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DIAL 3264 - À 25 ans de la résurrection de Monseigneur Léonidas Proaño

ÉQUATEUR - 3e Rencontre latino-américaine Foi et politique « Pachamama, eau, territoire et territorialité dans des contextes de capitalisme global et alternatives à partir de la foi des peuples » : déclaration finale

mercredi 18 décembre 2013, mis en ligne par Dial

DIAL s’associe aux différentes manifestations organisées lors du 25e anniversaire de la mort de Mgr Proaño, fin août, en publiant deux textes diffusés à cette occasion. Le premier texte a été publié dans le numéro de novembre. Le deuxième, ci-dessous, est la traduction de la déclaration finale de la 3e Rencontre latino-américaine Foi et politique qui s’est tenue à Quito fin août 2013.


Poussés par la force spirituelle de nos martyrs et de nos prophètes et par la vitalité des peuples aymara, quichua, quechua, nonam, embera et afro-américains, nous nous sommes réunis pour le 25e anniversaire de la résurrection de Monseigneur Leonidas Proaño à Quito, en Équateur : nous, 52 organisations indiennes, d’origine africaine, métisses, des théologiennes et des théologiens, des femmes et des hommes solidaires du monde entier, issus des peuples de Bolivie, d’Équateur, du Pérou, d’Espagne, du Costa Rica, de Cuba, du Panama et de Colombie, nous nous sommes réunis pour voir, juger et nous mettre d’accord sur des lignes d’action au sujet de la Pachamama, du territoire et de la territorialité dans des contextes de capitalisme global.

Nous avons vu, nous avons entendu, nous avons ressenti, avec indignation mais aussi avec espérance, les faits dénoncés par des communautés de Cajamarca au Pérou, de l’Alto Guayabal en Colombie et leur résistance créatrice devant la voracité de l’industrie minière transnationale sur leurs territoires. Nous avons entendu aussi, avec perplexité, la progression en Équateur de la monoculture du brocoli dans les territoires indiens à Cotopaxi et du palmier à huile à Esmeraldas ; la profonde préoccupation devant l’annonce de l’exploitation pétrolière dans la réserve du Yasuní ; l’extension de la monoculture du soja dans la zone frontalière de la Bolivie avec le Paraguay ; l’expropriation des communautés indiennes au Panama pour l’extension de l’élevage et l’exploitation pétrolière en Colombie dans la réserve de la Perla Amazónica ; l’occupation de terres pour le port d’Agua Dulce à Bajo Calima ; la progression du palmier à huile et du bananier plantain d’exportation, de l’exploitation minière extensive sur les territoires des communautés noires du Curvaradó et Jiguamiandó et du développement sans consultation préalable de grands travaux d’infrastructure routière dans le Cacarica, mis en œuvre par des transnationales et quelques gouvernements, affectant les sources d’eau, brisant les processus communautaires, menaçant la souveraineté alimentaire.

Grâce à la méthode féconde qui a associé les témoignages directs des victimes en résistance avec les analyses locales et globales, nous avons pris conscience que ces cas ne sont pas isolés, mais qu’ils illustrent la voracité du capitalisme qui, depuis dix ans, prétend résoudre sa crise financière, environnementale, énergétique, écologique et alimentaire, en acquérant des terres dans le monde entier pour l’extraction minière et pétrolière, la production d’agro-carburants et d’aliments pour les animaux, l’exploitation des forêts et le négoce de la protection de l’environnement et de l’alimentation.

Cette étape de l’accaparement des terres déplace avec violence les vrais propriétaires, détruit avec ses machines les lieux sacrés des communautés, pollue les sources d’eau et aggrave le déracinement des enfants et des jeunes qui se voient forcés d’abandonner la terre pour aller grossir les ceintures de misère dans les villes.

En outre, ces investissements du capital sont soutenus par les militaires qui mettent en place sur les territoires des politiques de consolidation qui font partie de ce qu’on appelle l’Initiative régionale andine, le Plan Mérida et maintenant l’Alliance du Pacifique. Face à cette présence militaire appuyée par les États-Unis et l’Union européenne, des blocs alternatifs d’intégration continentale se renforcent comme l’ALBA, le CELAC et l’UNASUR, qui doivent se rapprocher davantage des organisations et mouvements sociaux qui dans nos peuples sont en résistance.

Nous constatons aussi que les communautés, devant cette agression du capitalisme accapareur, ont dénoncé cette situation, mobilisé la solidarité du monde entier et organisé les territoires pour résister à ceux qui provoquent ces déplacements et préserver ainsi la diversité de leurs modes de vie. Elles se regroupent dans des coordinations avec d’autres organisations sociales, elles descendent dans la rue pour montrer à leurs concitoyens la valeur de la terre, dénoncer les menaces contre la souveraineté alimentaire et la destruction de l’environnement qui résultent des traités de libre-échange. Elles se mobilisent aussi pour constituer des gouvernements capables de garantir la vie, l’autodétermination et la dignité des peuples.

