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DIAL 2743
VENEZUELA - Une nouvelle révolution en Amérique latine
Ernesto Cardenal
mercredi 1er septembre 2004, mis en ligne par
Poète, prêtre et ancien ministre de la culture dans le gouvernement sandiniste du Nicaragua, Ernesto Cardenal nous livre son témoignage sur le Venezuela actuel. Texte paru dans El Nuevo Diario, Managua, et repris par RISAL
Dans la ville de Valencia, au Venezuela, on m’a raconté qu’un jour Neruda était venu lire des poèmes et qu’il n’y avait que 30 personnes pour l’écouter. Mon séjour se terminait dans cette ville où se tenait un Festival mondial de poésie (avec des poètes des cinq continents) et la salle était tellement remplie que la moitié du public resta dehors, si bien que la séance dut être renouvelée pour tous ceux qui n’avaient pu prendre place.
A Caracas, pour ce même Festival, la salle du Théâtre Teresa Carreño ne contenant que 2 500 places, il a été nécessaire d’installer un écran géant pour tous les gens qui se tenaient dans la rue. Plusieurs poètes me dirent que cet engouement pour la poésie n’était pas habituel au Venezuela, et qu’il s’agissait du produit de la révolution. J’étais surpris qu’au Venezuela tout le monde parlait de « processus » et d’autres, plus précis, de la « révolution ». En réalité, il s’agit d’une révolution en processus.
Ce qui est méconnu à l’étranger, où l’on ne présente du Venezuela que le mécontentement de l’opposition.
A l’extérieur, on ne sait pas qu’au Venezuela la campagne d’alphabétisation bat son plein et que d’ici deux mois l’analphabétisme sera à zéro. L’enseignement se fait aussi en langues indigènes qui sont au nombre de 38, et on publie dans ces langues. La langue officielle n’est plus seulement l’espagnol, mais aussi les langues indigènes. Il y a trois Indiens à l’Assemblée et jusqu’il y a peu une Indienne était ministre (de l’environnement).
Le ministre de l’éducation, de la culture et des sports est un Noir, et le vice-ministre de la culture, auquel ce Festival mondial de poésie doit beaucoup, m’a dit qu’ils avaient publié, pour être distribués gratuitement dans tout le pays, 25 millions de livres traitant de divers sujets. Il m’a dit aussi qu’ils étaient en train de mettre en place une chaîne de librairies pour tout le pays ainsi qu’un réseau de distribution et une maison d’édition d’Etat pour publier des livres politiques dont la population est très avide, d’autant qu’on ne trouve pratiquement que des livres de droite (comme illustration de ce qu’est la droite : le grand quotidien El Nacional, le jour de l’ouverture de notre Festival de poésie, n’en dit pas un mot).
L’éducation se massifie
L’éducation a inclu des millions de personnes qui en étaient exclues. Les plans éducatifs commencent avec les enfants d’un an. Les écoles bolivariennes, où tout est gratuit, sont pour les enfants qui auparavant ne pouvaient pas payer les droits d’inscription. Ce sont des écoles d’éducation intégrale, avec déjeuner et goûters, et avec culture et sports en plus de l’éducation de base ; et elles ne sont plus comme avant des écoles séparées de la communauté, mais sont en même temps un centre où se réalisent des tâches communales.
L’Université bolivarienne, également gratuite, est pour tous ceux qui ne peuvent pas payer les études supérieures. Il y a aussi un important contingent d’étudiants à Cuba, très bien choisis, avec l’interdiction d’appartenir à un parti politique, et qui se forment pour réaliser plus tard des tâches gouvernementales. On sait aussi au Venezuela que le président Chávez a renoncé à son salaire, lequel est destiné à payer des bourses à des étudiants.
Dans la ville de Mérida, un jeune poète m’a dit que les rassemblements politiques étaient aussi éducatifs, et que lui-même, un intellectuel, a appris grâce à elles car il s’agit d’authentiques actes culturels, avec de la poésie, des chants et de la danse.
Internet est gratuit jusque dans les campagnes
La révolution est dans tous les domaines, et dans les quartiers, petits villages et hameaux se créent des centres communautaires avec accès internet gratuit pour la population, avec des bibliothèques et des lieux pour la danse et le théâtre. Des stades et des complexes sportifs se construisent ainsi que des milliers de maisons pour la population et de grands ensembles d’appartements à loyer modéré.
