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DIAL 3297
EL SALVADOR - Victoire pour les travailleuses de Manufacturas del Río
CEAL-DLCA
vendredi 24 octobre 2014, mis en ligne par
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DIAL a publié au cours des années 2000 un grand nombre d’articles sur la question des maquilas, ces entreprises de sous-traitances implantées en nombre important au Mexique et en Amérique centrale. Ces textes ont ainsi décrit les logiques économiques qui sous-tendent l’implantation des maquilas, les conditions de travail imposées aux salariés, insistant notamment sur la situation des femmes, très nombreuses, qui y travaillent… [1]. Ce texte publié par le Centre d’études et de soutien aux travailleurs - Droits des travailleurs en Amérique centrale (CEAL-DLCA) le 14 juillet 2014 montre que malgré les obstacles que rencontrent les luttes syndicales, le recours à des actions à l’intérieur et à l’extérieur du pays concerné — ici, El Salvador — peut être couronné de succès.
Le samedi 12 juillet 2014 alors que l’attention du monde entier était fixée sur la finale du Mondial de football au Brésil, eurent lieu les premiers paiements à plus de mille ouvrières de l’entreprise Manufacturas del Río (MDR) auxquelles on devait des arriérés de 15 ans pour certaines d’entre elles. L’entreprise a fermé le 7 janvier 2014 sans préavis en plein processus de négociation collective commencé deux mois avant.
Le syndicat STIT (affilié à la fédération FUERSA, au Front social et syndical salvadorien et à la Ligue syndicale internationale) au moyen d’un communiqué adressé aux travailleuses, a expliqué qu’avant la fermeture, son combat avait consisté à négocier un Contrat collectif de travail pour obtenir ainsi des prestations justes pour tous et toutes, avec notamment le paiement de primes d’ancienneté. Les représentants syndicaux ont signalé qu’ils ont présenté leur proposition de Contrat collectif de travail au ministère du travail, le premier novembre 2013 et que l’entreprise avait alors la capacité d’assumer le dit contrat mais n’avait pas la volonté de négocier. Quand l’entreprise a fermé illégalement, le 7 janvier 2014, ils ont exigé 100% des primes d’ancienneté et pour les obtenir, ils ont transféré leurs exigences aux multinationales (Fruit of the Loom, HBI, Levi’s, Lacoste et Adidas), aux propriétaires de MDR-CCC et au groupe textile Kaltex-Argus pour qu’ensemble ils assument leurs responsabilités. Le syndicat STIT a exprimé que les démarches auprès du ministère de travail, du bureau du Procureur général de la République, des tribunaux et autres instances légales d’El Salvador étaient nécessaires mais non suffisantes pour atteindre leur objectif, c’est pourquoi ils ont entrepris une campagne auprès des multinationales en mettant en œuvre les actions suivantes :
– Déposer une plainte devant le Worker Rights Consortium (WRC, Consortium des droits des travailleurs aux États-Unis) pour informer les clients des marques de la fermeture illégale et irresponsable de MDR-CCC.
– Faire pression sur les propriétaires d’Argus à Miami et au Nicaragua pour qu’ils assument leurs responsabilités. Ils ont pu compter sur l’appui du syndicat SEIU 32BJ, du syndicat étudiant USAS [2] aux États-Unis et de l’ambassadeur salvadorien à Managua.
– Faire pression sur Kaltex, le partenaire d’Argus au Mexique pour qu’il assume ses responsabilités. Ils ont pu compter sur le soutien des militants étudiants de l’UNAM [3], du Syndicat mexicain des électriciens (SME) et sur le Centre de recherche sur le travail et de conseil syndical (CILAS, Centro de Investigación Laboral y Asesoría Sindical).
– Dénoncer à l’Assemblée générale des actionnaires d’Adidas en Allemagne la fermeture de MDR (entreprise qui a assuré la couture pour Adidas pendant 10 ans). Ils ont pu compter sur le soutien du groupe allemand Initiative chrétienne Romero (ICR) et de la présidente de LA LIGA, Estela Marina Ramírez, ouvrière et responsable syndicale salvadorienne.
Le syndicat STIT a informé que l’entreprise s’est engagée à compléter comme il se doit le paiement des montants évalués par le ministère du travail concernant ce qui est dû aux travailleuses. Ceci est consigné dans un accord en tant que son « engagement moral » envers les travailleuses. L’entreprise s’est également engagée à mettre à jour les cotisations à l’Assurance sociale et aux fonds de pensions jusqu’à la date de la fermeture.
Bien que soit mise en évidence, une fois de plus, l’attitude anti-syndicale des maquiladoras en El Salvador, le fait d’obtenir le paiement des dus grâce à la coordination, la solidarité et la pression internationale, est un précédent important dans les luttes syndicales des ouvrières des maquiladoras de ce pays, dans leur chemin pour obtenir le plein exercice du droit à la Négociation collective.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3297.
– Traduction de Michelle Savarieau pour Dial.
– Source (espagnol) : Centre d’études et de soutien aux travailleurs - Droits des travailleurs en Amérique centrale (CEAL-DLCA), 14 juillet 2014.
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la traductrice, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] DIAL 2516 - « AMÉRIQUE LATINE - Filiales de multinationales : les maquilas. I.- l’implantation des entreprises de sous-traitance », 2517 - « MEXIQUE - Filiales de multinationales : les maquilas. II.- Des travailleurs s’expriment », 2518 - « AMÉRIQUE LATINE - Mondialisation et néolibéralisme en Amérique latine », 2560 - « GUATEMALA - La création d’un syndicat dans une « maquila » », 2608 - « NICARAGUA - L’univers concentrationnaire des entreprises situées en zone franche, voyage au coeur d’une « maquila » », 2696 - « NICARAGUA - L’implantation d’une multinationale en zone franche » et 2747 - « NICARAGUA - Espoirs et déceptions suscités par une maquila : Beaucoup de femmes ont cru que leur vie allait changer... ».
[2] United Students Against Sweatshops (Étudiants unis contre les ateliers de misère — note DIAL.
[3] Université nationale autonome du Mexique — note DIAL.