Nous jugeons, nous discernons, nous prions et proclamons que la spiritualité de la terre va au-delà des religions spécifiques, qu’elle est à la base des traditions indiennes et afro-colombiennes et qu’elle est la plus authentique des traditions religieuses ; toutes voient la terre comme un héritage qui ne peut pas être commercialisé, car elle appartient aux divinités qui donnent la vie et doit être considérée comme une mère qui offre la vie à ses fils et ses filles et rend possible la reproduction de toutes les vies.

C’est sur elle que se base la loi d’origine de nos peuples : c’est la Pachamama en quechua, Machs Amitig en nonam et Dayira Papa Drua en embera. Nos peuples originaires vivent dans la nature, leurs rites nous mettent en communication avec le profond, les racines, avec la territorialité qui nous constitue : feu-soleil, eau-sang, vent-souffle, terre-corps.

Dans la Bible, la terre est don de Dieu, héritage ; c’est pourquoi Nabot n’a pas voulu la vendre au roi Ajab qui, comme tous les accapareurs, se sert de la loi qui tue et de la tromperie des corrompus pour se l’approprier à force de crimes. En Jésus, c’est le lieu du pain, du poisson, du vin, aliments que Dieu le Père a remis à toutes ses filles et ses fils qui vivent dans l’inquiétude à cause de la voracité d’autres royaumes expropriateurs : c’est ce qui s’est passé en son temps avec le royaume de Rome auquel Jésus a opposé le royaume de Dieu, cet ordre divin qui essaye de garantir la nourriture bénie, partagée, et donnée pour toutes ici et maintenant.

Ces spiritualités plurielles nous poussent en conséquence à avancer dans la récupération et la défense de la terre comme un droit commun à tous les peuples. Action stratégique dans laquelle progressent avec force et conviction les communautés présentes dans notre rencontre, mais qui les transcende dans la tâche globale de garantir la survie des filles et des fils de Dieu, Père et Mère. C’est une invitation au courage, à abandonner la peur et à nous montrer comme ce que nous sommes, filles et fils de la Mère-Terre affirmant notre spiritualité et défendant les territoires.

Des prophètes et des prophétesses nous ont précédés dans la défense des territoires et ils intercèdent pour cette cause. Des paroles de Mgr Léonidas Proaño résonnent dans le cœur : « Je cherche partout des lutteurs pour la Paix et pour la Vie. Nous devons agir avant qu’il ne soit trop tard, avant que l’invasion et la folie de quelques hommes ne convertissent notre planète terre en une lune morte, en un cimetière de l’espace ». À ses côtés, Oscar Romero, Dorothy Day, Luis Espinal, Héctor Gallego, Jorge Gerardy, Yolanda Cerón, Camilo Torres, tant de femmes et hommes engagés jusqu’au dernier souffle. Elles et eux ont cheminé avant nous vers la construction d’une société où la vérité, la liberté, la justice, la solidarité, la fraternité, l’autodétermination, la vie et la dignité des peuples seront possibles.

Nous nous motivons pour l’action, pour passer des paroles aux actes, sur le terrain, en reconnaissant le rôle de la femme, en récupérant les pratiques agro-écologiques, l’éducation interculturelle bilingue, le recyclage, la récupération et les semailles des variétés locales comme le quinoa, le morocho, la chuchica, le muyoco, l’aoca, la récupération des pratiques vestimentaires indiennes, des artisanats, de la musique originelle, des danses, des tissus, des herbes médicinales, des sages-femmes et des médecins traditionnels. Toutes et tous devons chercher à avoir notre « petit lopin » de terre, même si nous vivons dans les zones urbaines.

Nous assumons la tâche d’une articulation avec d’autres réseaux nationaux et internationaux de défense des territoires qui construisent des alternatives à la globalisation du marché et à l’accaparement des terres. Nous nous sommes mis d’accord pour favoriser la mobilisation sociale contre l’ingérence étrangère, pour chercher à obtenir dans nos pays des législations qui, dans la pratique, lui fassent obstacle, pour exiger des investissements en faveur du petit producteur avec l’accès, le contrôle et l’usage de la terre sur la base de l’autodétermination des peuples et pour essayer d’annuler les traités de libre échange là où ils existent.

Nous agissons avec la conviction que les territoires sont des lieux où il est urgent de garantir les droits à la santé, à l’éducation, au logement, au travail, à un environnement sain et à un milieu libre de toute militarisation. Nous accompagnerons aussi des actions directes non-violentes de récupération matérielle du droit à la terre et nous nous allierons avec ceux qui travaillent pour la justice agraire, la justice du travail et pour l’environnement.