On délivre des titres pour la terre, avec du matériel, des crédits et des aides techniques. La mission Barrio Adentro (« A l’intérieur des quartiers ») procure des services médicaux à des populations qui en étaient dépourvus ainsi qu’aux tribus indigènes. La plus grande partie de ces médecins sont cubains, car peu de médecins vénézuéliens vont dans ces secteurs. En outre, chaque semaine un avion va à Cuba pour amener et ramener des malades.
Il y a 40 000 soldats qui sont en campagne au service de la santé du peuple. D’autres font des routes, construisent des logements, organisent des coopératives, ou aident les Indiens pour leurs cultures. Les pauvres vont avec leurs poules dans les hélicoptères et les avions de l’armée, et la marine s’occupe des besoins des coopératives de pêche. Le plus important est la confraternité entre civils et militaires, unis dans une seule révolution.
L’implication des militaires dans la révolution est très forte, et peu de jours avant mon arrivée, trois généraux avaient pris congé pour être candidat à un poste de gouverneur, parce qu’ils préfèrent le service des masses à la carrière des armes.
Ce n’est pas une révolution improvisée
Ce n’est pas une révolution que viendrait d’improviser le président Chávez. Il explique dans un entretien de 15 heures avec Marta Harnecker, et qui fait un livre, qu’il a vu, avec quelques amis, cette révolution mûrir dès son entrée dans l’armée, alors que sa première vocation était de devenir joueur de base-ball. Il est originaire d’un petit village du Venezuela et il était un enfant pauvre qui vendait des bonbons dans les rues. Il raconte que dès son admission à l’Académie militaire, à l’âge de 17 ans, il s’est mis à lire tout ce qui lui tombait sous la main.
Durant ses études de sciences politiques il s’est enthousiasmé pour Mao, un enthousiasme qu’il conserve aujourd’hui, et a gravé dans sa mémoire ce que disait Mao, à savoir que « le peuple est à l’armée ce que l’eau est au poisson ». Depuis, sa conviction est que l’armée et le peuple doivent être unis. Il a admiré l’expérience pana-méenne de Torrijos et celle de la révolution péruvienne de Velazco Alvarado. Il dit ne pas être marxiste, mais pas non plus antimarxiste.
Il pense que la solution pour le Venezuela est autre. Sans aucun doute il est anticapitaliste et profondément anti-impérialiste. Il insiste sur le caractère démocratique et pacifique de la révolution. Mais elle n’est pas désarmée, parce qu’en plus de l’appui de la population, qui est de 80%, il a celui des forces armées qui, s’il n’est pas total, est quasi-total, assure t-il.
Sa grande arme : la Constitution
En plus de ces deux armes, le peuple et l’armée, il a une arme supplémentaire, un peu surprenante, qui est la Constitution bolivarienne. Ce n’est pas une Constitution comme celles de nos pays, dans la mesure où elle contient toutes les transformations pour une grande révolution, et comme elle a été approuvée par référendum par tout un peuple, elle ne peut être modifiée que par référendum.
Avec cette Constitution, dit-il, se fait la transformation juridico-politique ; l’économique se fera plus progressivement. Il s’agit d’un processus sui generis, dit Marta Harnecker, qui rompt avec les schémas préconçus des processus révolutionnaires.
La Constitution bolivarienne, unique pour ne pas avoir été approuvée par un Congrès mais par des millions de personnes, consigne les droits de travailleurs, des enfants, l’interdiction de privatiser le pétrole, l’obligation pour l’Etat d’en finir avec la grande propriété foncière, d’appuyer les pêcheurs artisanaux et d’élire les syndicats par la base, les droits des peuples indigènes, le droit à une information véridique.
La Constitution a été éditée en de nombreux formats, dont le plus petit, quasi miniature, a été distribué gratuitement à tous, et tout le monde la porte dans sa poche, et on peut dire qu’il n’y a pratiquement pas un Vénézuélien qui ne l’ai lue. C’est le programme de la révolution. Il y a des experts populaires de la Constitution, dans les rues et dans les parcs ; et même la droite se réfère tout le temps à la Constitution.
Quand il y eut le coup d’Etat contre Chávez, avec un gouvernement qui dura seulement 37 heures, la première chose qu’ils firent fut d’abolir la Constitution. Et quand le peuple sortit dans les rues dans tout le Venezuela, encercla les casernes et libéra Chávez de sa prison, il portait à la main ce petit livre.
