paroles semblables et jamais on ne les a réentendues depuis. Elles furent accueillies avec un tonnerre d’applaudissements jamais entendus auparavant et qu’on n’a jamais réentendus depuis.

Avec la mort de Monseigneur, sa parole n’est pas morte. Peu de jours après son assassinat, dans une messe célébrée à l’UCA, le père Ellacuría disait : « Avec Mgr Romero, Dieu est passé par El Salvador ». Ces paroles, nous les avons répétées souvent, et aujourd’hui nous nous interrogeons de nouveau : est-ce vrai ? Oui et en beaucoup d’endroits. Qu’il suffise de rappeler quelques faits récents.

Le 2 mars, Noam Chomsky, éminent penseur états-unien, défenseur de nobles causes, « perdues » pour beaucoup d’entre elles, traqué de beaucoup de manières par les pouvoirs établis, venait de fêter ses 80 ans. Le journal El País l’interviewa sur des thèmes professionnellement connus par l’auteur : la situation politique internationale, les médias, internet … Mais, rompant la logique professionnelle, l’entretien se termine sur une question personnelle : « À votre âge, qu’est-ce qui vous fait continuer à lutter ? » Et voici ce qu’il a dit :

« Des images comme celle-ci [Chomsky indique un tableau accroché dans son bureau où l’on voit l’ange exterminateur aux côtés de l’archevêque Romero et des six intellectuels jésuites assassinés par les escadrons de la mort en El Salvador dans les années 80]. Un de mes échecs est que personne aux États-Unis ne sache ce que signifie ce tableau ».

Le 15 mars, quelque chose de très nouveau est arrivé à El Salvador. Le parti ARENA, qui n’avait jamais prononcé officiellement le nom de Mgr Romero – je pense par peur et par une espèce d’insurmontable paralysie phonétique, a perdu les élections. Au contraire, le vainqueur, Mauricio Funes, lui, le prononça. Il y a et il y aura des analystes qui jugeront les convictions et les intentions. Mais se référer à Mgr Romero en ce moment et le présenter comme ce qui est le plus précieux de ce qu’a produit et possède ce pays, indique que Mgr Romero est toujours vivant.

Durant la veillée du 21 mars, pendant la procession et devant la cathédrale, beaucoup de Salvadoriens et de Salvadoriennes ressentirent une fois de plus la présence de Monseigneur. Avec un sens humain et chrétien – et avec un sens théologique très juste – ils n’exprimaient pas cette présence, du moins sous son aspect fondamental, parce qu’ils ont maintenant « plus de pouvoir », mais ils l’exprimaient par un sentiment de dignité, d’espérance et de joie. Avec Monseigneur, ils pouvaient continuer à travailler et à cheminer. Et à célébrer la vie.

Le 26 mars, pour la première fois dans l’histoire du pays, fut instauré un tribunal de justice restauratrice pour que l’État, après s’être désintéressé de tant de crimes, par cruauté ou avec la loi d’amnistie, reconnaisse sa faute et demande pardon ; pour que les victimes retrouvent la dignité ; et pour qu’après de nombreuses années, des pas vers la réconciliation soient effectués. Dans les efforts courageux de beaucoup de professionnels pour instaurer le tribunal, et surtout dans les paroles des témoins, des familles des victimes et parfois des victimes elles-mêmes, dans la dignité, le réconfort et la main tendue qu’exprimaient ces paroles, Mgr Romero passait par El Salvador.

Terminons par où nous avons commencé. Nous sommes dans la chapelle de l’UCA. Je vous invite tous à mettre en œuvre ce à quoi s’engagea le Père Ellacuría [1] devant Monseigneur quand, en 1985, l’UCA lui décerna un Doctorat Honoris Causa.

 1. Une authentique insertion dans la réalité nationale, déchirée, presque mortellement blessée, secouée aujourd’hui par dix assassinats par jour, sans céder à la tentation de nous en distancier et, moins encore, de croire que cela puisse être bénéfique pour l’excellence académique.

 2. Ne pas tomber dans la neutralité fallacieuse et concrétiser le bien commun à l’aune du bien des majorités pauvres et opprimées, des victimes ; c’est-à-dire choisir librement l’option préférentielle pour les pauvres de ce pays et nous y maintenir fermement.

