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Récupération des forces nationales-populaires
BOLIVIE - 2018 : Le bloc social-révolutionnaire se renforce
Eduardo Paz Rada
mardi 8 janvier 2019, mis en ligne par
Vendredi 28 décembre 2018.
Les organisations, les mouvements, les consignes, destinés à approfondir le processus de transformations et le soutien à Evo Morales, en tant que leader et candidat à la présidence, sont à nouveau représentés dans la rue. En 2018, en Bolivie, les mouvements populaires dirigés par les syndicats de mineurs, les organisations paysannes et indiennes et les classes populaires urbaines, ont recouvré et consolidé leurs positions sociales, régionales et politiques et ouvert une nouvelle perspective au Mouvement vers le socialisme (MAS) pour consolider un gouvernement anti-impérialiste qui promeut l’indépendance économique et l’émancipation nationale.
La Centrale ouvrière bolivienne (COB) qui fédère les organisations syndicales de tout le pays, après son XVIIe Congrès national tenu à Santa Cruz, en février 2018, a ratifié sa position de soutien au gouvernement ; elle a entériné la volonté de donner une plus grande place au mouvement ouvrier et paysan dans la politique nationale et d’apporter un soutien fondamental au processus politique, au côté de la Coordination nationale pour le changement (CONALCAM).
Avec les antécédents du Pacte d’unité, la CONALCAM, composée de mouvements sociaux paysans, interculturels, d’indiens d’orient et d’occident, d’assemblées de voisins et de femmes paysannes, a été la base du soutien social et politique pour contrecarrer, grâce à de vastes mobilisations les avancées du néolibéralisme et des partis politiques, en particulier avec la rébellion populaire d’octobre 2003, qui a permis ensuite l’ascension électorale d’Evo Morales.
En 2018, le mouvement populaire a équilibré et inversé, dans certains cas, les processus d’ascension, d’influence et d’action politique des secteurs de l’opposition définis d’une part autour des partis conservateurs et néolibéraux, tels que Unité nationale (UN) de Samuel Doria Medina et le Mouvement démocrate social (MDS) de Ruben Costas, d’autre part sur la base des Plateformes citoyennes qui rassemblent divers groupes urbains aussi bien grâce à des relations directes que via les réseaux virtuels.
Ascension et initiatives de l’opposition
Le MAS, avec Evo Morales et Álvaro García, a connu des triomphes électoraux retentissants, en 2005 (54%), en 2009 (64%) et en 2014 (61%) et a remporté le referendum révocatoire en 2008 avec 67% de soutien. Néanmoins, à partir des élections des gouverneurs et des maires en 2015, il a connu un recul électoral dans plusieurs départements et municipalités du pays qui ont accordé une place importante aux partis d’opposition. Ultérieurement ont circulé des dénonciations de corruption et de mauvaise gestion au sein du gouvernement, via de nombreuses campagnes virulentes des grands medias de communication privés, de réseaux internet, de fondations et d’ONG en lien avec des organismes similaires des États-Unis et d’Europe.
Le referendum de février 2016, exigé par divers parlementaires et secteurs sociaux pro-gouvernementaux afin obtenir des autorités la possibilité de se présenter aux élections, parmi eux le Président et le Vice-président, a donné un résultat négatif de 51,3% et positif de 48,7%, dans un contexte de campagne médiatique et virtuelle, sur une affirmation mensongère de Carlos Valverde, un contact direct de l’Ambassade des États-Unis, qui prétendait que Evo Morales avait un enfant caché et que la mère était liée au trafic d’influences et à la corruption.
Ce mensonge, qui a circulé sur tous les medias, a suscité un scandale public national et international, a influencé de nombreux votes. Plus tard Valverde lui-même a reconnu son mensonge et la chaîne de télévision CNN, qui l’avait amplement diffusé, a dû revenir sur ses affirmations.
Cet évènement a contribué amplement à la consolidation et à l’avancée des Plateformes citoyennes qui, comme d’autres associations professionnelles, celle des médecins entre autres, coordonnées par les partis de l’opposition, à des analystes – parmi eux Carlos Mesa ex vice-président du néolibéral Gonzalo Sanchez de Lozada – et à des moyens de communication et des réseaux qui ont atteint, en 2016 et 2017, de hauts degrés de coordination et de mobilisation et qui ont ébranlé la stabilité du gouvernement.
Récupération du projet national-populaire
Quand, à partir de novembre 2017, le Tribunal constitutionnel plurinational (TCP) a établi le droit pour tout citoyen, y compris les gouvernants actuels, d’élire et d’être élu, de fortes controverses, conflits, affrontements, se sont produits entre les secteurs pro-gouvernementaux et les opposants ; le combat a été acharné, avec corrélation des forces et a atteint tous les secteurs : les rues, les chemins, les rassemblements sur les places, les medias, les discours publics, les régions et les débats dans les medias et sur les réseaux virtuels.
Cette situation a suscité la réorganisation et le renforcement continus des forces nationales et populaires qui ont démontré leur puissance et supériorité dans l’organisation de la mobilisation, dépassant les opposants dans toutes les villes de Bolivie, en particulier à La Paz, Cochabamba, Santa Cruz, El Alto, et les régions minières ; néanmoins dans les medias et sur internet les discours de l’opposition ont connu davantage de succès.
Evo Morales a organisé des réunions régulières avec les représentants syndicaux, les paysans et classes populaires de CONALCAM pour coordonner les actions de défense et de soutien au processus nationaliste et anti-impérialiste.
Le Tribunal électoral, finalement, a habilité les binômes pour les élections d’octobre 2019, et donc entériné ainsi l’habilitation de Morales ; entre temps les Plateformes citoyennes sont restées dispersées, appuyant différents candidats de l’opposition ou restant en marge de la bataille électorale, bien que les Comités civiques, liés aux oligarchies locales, continuent leur combat.
Le débat sur la stabilité économique
Bien que la tension politique et sociale ait caractérisé cette année, pour ce qui est de la situation économique la stabilité et la croissance ont été optimales, tant pour ce qui concerne la croissance du PIB de 4,7%, que des avancées importantes du processus d’industrialisation des hydrocarbures, des minerais, tel que le lithium, et des travaux d’infrastructure : adduction d’eau, constructions de routes, d’écoles, d’hôpitaux, fourniture d’énergie et développement des activités d’agriculture et d’élevage.
De toutes manières des actions sont en cours pour obtenir un meilleur contrôle étatique de l’économie minière et pétrolière, celle qui bénéficie majoritairement aux transnationales, pour taxer les énormes profits des banques ; pour freiner les avancées des latifundistes qui ont le monopole des terres productives et de l’exploitation et de l’exportation du soja. Ces actions permettront de consolider l’économie sociale, productive, communautaire de caractère mixte, pour soutenir le marché intérieur et les réussites du capitalisme d’État.
Finalement, le triomphe de l’ultraconservateur et néolibéral Jair Bolsonaro, lors des élections brésiliennes, a eu un fort impact, influant sur le recul des processus d’unité et d’intégration de l’Amérique latine et faisant pression, avec Macri en Argentine, pour affaiblir les processus anti-impérialistes du Venezuela, du Nicaragua, de Cuba et de la Bolivie. L’espoir latino-américain demeure avec la formidable ascension d’Andrés Lopez Obrador, et son Mouvement de rénovation nationale (MORENA) au Mexique.
Eduardo Paz Rada est un sociologue bolivien, enseignant à la UMSA (Universidad mayor de San Andrés). Il écrit pour des publications sur la Bolivie et l’Amérique latine.
Traduction française de Françoise Couëdel.
Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/197318