On pourrait penser qu’avec Chávez le Venezuela est divisé en deux parties égales, mais ce n’est pas vrai. La division est de 80% d’un côté (les pauvres) et de 20% de l’autre (les privilégiés), même si dans un certain nombre de cas, comme dans le secteur des communications, ces 20% pèsent plus que les 80%.
Les deux grands partis traditionnels, celui de la démocratie chrétienne et celui de la social-démocratie, sont des cadavres. Les petits secondaires comptent encore moins et sont de plus fragmentés. Chávez a créé son propre parti, celui de la Cinquième République, qui d’après ce qu’on m’a dit est très hétérogène, composé d’ex-militants d’autres partis, y compris du parti communiste, et de beaucoup d’autres qui n’avaient jamais milité dans un parti.
Le terme « bolivarien » que Chávez utilise tant, n’est pas un vain mot, mais l’essence de sa révolution. Beaucoup se réfèrent aux « 500 ans » : ce qu’il faut changer est la situation qui dure depuis 500 ans. Ou encore, poursuivre ce qu’a commencé Bolivar.
Cela comprend l’unification de l’Amérique latine en une seule fédération. Il déclare aussi que la bataille en cours définira les prochaines 200 années. Fidel lui a dit à Cuba que ce que lui appelait bolivarien, eux ici l’appelait socialisme, mais qu’il ne voyait pas d’objection si cela s’appelait bolivarien, et n’aurait pas non plus d’objection si on l’appelait chrétien.
Les médias contre Chávez
Chávez a contre lui tous les moyens de communication privés nationaux, et aussi internationaux. L’opposition a de plus recours au terrorisme. Ses manifestations politiques sont du vandalisme. A Valencia on m’a raconté qu’ils avaient dépouillé de leurs valises, de leur argent et de tout ce qu’ils avaient dans la rue des étudiants qui rentraient de Cuba. Et un psychiatre m’a confié qu’il doit soigner beaucoup de personnes agressées par les campagnes de terreur de la droite.
Les périodiques se vendent moins à cause de leurs attaques contre Chávez et du coup ont moins de publicité. Ils le reconnaissent d’ailleurs eux-mêmes. On voit dans les rues, à la fin de la journée, plein de paquets d’El Nacional et d’El Universal qui ne sont pas ouverts et qui sont à retourner. La question que se pose le peuple est de savoir qui paie les pertes de ces journaux. Et qui paie les chaînes de télévision qui occupent leur temps précieux ni à des informations ni à la publicité, mais à des attaques politiques.
Ces médias passent leur temps à caricaturer Chávez, avec un racisme qui est quelque chose de nouveau au Venezuela. Ils se moquent de son physique et de la couleur de sa peau. Comme certains de ses partisans l’appellent « Mon Commandant », la droite l’a surnommé le « Singe Commandant » parce qu’il est métis ou mulâtre ou peut-être bien les deux à la fois et à cause de la couleur de sa peau plutôt cuivrée. La campagne de la droite est ouvertement anti-peuple et on m’a cité le cas d’un animateur de télévision qui décrit les pauvres comme des noirs violents, édentés et sentant mauvais.
Les médias en outre appellent à l’insurrection. L’irrespect est sans limites, tel ce président d’un parti qui hurle à Chávez à la télévision : « Le con de ta mère ». « Dans quel pays a t-on fait un tel chef d’Etat ? » « Je ne crois pas connaître un autre pays où il y a tant de libertinage dans les communications », écrit Marta Harnecker. Malgré cela, aucun périodique ni aucune télévision ou radio n’ont été fermés. Et il n’y a pas non plus de prisonniers politiques.
A Mérida nous logions dans un hôtel où loge également Chávez quand il séjourne dans cette ville et il paraît que beaucoup de gens, surtout des étudiants, veillent toute la nuit, espérant le voir un moment et converser avec lui, car quand il est là, il sort généralement de bon matin, les salue et discute avec eux.
Chávez populiste ?
Chávez est traité de populiste, mais je ne crois pas que cela soit exact. Il est authentiquement révolutionnaire, bien qu’il soit également populacier. Son amour du peuple est évident ainsi que sa prédilection pour les pauvres. Ils le tutoient, surtout les plus humbles. Il parcourt sans cesse le pays, depuis des années, depuis qu’il s’est lancé dans la politique. Il est allé pêcher avec des Indiens qui pêchent à la main et avec une grande pierre, et il leur a donné des instruments de pêche.