 3. Après la guerre, favoriser et défendre de toutes les manières possibles une paix véritable, les droits humains et une réelle réconciliation ; freiner l’effusion de sang du pays et travailler pour que les migrations inhumaines ne soient pas nécessaires.

 4. Ne pas renoncer à l’espérance de construire un futur meilleur, plus humain et humanisé. Plus spécialement, rendre la parole, le réconfort, la dignité et la réparation aux victimes. Et nous laisser sauver par elles.

 5. Que l’inspiration chrétienne qui portait Mgr Romero à agir ne chancelle pas, mais qu’elle se fortifie. Le Monseigneur qui vivait de la foi en Jésus invite à donner sa vie pour ceux qui souffrent comme nous l’avons vu dans l’évangile [2].

Demandons à Dieu que cette Université, avec humilité et avec décision, avec conviction et avec joie, soit la disciple fidèle de Mgr Romero.


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 3103.
 Traduction de Bernard & Jacqueline Blanchy pour Dial.
 Source (espagnol) : Le texte de l’homélie de Jon Sobrino a été publié sur le blog Rumores de Ángeles du site Periodista digital, le 2 avril 2009.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, les traducteurs, la source française (Dial - http://enligne.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.

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[1Un des jésuites assassinés en 1989. Voir DIAL 3082 - « EL SALVADOR - Hommage aux martyrs de la UCA ».

[2dont la lecture précédait cette homélie – note DIAL.

Messages

  • Très beau texte. Merci…
    J’en remets bout à bout certains passages :

    Etre dans un abandon total, devant ce qui est bon […] : la compassion, la justice, la vérité.
    Défendre les victimes.
    Mettre toutes ses forces en faveur de la justice, de l’espérance et de la vie des pauvres.
    Affronter ceux qui oppriment le pauvre.
    Célébrer la vie dans l’espérance et la joie.
    Ne pas céder à la tentation de se distancier des victimes de l’injustice et de la violence.
    Concrétiser le bien commun à l’aune du bien des majorités pauvres et opprimées, des victimes.
    Ne pas renoncer à l’espérance de construire un futur meilleur, plus humain.
    Favoriser et défendre de toutes les manières possibles une paix véritable.
    Donner sa vie pour ceux qui souffrent comme nous l’avons vu dans l’évangile.

    A cette lumière (la vraie lumière) voyons ce qu’il en est pour nous, chrétiens français, face à la terrible force de mort que constitue les armes nucléaires de notre pays.

    Notre pays avec notre accord ou notre complicité s’est donné par ses armes nucléaires les moyens de tuer une population équivalente à celle de la France.
    Ayons cela à l’esprit et relisons ligne à ligne ce qui précède.
    La conclusion ne va-t-elle pas de soi ?

    Et pourtant, depuis plusieurs mois j’ai écrit des centaines de mails ou courriers aux principaux évêques en charge de notre Eglise et pratiquement à tous les journaux et hebdomadaires chrétiens et à chacun d’eux j’ai proposé l’article reproduit plus bas.
    Aucune réponse qui engage, aucune déclaration publique de la part de nos évêques.
    Seul un hebdomadaire protestant, Reforme, s’est engagé à passer (le 16 avril) ma proposition d’article.

    Les chrétiens généreux (plus que je ne le suis et heureusement) ne manquent pas, beaucoup donnent de leur argent de leur temps et de leur vie notamment dans des ONG (qu’elles soient confessionnelles ou non) pour aider ceux qu’ils considèrent (à l’exemple du Christ) comme leur prochain.
    Pourquoi alors sommes-nous si peu mobilisés contre ces armes nucléaires qui peuvent tuer des millions d’êtres humains, nos frères en Jésus-Christ ?
    Nos Eglises, encore dernièrement, ont eu des paroles fortes et courageuses inspirées de l’Evangile pour nous appeler à la solidarité et à la fraternité envers les migrants, pour nous appeler à « un partage solidaire avec tous les déracinés ». Bravo !
    Pourquoi alors leur silence assourdissant devant cette terrible puissance de mort qui menace des dizaines de millions de nos frères d’un sort mille fois pire que le déracinement ?

