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DIAL 3691 - Justice et vérité
MEXIQUE - La mémoire des disparus : un souvenir inconfortable pour López Obrador
Arturo Contreras Camero
jeudi 29 février 2024, mis en ligne par
Le mandat d’Andrés Manuel López Obrador (2018-2024) se termine et les Mexicains sont appelés aux urnes dimanche 2 juin pour élire la personne qui lui succédera. Malgré les promesses de l’actuel président, il y a eu peu d’avancées pour retrouver les migrants disparus lors de leur traversée du Mexique. Texte et photos d’Arturo Contreras Camero publié sur le site Pie de página le 19 janvier 2024.
Des proches de migrants disparus ont installé un mémorial devant le Palais national à México. Le portrait d’Óscar Antonio López Enamorado occupe une place devant la porte Mariana. C’est un rappel de la promesse faite par le président de retrouver les disparus, promesse qui pourrait rester en suspens avec la disparition de la Commission nationale d’enquête.
L’histoire d’Ana Enamorado est connue du président López Obrador. Ana est arrivée à México il y a 12 ans, à la recherche de son fils migrant dont elle avait eu des nouvelles pour la dernière fois à Jalisco. « Il y aura un terme à tout cela, tu verras que tout se résoudra », lui avait dit le président avant d’entamer son mandat, au cours des forums de pacification, la photo d’Oscar dans les mains.
Cinq ans plus tard, Ana Enamorado demeure toujours sans nouvelles d’Oscar. Aujourd’hui, 14 ans après sa disparition, elle est contrainte de déposer la photo de son fils devant le Palais national comme gage de sa requête auprès de López Obrador.
Ce faisant, Ana Enamorado a lu une lettre au président :
« Monsieur le président, je suis une mère hondurienne que vous connaissez déjà. Ce 19 janvier marque les 14 ans de la disparition de mon fils unique. Je vous demande dix minutes de votre temps pour me recevoir. Ne partez pas sans vous être d’abord occupé des familles qui affrontons cette dure épreuve. Nous avons besoin de votre aide, vous savez comment vous y prendre et comment retrouver mon fils ».
Migrant et disparu : le piège de l’oubli
Oscar représente l’une des plus de 114 000 personnes disparues recensées dans le Registre des personnes disparues ou non-localisées. Il représente également un groupe systématiquement oublié et négligé, celui des personnes qui sont contraintes de quitter leur pays à la recherche de meilleures conditions de vie.
Ana craint que la recherche de son fils ne tourne court après la vague de licenciements qui ont été effectués au sein de la Commission nationale de recherche depuis quelques semaines. Elle n’est pas seule à s’inquiéter, Jorge Verástegui, qui est à la recherche de ses frère et neveu disparus, craint la même chose.
« Ils ont commencé à démanteler la Commission, de telle sorte qu’au terme de ce mandat de six ans nous voyons qu’elle est en ruines et cela va aboutir à ce que nous ne puissions toujours pas retrouver nos proches. Par amour pour eux, nous continuerons d’insister », a-t-il déclaré à ce propos.
« La tâche s’est révélée trop lourde pour eux et nous, les familles, allons devoir attendre l’arrivée d’un nouveau gouvernement qui nous dira la même chose, qu’il est attentif à notre cause, mais qui l’oubliera une fois entré en fonction ».
La peur n’est pas le fruit du hasard
Au début du mandat, l’accueil était différent, raconte Verástegui. Le président les a reçus au Palais national à plusieurs occasions ; il leur avait promis la tenue de réunions trimestrielles et avait reconnu la dette envers ces familles comme l’un des héritages les plus douloureux des gouvernements précédents. Cinq ans après, la porte est close et les membres de la Commission de recherche ne disposent pas des données nécessaires pour mener à bien la localisation des personnes disparues.
« Nous avons déjà participé à plusieurs opérations de recherche », a déclaré Sandino Rivero, l’avocat qui a accompagné Ana Enamorado dans sa recherche. « La dernière opération devait avoir lieu en octobre, dans les îles Tres Marías mais elle a été suspendue car c’était la saison des ouragans. Elle devait reprendre en janvier, mais la commissaire Guadalupe Reyes n’a pas répondu aux demandes de réunion pour reprendre les recherches ».
Durant la cérémonie devant le Palais national, les proches de personnes disparues ont déploré les modifications apportées au recensement des disparus, rendues publiques par le gouvernement fédéral le 14 décembre. Selon les nouveaux chiffres, le gouvernement aurait retrouvé plus de 16 000 personnes disparues, et écarte 62 000 autres dossiers de recherche (presque la moitié), car il ne dispose pas de suffisamment de données pour poursuivre les recherches.
« Je me suis chargé de la recherche de mon frère et de mon neveu », raconte Jorge Verástegui au sujet de son expérience avec le registre.
« La disparition de mon frère a été confirmée, mais pour mon neveu, ils ignorent qui a signalé la disparition et disent ne pas avoir de contact avec la personne qui l’a signalée, quand bien même nous avons effectué des recherches de terrain avec la Commission ».
Le mémorial a été installé vers 11 heures du matin, et les commémorations ont eu lieu tout au long de la journée, et même après la tombée de la nuit, afin de s’assurer que personne ne détruise le mémorial. « Si vous retirez le mémorial, vous faites à nouveau disparaître mon fils. Vous avez intérêt à en prendre soin et à le protéger, à défaut d’avoir protégé mon fils pour je puisse à nouveau le serrer dans mes bras », a déclaré Ana Enamorado.
Jorge Verástegui renchérit : « Depuis 2022, ils ont retiré et effacé les photos de nos proches. Nous demandons que cet acte mémoriel soit respecté ; que ne se reproduise pas ce qui s’est produit au Rond-Point des disparus (anciennement Rond-Point du palmier), lorsque des individus cagoulés sont venus au petit matin pour emporter les photos. Le gouvernement n’a pas été capable jusqu’à aujourd’hui de rendre compte de ce qui s’est passé. Nous demandons du respect. Nous sommes disposés à les retirer une fois que l’on nous aura indiqué où se trouvent nos proches, car ce n’est pas de gaieté de cœur que nous organisons des manifestations, occupons des lieux ou affichons des photos ».
Ici derrière se trouve le portrait de Samir. Et aujourd’hui, Oscar Antonio López Enamorado vient se joindre à lui.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3691.
– Traduction d’Ellie Douska pour Dial.
– Source (espagnol) : Pie de página, 19 janvier 2024.
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