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DIAL
L’actualité en bref - août-septembre 2002
Nicolas Pinet
mardi 1er octobre 2002, mis en ligne par ,
AMÉRIQUE LATINE
Le bilan des améliorations survenues dans les dix ans qui séparent le Sommet de la terre qui s’était tenu à Rio de Janeiro en 1992 et celui de Johannesburg (Afrique du Sud) en 2002 - appelé aussi Rio + 10 - n’est pas très encourageant.
La conscience de la fragilité de l’environnement a augmenté, des mesures de protection ont été adoptées, et la participation de la société civile s’est affermie. Les institutions démocratiques de la région se sont consolidées, créant des conditions favorables à l’investissement, au développement économique, et, potentiellement, à la diminution de la pauvreté et du chômage. Ces éléments pourraient permettre d’avancer sur la voie du développement durable.
Mais la pauvreté reste très présente, touchant 44 % des latinoaméricains selon les chiffres de la CEPAL, la région est toujours la première au monde pour ce qui est de l’inégalité des revenus et la détérioration de l’environnement s’est accentuée. Les années 90, placées à leur début sous le signe de l’optimisme - retour à la démocratie dans de nouveaux pays, volonté de laisser derrière la « décennie perdue » des années 80 - apparaissent désormais comme une autre étape d’un développement qui peine à avancer.
ARGENTINE
La justice a condamné jeudi 12 septembre l’ancien dictateur Leopoldo Galtieri ainsi que vingt autres militaires à la retraite à des peines de prison : ils ont été reconnus coupables de l’enlèvement suivi de tortures et de l’assassinat - au début des années 1980 - de 18 guérilleros du mouvement des Montoneros, une organisation gauchiste se réclamant de l’ancien président Péron. Galtieri avait été condamné à 12 ans de prison en 1985 pour avoir dirigé l’invasion, en 1982, des Îles Malvines, occupées par l’Angleterre depuis 1833 (Îles Falkland) et revendiquées par l’Argentine - il avait été gracié en 1989. C’est la première fois qu’il est condamné pour violations des droits humains.
L’échéance des élections présidentielles, qui devraient avoir lieu le 30 mars 2003, provoque des réactions variées. D’après une enquête réalisée par l’institut de sondage Hugo Haime et associés, deux tiers des Argentins ne font confiance à aucun des candidats actuels. Les organisations de la société civile dont l’importance a augmenté avec la crise ne prétendent pas pour autant présenter leur propre candidat. Elles continuent plutôt à s’organiser pour accroître leur capacité à peser sur les décisions et à faire entendre leur opinion.
Ce sont donc les politiciens traditionnels qui postulent à la présidence, malgré le rejet dont ils sont l’objet de la part de la population et leur manque de crédibilité. Parmi ces derniers, c’est, toujours selon l’institut de sondage Hugo Haime, Rodríguez Saá et Elisa Carrió qui réunissent le plus grand nombre d’intentions de vote avec respectivement 22,7 et 17 %. Rodríguez Saá, du parti justicialiste (péroniste), avait occupé le poste de président de la république en décembre 2001, suite à la démission de De la Rúa, avant de démissionner lui aussi, une semaine plus tard. Elisa Carrió a quitté son ancien parti centriste, l’Union civique radicale, pour en former un nouveau, qui s’est donné pour tâche d’enquêter sur les pratiques de corruption. Les électeurs ne se font cependant pas beaucoup d’illusions sur la capacité des candidats à les sortir de la crise actuelle, une fois élus.
Dans ce contexte, une chaîne de télévision a mis sur pied une émission intitulée « le candidat des argentins », qui sera diffusée à partir du 22 septembre. Après une phase de sélection, les 16 candidats retenus seront invités à présenter leurs propositions, à participer à des débats et à différents tests imaginés par la chaîne. Les téléspectateurs pourront ainsi choisir le candidat qui les représente le mieux. Les responsables du programme s’engagent alors à déclarer le gagnant à l’administration électorale, en tant que président du nouveau parti à créer. Plus de 500 personnes se sont présentées lors de la première convocation.
BRÉSIL
Le gouvernement fédéral a décidé de racheter une bonne partie de la production nationale de café à un prix de 30 % supérieur au prix habituel. Il cherche ainsi à éviter que les excédents de café, qui sont cette année une réalité au niveau mondial (voir dossier 2580 : Guatemala : Sortir de la crise du café), fassent baisser encore plus les prix. L’année 2003-2004 devrait, si les prévisions se confirment, voir la tendance actuelle s’inverser : demande supérieure à l’offre et remontée des prix. Cela permettrait alors d’écouler avantageusement les stocks accumulés cette année. Ces conjectures s’appuient sur l’alternance bisannuelle de bonnes et de mauvaises récoltes, sur des prévisions météorologiques défavorables (faibles pluies) et sur la baisse de productivité que devrait entraîner la chute des investissements provoquée par la baisse des prix durant ces dernières années.
