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Analyse

L’Amérique latine verra-t-elle la fin de ses inégalités ancestrales ?

Manuel Díaz Aponte

mercredi 19 février 2020, mis en ligne par Françoise Couëdel

Mardi 4 février 2020.

Au cours des deux premiers mois de l’année 2020 divers évènements indiquent une aggravation de la situation politique en Amérique latine et des déplacements migratoires vers les États-Unis.

Des phénomènes atmosphériques et telluriques ont touché Porto Rico ; ses habitants espèrent toujours l’aide fédérale annoncée par le gouvernement de Trump.

En Amérique centrale, particulièrement en Honduras et au Guatemala, se forment encore des caravanes de clandestins qui rêvent de traverser la frontière pour tenter de pénétrer sur le territoire étatsunien. Certains les appellent les « caravanes de la mort » car elles se soldent souvent par des fins tragiques.

Désormais le Mexique a renforcé la sécurité frontalière à l’encontre de ses voisins d’Amérique centrale en renvoyant des milliers de Guatémaltèques, Salvadoriens et Honduriens vers leurs pays respectifs.

L’été, l’automne et l’hiver de l’année 2019, ces trois saisons ont connu, en Amérique latine, des variations de température et de terribles évènements : des incendies dévastateurs, des séismes, des inondations, et des crises politiques et manifestations sociales qui exigent que soit mis fin à la corruption et aux inégalités sociales.

Les citoyens sont de plus en plus conscients du poids négatif qu’exerce la corruption des administrations de l’État sur la bourse des classes appauvries.

En dépit de cela les organismes financiers internationaux se montrent timides pour « faire pression » sur les gouvernements qui dilapident les ressources publiques, pénalisant ainsi les investissements dans des œuvres sociales.

Des millions de dollars provenant de crédits financiers tombent dans les poches de fonctionnaires sans scrupules qui depuis le pouvoir ne cherchent qu’à s’enrichir en augmentant la pauvreté et la misère de leurs concitoyens.

Face à cette perspective d’incertitude la seule « issue » pour les Latino-Américains pauvres est de tenter de pénétrer aux États-Unis.

Davantage de contrôles et plus de sanctions

La mesure fait consensus : la seule manière de faire cesser le gouffre de la corruption en Amérique latine est d’imposer des mécanismes de contrôle sévères et des sanctions drastiques sur les gouvernants qui accaparent l’argent des contribuables.

Selon la CEPAL (Commission économique pour l’Amérique latine et la Caraïbe), en 2017, le taux général de pauvreté dans la région a été de 30% et la pauvreté extrême s’est accrue de 10,2%. La Bolivie, le Brésil et l’Équateur sont en tête de la liste des pays dont l’extrême pauvreté augmente.

On estime que 42% des employés en Amérique latine touchent un revenu inférieur au salaire minimum dans leurs pays respectifs.

Entre 2014 et 2019 l’économie latino-américaine a présenté de sérieuses difficultés, que traduisent la chute du Produit intérieur brut, le recul de l’inversion, la chute du PIB par habitant, l’augmentation du taux de chômage et la dégradation de la qualité de vie.

Pour cette année 2020 la croissance économique de l’Amérique latine pourrait se situer à peine autour de 1,3%.

Le réveil des populations latino-américaines dans des pays tels que le Chili, Porto Rico, la Colombie, l’Équateur, le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, le Nicaragua, Haïti et la République dominicaine est le signe de ce que les citoyens ne supportent plus les injustices et le détournement des biens publiques.

Les Équatoriens ont fait irruption dans les rues de la capitale, Quito, et de Guayaquil, exigeant du gouvernement de Lenín Moreno des réformes sociales urgentes, l’accusant de ne pas appliquer les recommandations imposées par le Fonds monétaire international (FMI).

En octobre, le niveau des revendications s’est aggravé avec les exigences de réduction du coût de la vie, de l’adoption de nouvelles politiques pour lutter contre les féminicides, en faveur de l’égalité de genre et contre la hausse des carburants.

Il y a eu 23 morts, plus de deux mille blessés et des centaines d’arrestations parmi les manifestants, ce qui a déclenché des destructions d’installations publiques et privées, selon les chiffres du ministère public du Chili.

Les Chiliens ont surpris le monde par la virulence de leurs manifestations qui exigeaient la démission du président Sebastián Piñera et un changement des politiques sociales.

Après un mois de saccages, d’affrontements de la jeunesse avec las carabiniers, de paralysies et de suspensions des principales activités publiques, les autorités ont répondu en introduisant de nouvelles compensations telles que des augmentations de salaires, des facilités pour les corporations, des réductions des tarifs des transports et des prix des combustibles.

Actuellement le congrès chilien élabore un projet de modification constitutionnelle présenté par le Pouvoir Exécutif pour introduire, entre autres choses, des réformes sociales en faveur des plus pauvres.

L’île enchantée

Les concerts de casseroles et les mouvements de protestation de milliers de Portoricains qui ont envahi les rues de la capitale, San Juan, ont obligé le gouverneur Ricardo Rosselló à renoncer à sa charge le 25 juillet, démission prenant effet le 2 août. Le détonateur a été la corruption généralisée du gouvernement qu’il a présidé.

Porto Rico a subi une série de tremblements de terre et des pluies torrentielles qui ont engendré des inondations et des destructions dans diverses communautés, occasionnant des milliers de morts et de blessés ainsi que des pertes matérielles de millions de dollars.

L’ouragan « María », enregistré en septembre 2017, a pratiquement dévasté l’île et, à ce jour, ses principales infrastructures n’ont pas encore été réparées, comme c’est le cas du réseau d’électricité. On estime que trois mille personnes sont mortes des suites de cette catastrophe naturelle.

Le 7 janvier de cette année, un tremblement de terre d’une magnitude de 5,9 a causé des dommages sévères sur les logements et les édifices dans la zone sud de Porto Rico ; le gouvernement de Donald Trump a offert une aide fédérale mais nombreuses sont les plaintes quant à la lenteur et au volume de cette aide. Des milliers de familles déplacées et affectées sont toujours installées sous des tentes et dans des abris dans les communautés portoricaines.

D’autres nations sud-américaines comme le Venezuela, la Colombie, la Bolivie, l’Argentine et le Brésil ont aussi rejoint les manifestations sociales massives pour exiger d’en finir avec la corruption, l’augmentation du coût de la vie et la dégradation des principaux services publics.

Le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, un scientifique de l’Université de Columbia, New York, faisant allusion aux manifestations en Amérique latine a déclaré : « Il est surprenant que la malaise ait tant tardé à se manifester ».

Incendies de forêts

La région de l’Amazonie a subi de sévères dommages après plusieurs incendies qui ont dévasté des millions d’hectares de forêt et ont tué des milliers d’animaux sauvages, sur le territoire du Brésil, de la Bolivie et de la Colombie.

On estime qu’un million huit cent mille hectares de forêt, y compris de forêt endémique, ont brûlé dans les savanes boliviennes.

Le Brésil a perdu 89 millions d’hectares de forêt au cours des 30 dernières années, selon les chiffres du système MapBiomas, initiative de l’Observatoire du climat, qui effectue des relevés dans ce pays d’Amérique du Sud. Au cours du seul mois d’août 2019, un incendie a ravagé 2,5 millions d’hectares.

Dans la plupart des cas ils sont provoqués par les prédateurs de la nature qui accumulent des richesses au prix de la destruction de l’environnement.


Traduction française de Françoise Couëdel

Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/204569.

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