Il cite tout le temps Bolivar, qu’il connaît par cœur. Bien qu’il parle des heures durant, le peuple reste toujours attentif, et l’interrompt au moment qui convient, par des applaudissements, des cris, des exclamations ou des huées, selon ce qu’il dit. Il ressemble à Fidel, car tous deux parlent longtemps (captivant leur auditoire) mais Fidel est assez sérieux alors que lui est assez blagueur. A la différence de Fidel, il parle beaucoup de Dieu et du Christ dans ses discours. Il cite beaucoup l’Evangile, et parfois ses citations sont erronées, mettant dans la bouche du Christ des propos qu’il n’a jamais tenus, mais dans le même esprit que ce qu’il a dit.
Je ne dois pas nier que j’ai rencontré au Venezuela des intellectuels honnêtes, dont certains sont mes amis, qui s’opposent viscéralement à Chávez. Mais pour moi, sa révolution bolivarienne est comme celle que Bolivar voulait au Venezuela, d’où l’oligarchie l’expulsa. Pour moi, il se vit une authentique révolution, et ce n’est pas seulement un leader charismatique, mais ce sont des millions de Vénézuéliens qu’il y a derrière. C’est une révolution distincte de toutes les autres, comme sont distinctes toutes les révolutions.
Peut-être le plus populaire de Chávez est son programme de télévision « Allô Président » tous les dimanches, au cours duquel il reçoit des appels téléphoniques de tout le Venezuela et converse avec son peuple pendant 5, 6 ou 7 heures. Durant ces heures, le pays est pratiquement paralysé.
Une écrivaine m’a raconté que son papa ne décollait pas de la télévision du début à la fin du programme. Une autre m’a raconté que son fils est avec un cahier et un crayon prenant des notes comme dans une classe et l’appelle sa « classe ». Chaque semaine ce programme se réalise dans une localité différente. Je me suis rendu sur l’invitation de Chávez à son « Allô Président » qui dura 6 heures dans une ville assez proche de Caracas. Il y avait de grands chapiteaux avec des milliers de personnes, principalement des gens simples du coin, surtout des jeunes garçons et filles, mêlés aux ministres et hauts fonctionnaires. Lui était en chemise, devant une table où il y avait une mappemonde et des crayons. Il notait ce qu’on lui disait au téléphone et donnait de longues réponses très détaillées en faisant de fréquentes plaisanteries et le public aussi intervenait et plaisantait avec lui.
Je me suis rendu compte que l’homme est cultivé, qu’il cite nombre d’auteurs et de livres, et que fréquemment il se réfère à la Constitution en levant le livre que lui aussi a en permanence sur lui. Je pense que c’est un cas unique au monde, que celui d’un chef d’Etat en discussion franche avec son peuple, les présents et les absents, dans un programme en direct et durant des tant d’heures consécutives.
Une poétesse australienne assistait à mes côtés à ce programme, et pendant qu’il faisait une description du paysage qui nous entourait et des collines dans lesquelles une fois Bolivar avait dressé son camp, elle lui cria : « Tu es un poète. »
C’est un torrent verbal, plein de digressions et de digressions de digressions, mais il retrouve toujours le fil de ce qu’il avait commencé à dire. Et bien qu’il parle sans arrêt, il sait aussi écouter et se laisse interrompre. Au cours de ce « Allô Président », une femme du peuple qui l’appelait depuis un endroit très reculé du pays lui coupa la parole : « Mais mon petit coeur, tu ne me laisses pas parler, attend que je t’explique... »
Il répondait à ces appels le stylo à la main. Son maniement des chiffres est comme celui de Fidel. Il démontre une grande connaissance de l’histoire du Venezuela. De la géographie aussi au cours de ses comparutions publiques où il fait campagne pour développer la lecture et où il recommande des livres et récite... Cette fois, par égard pour moi, il lut un de mes poèmes.
Pour ce qui est de ses défauts, on peut relever qu’il est impulsif, qu’il agit parfois brusquement, peut-être de manière arbitraire ; il est trop exigeant avec ses collaborateurs, ce qui rend le travail avec lui difficile, ce qu’il reconnaît d’ailleurs. Mais il admet facilement ses erreurs et ses défauts. A cette occasion nous l’avons entendu reconnaître sa faute pour des décisions erronées.
La hiérarchie catholique est, comme partout, hostile à la révolution. Et comme au Nicaragua, elle est corrompue. Le président de la Conférence épiscopale est un des pires. Le cardinal, décédé depuis, alla voir Chávez là où les putschistes l’avait emprisonné, et fit pression sur lui pour qu’il démissionne.