Lors du Sommet mondial sur le développement durable qui s’est tenu fin août - début septembre à Johannesburg, le Brésil s’est fait le champion des énergies renouvelables, proposant, au nom de l’Amérique latine et des Caraïbes, que 10 % de l’énergie utilisée sur la planète d’ici 2010 provienne de sources renouvelables. La proposition a divisée les participants. Les États-Unis, qui avaient déjà refusé le Protocole de Kyoto de 1997, qui cherchait à limiter la production des gaz à effet de serre, s’opposent à toute proposition visant à définir des objectifs quantifiables en matière d’énergie. Cette position est défendue aussi par le Japon, le Canada, l’Australie et les pays de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). La Suède, l’Allemagne et la Nouvelle Zélande - entre autres - ont, quant à eux, appuyé la proposition brésilienne qui n’a finalement pas été retenue dans le Plan d’action final adopté le 4 septembre.
CHILI
La fin de la présence de l’ancien dictateur Augusto Pinochet sur la scène politique et la superposition du 11 septembre 1973 avec le 11 septembre 2001 à New York ont fait du vingt-neuvième anniversaire du coup d’État un événement contrasté. Alors qu’avaient lieu les traditionnelles manifestations de commémoration, les chaînes de télévision ont consacré l’essentiel de leurs émissions aux événements du 11 septembre 2001, qui divisent nettement moins le pays.
COLOMBIE
Les fumigations, prévues par le plan d’éradication de la coca, ont repris avec une intensité nouvelle depuis un peu plus d’un mois, détruisant aussi les cultures de substitution développées suite aux accords signés avec le gouvernement Pastrana. Les fumigations, qui visent d’abord les régions sud et sud-ouest de la Colombie, où se concentre près de 60 % de la production de coca, font partie du plan d’éradication totale initié le 31 juillet et poursuivi par le nouveau président Guillermo Uribe depuis sa prise de fonction le 7 août. Malgré les déclarations du Département d’État des États-Unis sur le caractère non-toxique des herbicides utilisés, les habitants des régions touchées se sont plaints d’irritations de la peau et des yeux, ainsi que d’affections respiratoires.
L’ELN (Ejército de Liberación Nacional), seconde organisation de guérilla par son importance - après les FARC (Fuerzas Armadas Revolucionarias de Colombia) - a déclaré début septembre qu’elle était prête à reprendre les négociations avec le gouvernement d’Alvaro Uribe en vue de trouver une solution négociée au conflit armé. Les négociations pourraient reprendre à La Havane, avec l’aide du gouvernement cubain qui avait déjà servi d’intermédiaire lors des négociations entre le gouvernement Pastrana (1998-2002) et l’ELN. Mais les conditions posées par les deux parties, si elles ne sont pas modifiées, risquent de rendre une nouvelle fois la négociation impossible.
ÉQUATEUR
Le chancelier équatorien (responsable des Affaires étrangères) Heinz Moeller a suggéré, lors d’un voyage en Colombie que l’Équateur pourrait servir de médiateur dans le conflit colombien. La proposition, dans le contexte de la campagne pour les élections présidentielles du 20 octobre, a déclenché une forte polémique, les différents candidats à la succession de Gustavo Noboa prenant fermement position en faveur ou contre la proposition.
Le tribunal constitutionnel équatorien vient d’autoriser (5 septembre) la candidature d’un leader indigène, Antonio Vargas. Une semaine avant, le Tribunal électoral suprême avait annulé sa candidature après avoir constaté que parmi les 81 000 signatures nécessaires à la création d’un nouveau parti, un bon nombre était fausses ou répétées. Entre 1996 et 2001, Antonio Vargas a été président de la CONAIE (Confederación de Nacionalidades Indígenas), l’organisation sociale la plus importante du pays, où 30 % de la population est indigène. Mais suite à des accusations lui reprochant de ne pas respecter les résolutions collectives et de passer des accords avec le gouvernement sans demander l’avis de l’organisation, il a été démis de ses fonctions, et ne compte donc pas sur l’appui de la CONAIE pour les élections. Cette dernière a préféré s’allier avec des secteurs sociaux et politiques de gauche et de centre gauche et soutenir la candidature du colonel Lucio Gutiérrez qui avait dirigé avec Vargas la révolte de janvier 2000 contre le président d’alors Jamil Muhuad, au pouvoir depuis 1998 (Ce dernier avait été remplacé par le vice-président Gustavo Noboa.) Ni l’un ni l’autre des candidats ne sont donnés comme favoris.
HAÏTI
L’Organisation des États américains (OEA) a lié la reprise de l’aide économique, suspendue suite aux irrégularités des élections de 2000 et dont Haïti a le plus grand besoin, à une série de conditions à remplir avant les élections de 2003. Elle exige notamment la poursuite judiciaire des personnes impliquées dans des actes de violence politique, la neutralité de la police et des garanties pour la liberté d’expression.
