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DIAL 2876

ARGENTINE - Le jardin urbain. Du dépannage au développement durable

Marcela Valente

lundi 1er mai 2006, par Dial

Une initiative de jardins communautaires qui avait été mise en route en Argentine pour pallier aux conséquences de l’effondrement de 2001 s’est transformée aujourd’hui en un plan d’agriculture urbaine planifiée par l’Etat. Dans ce plan, les chômeurs obtiennent beaucoup plus que des aliments pour la subsistance de leur famille. Article de Marcela Valente, paru dans IPS, février 2006.


Quelque 7 000 personnes qui étaient sans emploi au début de ce programme se sont mises à nettoyer le terrain, cultiver, s’occuper des points de vente dans les marchés urbains. Beaucoup parmi elles participent aussi aujourd’hui à des projets de développement agro-industriel afin d’alimenter le marché en aliments obtenus sans l’usage de produits chimiques.

Il s’agit du Programme d’agriculture urbaine du secrétariat à la promotion sociale du gouvernement municipal de Rosario, ville située sur la rive du fleuve Paraná, dans la province orientale de Santa Fé. Là, on compte plus de 600 jardins communautaires établis sur des terrains en jachère appartenant aussi bien à l’Etat qu’à des particuliers. De plus, une chaîne commerciale est en train de se constituer et les industries annexes se développent.

Avec ses 1,3 million d’habitants, Rosario est la troisième ville d’Argentine pour la population. Historiquement, de par sa situation portuaire, elle fut une zone de grand développement industriel. Mais depuis la fin des années 80, avec l’essor des politiques néolibérales, beaucoup d’usines fermèrent leurs portes, provoquant la pauvreté qui, en 2001, atteignit 61% de la population. Depuis ces dernières années, cette ville présente une autre caractéristique qui la différencie des autres métropoles du pays. Il s’agit de la première et jusqu’à présent unique municipalité gouvernée, depuis 1989, par le Parti socialiste d’Argentine.

« Quand est survenue la crise, j’avais 7 filles et mon mari était sans travail. Je ne pouvais pas rester les bras croisés », raconta à IPS Mirta Palese, en rappelant la grave situation socio-économique d’Argentine qui provoqua, en décembre 2001, la chute du gouvernement de Fernando de la Rúa, à la moitié de son mandat de 4 ans.

C’est alors que Palese jeta les yeux sur un terrain abandonné, situé devant sa maison, dans le quartier ouest de Rosario, et qui se transformait lentement en dépotoir. Le propriétaire comprit qu’il était préférable de l’utiliser comme jardin et il le lui céda temporairement. Une fois trouvée la parcelle, la femme se présenta à la Mairie pour demander des semences et des outils. Maintenant, avec une voisine, elles cultivent des tomates, de la salade, des côtes de bettes, des haricots, des épinards, des radis et des piments, sur 10 mètres par 30.

Les femmes vendent aussi leur production dans les marchés de quartier qui ont lieu 6 fois par semaine, dans 5 points distincts de la ville, depuis le milieu de l’année 2002. La mairie finance le transport, les tentes, les planches et les tréteaux pour exposer sur les marchés, les paniers pour les marchandises, ainsi que les gants et les uniformes qu’elles utilisent pour servir les clients avec une totale hygiène.

Mais, elles font encore plus. Avec deux autres voisines, « les jardinières » travaillent le matin pour préparer des plateaux avec les légumes nettoyés et coupés. « Il n’y a plus qu’à les assaisonner » se vante Palese. Ces portions de crudités, recouvertes d’un film protecteur, « nous les vendons dans les bureaux pour le déjeuner », raconte-t-elle.

A cette étape du programme, la commune fournit les locaux pour emballer les légumes, le matériel, les congélateurs et les séchoirs. Elle leur fournit également, à travers l’Institut des aliments de la ville, une formation afin de garantir ces produits comme sûrs et de qualité.

Avec les jardins, on estime que quelque 40 000 personnes en situation de pauvreté ont des aliments assurés pour leur propre consommation et obtiennent un revenu mensuel qui, dans bien des cas, triple les subsides accordés par l’Etat national aux chômeurs. Ceci promet un développement encore meilleur dans le futur.

Le jardin de ces deux femmes est l’un de ceux qui intègrent le programme d’agriculture urbaine coordonné par Raoul Terrile, un ingénieur agronome, conseiller technique du secrétariat de la commune et membre du Centre (non gouvernemental) d’études de productions agro-écologiques (CEPAR). Dialoguant avec IPS, Terrile a rappelé qu’au plus fort de la crise, il y eut plus de 800 jardins. Mais, à mesure que l’économie a commencé à reprendre, « le projet qui fut une solution d’urgence, tend à se convertir en une stratégie de développement ». Et les femmes y participent majoritairement, à environ 65%.

« Le plan n’est pas conçu pour la subsistance, mais il vise plutôt à développer une source de revenus pour la famille » a remarqué le spécialiste. Pour cela, l’appui à travers des apports de matériaux et la formation doit être permanent, a-t-il indiqué.

Durant les derniers mois, la commune a fourni également des clôtures et des systèmes d’arrosage. Un soutien de taille fut l’arrêté pris pour régulariser la propriété des terrains. Pour la cession des terrains privés, le gouvernement municipal exempta les propriétaires de payer des impôts durant 2 ans, ce qui correspond au laps de temps de la cession d’un terrain. Si le particulier a des dettes remontant à plusieurs années, on conviendra avec lui de renouveler le contrat pour une période plus longue. Dans le cas de parcelles publiques qui sont les plus grandes, l’accord est établi pour 10 ans. Sur ces terrains, qui atteignent 5 hectares chacun, travaillent jusqu’à 70 personnes. « La majorité des grands jardins produisent exclusivement pour la vente » fait remarquer Terrile.

La formation théorique est mensuelle et, en plus, il existe une assistance technique sur le terrain. « La continuité du programme et la permanence des bénéficiaires démontre que le projet est utile » signale le technicien. Et sa viabilité comme projet de développement durable fut reconnue par l’Organisation des Nations unies.

En 2004, le programme des Nations unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) a reconnu ce plan comme l’une des meilleures pratiques afin d’améliorer les conditions de vie des plus pauvres et, en même temps, améliorer le développement durable. Fort de cette motivation, le gouvernement de Rosario augmenta l’appui au programme et commença à travailler avec le secrétariat de planification communal afin de répertorier les espaces disponibles dans la ville et en dessiner de nouveaux qui puissent être adoptés à cette forme d’agriculture urbaine.

Ainsi est apparue une nouvelle typologie pour l’espace public qui est celle des parcs-jardins. « Ce sont des jardins, au dessin paysagiste, qui s’installent sur les voies latérales des avenues et autres espaces visibles de la cité. Ces jardins, outre qu’ils sont productifs, s’offrent agréablement à la vue » nous a expliqué Terrile.

Le programme fait partie d’un réseau de villes qui travaillent l’agriculture urbaine. Avec l’appui de l’Institut de promotion pour le développement durable du Pérou et le Centre d’investigation en agriculture urbaine et forestière de Hollande, on cherche à mettre en valeur cette expérience de développement en vue de son application à d’autres cités.

Ville de Rosario : http : // www.rosario.gov.ar


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2876.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : IPS, février 2006.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source française (Dial) et l’adresse internet de l’article.

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