    Une chose est sure, il ne faut pas attendre la solution des politiques (dont beaucoup sont favorables au maintien de notre force de dissuasion !), il faut viser à toucher le cœur et l’esprit des français, car c’est là que tout se joue comme l’a compris, l’a dit, et l’a traduit en actes, l’abbé Pierre à propos du logement social.
    Si l’opinion publique est gagnée, alors les politiques sont obligés de suivre, et c’est bien ce qui s’est passé avec l’Abbé Pierre notamment pendant l’hiver 1954.

    Et nous avons les moyens de toucher le cœur et l’esprit d’un grand nombre de français, notamment par une déclaration forte et prophétique (le prophète n’est-il pas celui qui crie pour l’opprimé) de nos évêques et de nos pasteurs (catholiques, protestants, orthodoxes) et aussi par nos médias dont l’impact déborde de beaucoup le monde strictement chrétien.

    Au nom des millions de pauvres gens que nos armes menacent, j’appelle chacun d’entre vous à faire ce qu’il peut (surtout si vous connaissez des évêques ou des journalistes…).

    Gabriel CHEL

    Ci-dessous mon envoi aux médias chrétiens :


    # # # Avançons vers un monde sans armes nucléaires # # #

    # La politique actuelle de notre pays ne pousse-t-elle pas à la catastrophe nucléaire finale ?

    Notre pays possède un arsenal nucléaire redoutable, certes bien moindre que celui des Etats-Unis ou de la Russie, mais néanmoins capable d’anéantir une population comparable à celle de la France.
    Notre puissance nucléaire est probablement au moins équivalente à celle de 2000 bombes Hiroshima. Et Hiroshima c’est plus de 200 000 morts.
    L’utilisation de la totalité de notre puissance nucléaire, même en ne visant que les « centres de pouvoir politiques, économiques et militaires » de l’ennemi, entraînerait vraisemblablement l’anéantissement d’une population équivalente à celle de la France car ces sites stratégiques ne sont généralement pas situés en plein désert, mais très souvent à proximité de villes et de lieux peuplés ; ces tirs provoqueront donc d’abord des morts "immédiates" sur les sites mêmes atteints, ils causeront ensuite des morts "différées", après d’atroces souffrances, en beaucoup plus grand nombre, du fait de la radioactivité, sur des étendues considérables… et de nombreux enfants naitront anormaux.

    Ce terrifiant pouvoir de mort (décidé et réalisé sans que notre avis n’ait jamais été explicitement demandé) a été remis dans les mains d’un seul homme : on n’ose penser à ce qui risque d’advenir si un jour les facultés mentales de notre président (homme ou femme) venaient brusquement à vaciller !

    De plus, par notre doctrine de dissuasion nucléaire nous poussons à la prolifération. En affirmant que seule cette dissuasion assure notre sécurité, nous incitons (bien évidemment) chaque pays à en faire autant : car au nom de quoi peut-on demander par exemple à l’Iran de renoncer à acquérir une dissuasion équivalente à la nôtre ? La sécurité des iraniens vaut bien celle des français !

    Et cette prolifération (à laquelle nous incitons) pousse elle-même à la catastrophe finale. Car celle-ci est inévitable si on ne fait pas marche arrière, en effet : Ou bien les « chances » d’utiliser ces armes nucléaires sont nulles et alors il n’y a plus de dissuasion, pourquoi alors les construire ? Ou bien la probabilité qu’on les utilise n’est pas nulle et alors un conflit nucléaire a toutes les chances d’éclater un jour, car aussi faible que soit cette probabilité sur une année, (même en supposant, ce que rien ne permet d’affirmer, que la situation internationale ne se détériore pas dans les années à venir,) elle va devenir considérable si on envisage une période suffisamment grande : sur 100 ans elle sera 100 fois supérieure et si de plus au cours de cette période le nombre des nations possédant l’arme nucléaire est multiplié par 20, la probabilité sur 100 ans sera de l’ordre de 1000 fois supérieure !

    Et que devient ce risque si, ne serait-ce que dans un seul des pays possédant l’arme nucléaire, on voit arriver au pouvoir un émule d’Hitler ? Qui peut affirmer que des dictateurs plus ou moins équivalents à Hitler n’existent pas aujourd’hui ? Qui peut affirmer qu’il n’en existera aucun dans les 20 ans ou les 100 ans qui viennent ?