Nous nous unissons à ce qui a été construit par le mouvement social bolivien appuyé par son président indien dans la recherche du pouvoir de l’État pour les paysans, les Indiens et les personnes d’origine africaine, un État où toutes et tous aurons notre place ; nous nous unissons au travail réalisé pour une révolution agraire qui garantisse la possession et l’autodétermination de nos peuples sur les territoires, comme le dit la CLOC-Vía Campesina.

Dans cette rencontre, nous avons exprimé notre solidarité avec la mobilisation agraire en Colombie, à laquelle participent paysans indiens, afro-colombiens et métisses, ainsi que divers mouvements sociaux, de même qu’avec les aspirations de secteurs du peuple équatorien pour préserver la réserve forestière du Yasuní.

Nous proposons aux croyantes et aux croyants de l’Espagne indignée par le capitalisme, victime elle aussi de la bulle immobilière et des autres expressions de la crise du capital, de célébrer notre 4e Rencontre Foi et politique dans ce pays en résistance, comme un pas de plus vers un travail en réseaux pour l’articulation des résistances des peuples pâtissant du modèle capitaliste.

Nous souscrivons à Quito, à l’Université andine Simon Bolivar, le 31 août 2013.

Acción Ecológica – Équateur
Asociación Cristiana Liberación Imbabura – Équateur
Asociación de Llamingueros INTIÑAN de Chimborazo – Équateur
Asociación Sembradores de Paz Inzá Cauca – Colombie
Asociación de Familias de los Consejos Comunitarios de Curvaradó, Jiguamiandó, Pedeguita y Mansilla y Santa Rosa de El Limón – Colombie
Comisión Ecuménica de Derechos Humanos del Ecuador – CEDHU
Centro Evangelio y Liberación – Espagne
Centro de Auto Liberación Luna Sol – Équateur
Centro de Formación de Misioneras Indígenas de Ecuador – Équateur
Centro Kichwa Puka Rumi - Arajuno – Équateur
Comisión Intereclesial « Justicia y Paz » – Colombie
Comisión de Vivencia « Fe y Política »
Communautés ecclésiales de base de Quinindé – Équateur
Communautés ecclésiales de base de l’Équateur
Communautés ecclésiales de base de Bolivie
Communautés ecclésiales de base de Bogotá – Colombie
Communautés ecclésiales de base de Medellín – Colombie
Comunidad de Vida y Trabajo La Balsita de Dabeiba – Colombie
Comunidades de Autodeterminación, Vida, Dignidad del Cacarica, Cavida – Colombie
Comunidad Santo Tomás Madrid – Espagne
Confederación Sindical Única de Trabajadores Campesinos Tupac Katari, Rodolfo Machaca – Bolivie
Confederación Pueblos Kichwa Ecuarani – Équateur
Consejo Comunitario del Río Naya – Colombie
Contexto – Bolivie
Coordinación Popular de Derechos Humanos de Panamá, Copodehupa – Panamá
Corporación Centro Loja de Promoción y Apoyo a la Mujer
Escuela de Formación Permanente Taita Proaño – Équateur
Étudiants indiens de Yuracruz Imbabura – Équateur
Étudiants Universidad Politécnica Salesiana Quito – Équateur
Fraternité Charles de Foucauld
Fundación Pueblo Indio de Ecuador – Équateur
Fraternidad Carlos de Foucauld – Équateur
Guadalupanos – Équateur
Grupo de Mujeres de Tierra Nueva de Imbabura – Équateur
Grupo Oscar Arnulfo Romero de Cuba – Cuba
Jambi Huasi – Équateur
José Arregi, théologien – pays basque
Misioneros Claretianos – Équateur
Misioneros por la vida de Colombia – Colombie
Movimiento de laicos y laicas de Colombia – Colombie
Movimiento Mons. Proaño de Loja – Équateur
Organización de Mujeres Juana Azurduy de Padilla – Bolivie
Organización « Guamán Poma » Cotopaxi – Équateur
Paroisse San Pedro y San Pablo Limones, Esmeraldas – Équateur
Paroisse Calderón, Quito – Équateur
Pastoral Penitenciaria Tulcán – Équateur
Réseau œcuménique de l’eau – Conseil mondial des églises
Resguardo Humanitario Nonam Alto Guayacán Bajo Calima – Colombie
Resguardo Humanitario
Servicio Internacional Cristiano de Solidaridad Oscar Romero
Unión de Organizaciones Campesinas Independientes de Ecuador, UECIPE – Équateur
Universidad Laica Eloy Alfaro – Équateur
Vicariato Apostólico de Esmeraldas – Équateur
Zona de Reserva Campesina de la Perla Amazónica Putumayo – Colombie.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3264.
 Traduction de Bernard & Jacqueline Blanchy pour Dial.
 Source (espagnol) : Adital, 18 septembre 2013.

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