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DIAL 2350

MEXIQUE - Remous après La décision du Vatican d’écarter Mgr Raúl Vera communiqué du Centre des droits humains « Fray Bartolomé de Las Casas » et des collaborateurs de Mgr Samuel Ruiz

communiqué du Centre des droits humains « Fray Bartolomé de Las Casas », et communiqué des collaborateurs de Mgr Samuel Ruiz

mardi 1er février 2000, mis en ligne par Dial

Suite à la décision du Vatican d’écarter Mgr Raúl Vera de la succession au siège épiscopal de San Cristóbal de Las Casas alors qu’il était depuis quatre années évêque coadjuteur de Mgr Samuel Ruiz (cf DIAL D 2344 et 2345), les réactions sont à la fois plus fermes et plus inquiètes. Nous publions ci-dessous le dernier communiqué reçu du Centre des droits humains « Fray Bartolomé de Las Casas » ainsi que le communiqué de deux proches collaborateurs de Mgr Samuel Ruiz au sujet d’une interview qu’ils ont accordée à un journal mexicain. Nous y joignons une réponse du nonce apostolique dans laquelle il précise que, suite à cette interview, il renonce à participer aux cérémonies des 40 ans d’épiscopat de Samuel Ruiz, qui ont bien eu lieu le dimanche 24 janvier en présence de plusieurs milliers d’indigènes. Il n’est pas sans intérêt de préciser que l’évêque Tomas Balduino, président de la Commission pastorale de la terre du Brésil, s’est vu refuser le visa d’entrer au Mexique, ce qui renforce bien évidemment les soupçons d’une collusion, au moins de fait, entre la décision vaticane et le gouvernement fédéral.


Communiqué de presse du Centre des droits humains « Fray Bartolomé de Las Casas » 24 janvier 2000

Le déplacement de Mgr Raúl Vera ouvre la possibilité d’une escalade dans la guerre du Chiapas

À l’opinion publique

La coordination nationale des 50 organisations civiles, membres du Réseau national des organismes civils de droits humains, réunies à San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, pour célébrer les 40 années de lutte de Mgr Samuel Ruiz en faveur des droits des peuples indigènes est en total désaccord sur le déplacement de Mgr Raúl Vera, évêque coadjuteur avec droit de succession au diocèse de San Cristóbal de Las Casas, en raison de ce que cela signifie pour le processus de paix et la situation systématique de violation des droits humains dans cette région du pays.

L’important travail pastoral de l’évêque Ruiz a permis de créer un climat favorable à la paix, qui autrement se traduirait aujourd’hui par une situation de violence généralisée. Par ailleurs, l’accompagnement des nombreux agents de pastorale, dirigé par Don Samuel, a fait barrage à l’agression dont ce peuple a souffert dans sa vie, son intégrité et sa dignité et dont Mgr Raúl Vera garantissait la poursuite. La décision prise par le Vatican avec l’assentiment des évêques membres de la Conférence épiscopale mexicaine, non seulement pourrait aller à l’encontre des enseignements du Magistère de l’Église avalisés à Medellin, Puebla et Saint-Domingue, de maintenir l’option préférentielle pour les plus pauvres et les indigènes, mais elle pourrait signifier en plus une nouvelle escalade dans la guerre du Chiapas

L’engagement, assumé par les institutions qui se sont réunies autour de ce Réseau national, en faveur de la vie et de la dignité de toutes les personnes grâce à l’établissement d’une culture du respect des droits humains, nous oblige à dénoncer, sans sectarisme, toutes les situations et tous les acteurs qui mettent en danger la paix, la stabilité et la coexistence sociale, au détriment des valeurs fondamentales de la normalité démocratique : les droits humains universels.

Ce Réseau national des organismes civils de droits humains attend de la hiérarchie de l’Église catholique qu’elle assume sa responsabilité et qu’elle évite de faire de cette institution historique la complice des intérêts les plus pervers dont l’objectif est de liquider tous les obstacles à une issue sanglante du conflit armé au Chiapas et de favoriser l’enterrement des engagements pris par le gouvernement fédéral concrétisés dans les Accords de San Andrés.

La seule issue possible favorable à la paix et à la vie dans le diocèse de San Cristóbal de Las Casas serait de retarder l’acceptation de la démission de Mgr Ruiz ou de nommer un évêque qui soit en accord avec le chemin prophétique suivi par cette Église depuis 40 ans.


Communiqué de deux proches collaborateurs de Mgr Samuel Ruiz

Diocèse de San Cristóbal de Las Casas. Bulletin du 24 janvier 2000

À propos des commentaires écrits aujourd’hui dans le journal Reforma sur la décision de transférer Mgr Raúl Vera López au diocèse de Saltillo, basés sur les déclarations des Vicaires Felipe Toussaint Loera et Gonzalo Ituarte Verduzco, nous présentons l’explication suivante pour éclairer le sens de la phrase citée :

La décision de transférer Mgr Vera n’est pas en soi un attentat contre la paix mais peut être mise à profit par ceux qui sont contre une solution politique et pacifique pour le conflit du Chiapas.