Le pétrole
A Caracas, il y a un très grand et très bel édifice blanc, qui était le siège social de Petroleos de Venezuela. La richesse pétrolière y était administrée de manière autonome sans que l’Etat puisse intervenir, et était volée. Seulement aujourd’hui, grâce à la nouvelle Constitution, le gouvernement peut obtenir le contrôle de l’entreprise.
Chávez a viré des milliers de corrompus, mis dehors tous ceux qui étaient dans cet édifice blanc, et converti l’immeuble en siège de l’Université bolivarienne, l’université des pauvres. Aujourd’hui des milliers d’étudiants pauvres y étudient dans des bureaux lumineux avec de doux tapis, des toilettes de luxe et des fauteuils de cuir (Chávez au préalable avait pensé leur laisser le palais de Miraflores, estimant que lui pouvait s’installer dans n’importe quel endroit).
Avant, la révolution vénézuélienne avait eu à affronter un arrêt pétrolier qui paralysa le pays pendant deux mois. Ils endommagèrent les puits, les raffineries et les canalisations, ils fermèrent les pompes, sabotèrent les navires, et dans beaucoup d’endroits du pays on cuisinait au bois. Pendant le même temps les supermarchés et d’autres grands magasins fermèrent, la production et la distribution alimentaires ne fonctionnaient plus.
Le gouvernement dut importer le pétrole aux prix internationaux et d’énormes quantités d’aliments : de la viande du Brésil, du lait de Colombie, du riz et du maïs de République dominicaine. Mais aussi le gouvernement installa dans tout le pays des supermarchés populaires, où le peuple pouvait acheter à prix plus bas, et qui continuent à fonctionner depuis. Les jours de Noël se passèrent avec toutes ces carences, mais le peuple ne se rendit pas. Une Espagnole qui a connu ces jours et qui est revenue, m’a raconté que le peuple a tenu avec toutes sortes d’inventions et avec bonne humeur. Les queues étaient énormes pour se procurer toutes choses, mais dans ces queues il n’y avait ni amertume ni agressivité à l’égard de Chávez.
Ce même dimanche au cours duquel j’assistai à « Allô Président », nous fûmes, tous les poètes du festival, invités à dîner avec Chávez au palais de Miraflores. Chávez venait à peine de revenir du programme de 6 heures, qu’il tint avec nous un colloque de plus de deux heures avant le dîner. Il nous dit que le salon dans lequel nous étions était celui où s’étaient réunis tous les putschistes et où le président de la chambre des entrepreneurs s’était auto-proclamé tout seul l’unique pouvoir, abolissant le Congrès national, le tribunal de justice et le tribunal électoral, pendant que tous criaient vive la démocratie.
Des Irlandais étaient en train de réaliser un film à Miraflores au moment du coup. Chávez nous offrit des copies de ce travail. Ce fut le coup militaire le plus bref du monde, car le peuple encercla Miraflores, et dans tout le pays le peuple occupa les rues, les paysans les routes, les étudiants les universités, les travailleurs les usines, et les indigènes sortirent de la forêt. Quand Chávez fut libéré de l’île où ils le détenaient, le chef des putschistes était déjà arrêté.
« La jolie révolution », comme l’appelle Chávez
Lors du dîner, je me trouvais assis à côté du président. Pendant que nous dînions, quelqu’un vint l’informer d’une tentative de privatisation des eaux du Venezuela (lacs, lagunes, rivières, l’Orénoque inclus) et il me dit que cela allait contre la Constitution et qu’il l’empêcherait, et que cette même nuit il appellerait le président de l’Assemblée, alors qu’il était déjà minuit. Après qu’il se fut retiré, et que nous étions aussi sur le point de partir, un employé du palais me dit : « Il ne va pas se coucher. Il se couche très tard. » Je lui demandai à quelle heure il se levait. Il me répondit : « Très tôt. »
Chávez avant de partir me demanda la bénédiction. Je m’excusai, comme parfois je le fais, lui disant qu’il était déjà béni. Mais il insista, et je vis combien il y tenait, que pour lui c’était important. Je lui donnai une bénédiction à lui et à son peuple, qu’il reçut avec émotion.
A mon retour au Nicaragua, rien qu’à voir les titres de la presse, je pris vraiment conscience de l’abîme qui sépare nos deux pays.
Traduction Gérald Jugant/RISAL
– Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2743.
– Traduction Dial.
– Source (espagnol) : El Nuevo Diario, Managua.
– Source (francais) : RISAL
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