MEXIQUE
La Cour suprême a décidé vendredi 6 septembre de ne pas donner suite aux poursuites engagées par plusieurs États et municipalités ayant un large pourcentage de population indigène contre les réformes constitutionnelles approuvées en avril par le Congrès législatif. Ces réformes reconnaissent des droits aux ethnies indigènes mais limitent leurs aspirations à l’autonomie complète et au contrôle de leurs terres qui avaient pourtant été reconnues en 1996 par le gouvernement d’Ernesto Zedillo (1994-2000), dans un accord signé avec les zapatistes. Selon la Cour suprême, il n’est pas de son ressort de se prononcer sur les réformes puisque celles-ci ont été votées par le parlement dans l’exercice légitime des pouvoirs qui lui sont conférés par la constitution. Ces réformes, qui ont le soutien du président Vicente Fox et de la majorité des assemblées législatives des États mexicains, restent donc en vigueur. Plus de 100 représentants de groupes indigènes et humanitaires et plusieurs personnalités du monde intellectuel ont déclaré dans un communiqué que « le chemin légal est obstrué » et que la paix avec l’EZLN (Ejército Zapatista de Liberación Nacional) s’éloigne puisque de manière « raciste » et « colonialiste » la Cour suprême a fermé toutes les portes qui restaient aux peuples indigènes pour conquérir leurs droits.
PÉROU
Mi août, les autorités suisses ont décidé de restituer au gouvernement péruvien 77,5 millions de dollars déposés dans des banques suisses sous le nom de Vladimir Montesinos et d’autres anciens hauts fonctionnaires péruviens accusés de corruption et d’autres délits graves. C’est la deuxième fois en quelques mois que le gouvernement rend à un pays latinoaméricain des fonds indûment perçus et déposés dans des banques de la confédération helvétique. En juin déjà, la justice avait mis à la disposition des tribunaux mexicains 114 millions de dollars déposés sur des comptes au nom de Raúl Salinas de Gortari - le frère de l’ancien président mexicain Carlos Salinas de Gortari (1988-1994), accusé de corruption et de trafic de drogue - et de son épouse. Une enquête est actuellement menée sur des comptes qui pourraient appartenir à l’ancien président argentin, Carlos Menem (1989-1999) et à quelques-uns de ses proches.
La Loi de promotion commerciale andine et d’éradication des drogues (ATPDEA), promulguée aux États-Unis le 6 août 2002 facilite les importations venant de Bolivie, de Colombie, de l’Équateur ou du Pérou à condition que reprennent les opérations d’éradication radicale de la culture des produits servant à la fabrication de drogues, comme la marijuana ou la coca. Pour beaucoup d’agriculteurs indigènes, la coca est leur unique source de revenus, depuis l’échec des cultures alternatives. On s’attend donc à un renouveau de tension si, comme le craignent les agriculteurs, le gouvernement entreprend de réactiver les actions contre la coca.
VENEZUELA
Une commission formée de représentants de l’Organisation des États américains (OEA), du programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) et de l’organisme que préside l’ancien président des États-Unis, Jimmy Carter, a passé la semaine du 9 au 15 septembre au Venezuela pour dialoguer avec des dirigeants du gouvernement, de l’opposition et des organisations de la société civile et aider à mettre en place un processus de dialogue et de négociation entre le gouvernement et l’opposition, ce qui ne semble pas chose facile. L’opposition veut que Chávez quitte immédiatement le pouvoir. Le président refuse de quitter son poste avant d’avoir fini son mandat, en 2006. Il accepte cependant de convoquer un référendum révocatoire en août prochain, comme la constitution approuvée en décembre 1999 le prévoit. Le directeur du journal Tal Cual, ancien ministre de la Planification, Teodoro Petkoff, observe que, jusqu’à maintenant, le gouvernement « a appelé au dialogue, mais s’est refusé à dialoguer avec ses adversaires les plus radicaux ». De son côté, l’opposition refusa d’assister à une réunion avec Chávez convoquée par Carter lors de sa visite en juillet. La tâche de la commission était donc loin d’être simple.
Les événements d’avril 2002, lors de la tentative de coup d’État qui avait renversé Chávez pour 48 heures ont fait 85 morts. Et la Commission de la Vérité que le parlement prévoyait alors de créer n’existe toujours pas. Les organisations de la société civil y sont favorables, y voyant une condition nécessaire à la reprise du dialogue, mais ni le gouvernement ni l’opposition ne s’est montré-e très pressé-e de la mettre en place, sans doute parce qu’ils partagent la responsabilité des morts survenues lors des troubles. Les organisations de défense des droits humains envisagent de réaliser une enquête indépendante et le Collège des avocats de Caracas a annoncé mercredi 11 septembre qu’il créerait lui-même une Commission de Vérité, appelant à un travail commun des défenseurs des victimes d’avril.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – L’actualité en bref.
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