De fait, dans le document que le nonce apostolique Mgr Justo Mullor a communiqué, l’engagement permanent de l’Église dans le processus de paix et avec les indigènes en particulier est très clairement explicité.

Dans les déclarations faites, nous voudrions souligner l’appréciation que ce même document fait de Don Raúl Vera qui, après quatre années au Chiapas, connaît la réalité et était compétent pour continuer le travail de Don Samuel.

Nous avons confiance que l’évêque qui viendra assumera aussi cet effort, mais il lui faudra du temps pour se familiariser avec la situation si complexe dans laquelle nous vivons.

Nous réaffirmons notre communion et notre obéissance au Pontife romain et nous invitons tous les catholiques à construire la communauté et l’unité ecclésiale.

Felipe Toussaint Loera

Vicaire général

Gonzalo Ituarte

Vicaire de Justice et paix


Communiqué de presse de la nonciature apostolique du Mexique

Mexico, le 24 janvier 2000

À l’occasion du transfert de Mgr Raúl Vera López de San Cristóbal de las Casas, où il était coadjuteur, au diocèse de Saltillo, la Nonciature apostolique avec de nombreux évêques, prêtres et fidèles de tous les pays, se réjouit des manifestations d’obéissance et de fidélité au Saint-Siège exprimées par Mgr Samuel Ruiz García et ses plus proches collaborateurs.

Dans un contraste évident avec cette attitude ecclésiale correcte, sont apparues dans la presse d’aujourd’hui 24 janvier, des déclarations attribuées directement aux Pères Toussaint et Ituarte, respectivement Vicaire général et Vicaire de Justice et paix, qui offensent gravement le Saint-Siège.

Entre autres choses, il est affirmé : « Comme le Vatican est un État, le Secrétaire d’État a une logique de Secrétaire d’État et non pas de pasteur, sa vision des Églises est plus axée sur la relations avec les États et il entend gérer les Églises ainsi. Si une Église dérange un État, le Secrétaire doit essayer de la contrôler pour que ne se brouillent pas les relations avec cet État. C’est tout à fait normal, mais hélas c’est une vision débile de ce qu’est l’Église. » « La décision de muter l’évêque Raúl Vera peut même être perçue comme une victoire pour les militaires. »

La gravité de telles affirmations gratuites et manquant de tout sens ecclésial n’a pas été suffisamment reconnue et encore moins démentie dans la brève déclaration que ces collaborateurs de Mgr Samuel Ruiz ont faite aujourd’hui lorsqu’ils ont eu connaissance de la réaction négative, tout à fait normale, du nonce apostolique et de nombreux autres prélats, membres de la Conférence épiscopale mexicaine (CEM).

L’ordination de plus d’une centaine de diacres dans les circonstances actuelles, et la façon dont elle a été présentée à l’opinion publique, suscite aussi de graves interrogations [1].

L’effort fait par l’archevêque Justo Mullor, nonce apostolique, pour aider, avec le Saint-Siège et avec la CEM, à ce que le diocèse de San Cristóbal de Las Casas manifeste au pays, à l’Amérique et au monde, sa pleine communion avec l’Église universelle et avec les autres Églises locales, en particulier celle du continent, est connu de tous.

Son dialogue avec les évêques Samuel Ruiz et Raúl Vera, ainsi qu’avec ses collaborateurs immédiats, a été la preuve que l’Église n’a pas une « politique d’État » : le représentant de Jean Paul II au Mexique a toujours voulu se manifester en pasteur et en frère, offrant un apport constructif pour les valeurs ecclésiales cultivées dans le diocèse, comme l’amour pour les indigènes et l’intérêt pour leurs problèmes. Même lorsqu’il se crut obligé d’exprimer son désaccord avec certaines initiatives ou certains points idéologiques, particulièrement en référence au Synode diocésain, à peine achevé, il l’a toujours fait dans un climat vivant de fraternité et de vie ecclésiale.

Dans de telles circonstances, bien qu’il le regrette beaucoup, le nonce apostolique se voit dans l’obligation de s’abstenir de prendre part demain aux célébrations du quarantième anniversaire de l’ordination épiscopale de Mgr Samuel Ruiz. Ce geste - dont on comprend la gravité - veut être seulement une manifestation de fraternité. Celle-ci ne doit pas être vue uniquement dans le cadre d’un dialogue constant et constructif, mais aussi et surtout dans le cadre d’une communion ecclésiale sincère, qui sans exclure d’éventuels désaccords nuancés, exclut, à coup sûr, une vision du pouvoir central de l’Église catholique comme celle qui est exprimée par le premier collaborateur de l’ordinaire [2] diocésain actuel.


 Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 2350.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : communiqué du Centre des droits humains « Fray Bartolomé de Las Casas », et communiqué des collaborateurs de Mgr Samuel Ruiz, janvier 2000.
 
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[1Le 18 janvier à Huixtán, Chiapas, Samuel Ruiz et Raúl Vera ont ordonné, dans le plus strict respect des normes canoniques, 103 diacres indigènes et 53 couples de pré-diacres. Le diocèse de San Cristóbal serait celui qui possède le plus grand nombre de diacres indiens dans le monde (NdT).

[2Ce mot désigne ici l’évêque titulaire (NdT).

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