    Par ailleurs, les menaces principales qui pèsent sur nous sont d’une part la désintégration sociale et sa violence, et d’autre part le risque terroriste. Face à chacune de ces menaces, la protection apportée par l’arme nucléaire est nulle. Plus de fraternité, plus de justice est certainement le remède principal face au risque de désintégration sociale. En donnant un avenir pour chacun et un toit pour chacun, on réduirait déjà beaucoup ce risque. Et en renonçant à l’arme nucléaire on économiserait de grandes sommes d’argent qu’on pourrait utiliser pour réaliser cet objectif.

    # Avançons vers la paix, saisissons-nous de la chance exceptionnelle que nous offre le moment historique que nous vivons, car une telle chance ne nous sera peut-être plus jamais offerte.

    Le moment historique que nous vivons est crucial : Barack Obama, le président américain, s’est engagé fortement et à plusieurs reprises pour un désarmement nucléaire progressif et contrôlé. Le prix Nobel qui lui a été attribué en octobre 2009, en soulignant explicitement cet engagement, constitue un encouragement pour avancer vers un monde sans armes nucléaires que presque tous les hommes sur notre terre appellent de leurs vœux.

    En mai 2010 aura lieu la Conférence d’examen du TNP (Traité sur la Non-Prolifération des armes nucléaires). A nous de faire en sorte que, lors de cette conférence et au-delà, la France ne soit pas un frein à cette marche souhaitée vers le désarmement, mais au contraire en soit un des moteurs.

    Cela suppose de mettre en cause notre doctrine de dissuasion (après tout, la grande majorité des pays n’ont pas l’arme nucléaire), condition nécessaire pour avancer vers l’éradication, en effet : « Jamais le Conseil de Sécurité n’acceptera de prendre des sanctions pour détention de l’arme si une seule nation prétend conserver les siennes. C’est aussi simple et aussi évident que cela. De là découle l’importance majeure de l’engagement public vers l’éradication. » [Intervention de Michel Rocard à la rencontre de Global Zero, Paris, 3 février 2010 www.acdn.net].
    Si on veut donner une chance à la paix, il n’y a pas d’autre voie qui s’ouvre à nous. Car nous l’avons vu, si on se cramponne à notre dissuasion, on pousse à la prolifération et donc à la catastrophe finale.

    Une guerre nucléaire tuerait des millions, voire des centaines de millions, voire des milliards d’êtres humains, voire même détruirait toute vie humaine sur notre planète. Imaginons la mort d’un seul enfant, c’est intolérable, que dire de celle de toute l’humanité !

    Avançons résolument vers un désarmement nucléaire progressif et contrôlé. Prenons aujourd’hui un risque limité pour éviter à terme une catastrophe certaine.

    # Qu’il y ait par ailleurs désarmement général ou non, un homme de bonne volonté, un chrétien, ne peut accepter la mort de millions d’innocents !

    Jésus par son enseignement, sa vie, sa mort nous a demandé, nous a crié, d’aimer tout homme, même nos ennemis. Cela implique de commencer d’abord par empêcher que des millions et des millions d’entre eux soient tués – sur le coup ou au terme d’atroces souffrances.
    Ces millions de pauvres gens que la France s’est donné les moyens de tuer ne sont-ils pas tous nos frères en Jésus-Christ ? Jésus n’a-t-il pas donné sa vie pour chacun d’eux ? Chacun d’eux n’est-il pas le Christ lui-même qui s’identifie à tout opprimé : « j’avais faim et tu m’as donné à manger », j’étais menacé de mort et tu es venu à mon secours ?

    S’il veut suivre Jésus-Christ, un chrétien doit donc tout faire pour empêcher ce meurtre de millions et de millions d’innocents ; et il doit le faire dans tous les cas, qu’il y ait par ailleurs désarmement général ou non !

    Cela ne nous appelle-t-il pas : à traduire dans nos votes notre refus de participer à ce meurtre massif ; à interpeler à ce sujet les candidats aux élections et les élus ; à réclamer que soit (enfin !) demandé explicitement l’avis des citoyens sur cette question par un référendum honnête précédé d’une information approfondie et contradictoire ?

    # Aimer tout homme comme soi-même, et même nos ennemis !
    C’est peut-être trop pour nous… mais au moins ne tuons pas des multitudes d’innocents !

    G.C.


    Pour en savoir plus voir lire : http://www.lavie.fr/sso/blogs/post.php?id_post=177&id_blog=214
    qui est plus complet.

    ___fin___

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