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DIAL 3392
AMÉRIQUE LATINE - Message de l’Évêque Pierre Jubinville, CSSp, lors de la célébration de clôture de la Xe Rencontre continentale des Communautés ecclésiales de base (Luque, Paraguay, 17 septembre 2016)
jeudi 24 novembre 2016, mis en ligne par
Après le texte esquissant une réflexion sur le futur des Communautés ecclésiales de base (CEB) publié dans le numéro d’octobre 2016, la Xe Rencontre continentale des CEB, qui a eu lieu du 13 au 17 septembre 2016 à Luque (Paraguay) sur le thème « Les CEB en marche, proclamant le Royaume », nous donne l’occasion de proposer une parole complémentaire. Pierre Jubinville est évêque de San Pedro Apóstol au Paraguay et évêque responsable des Communautés ecclésiales de base.
On me demande de délivrer un message d’allure pastorale lors de la clôture de cette Xe Rencontre continentale des CEB. En vérité, je ne me sens pas très pasteur mais plutôt frère. Ou plutôt le pasteur devrait probablement toujours se sentir ainsi, frère, humble, au milieu de sa communauté. Ou encore, il me revient de vivre ce que le Pape François disait en parabole : marcher au milieu des brebis, ou même derrière elles, parce qu’elles ont le sens du chemin vers la destination et qu’il faut savoir écouter. Ou bien je ne devrais jamais dire que lorsque je me sens davantage frère, je ne suis pas pasteur. Ou Dieu lui-même me sert, je crois, de pasteur par l’intermédiaire de vous tous. Et j’en suis infiniment reconnaissant. Mesi anpil [créole haïtien]. Obrigado [portugais]. Aguyjevete [guarani].
Je souhaite partager trois choses avec vous :
1.- Les CEB ne sont pas le passé, elles sont l’avenir. Cela semble un joli slogan mais je le crois vraiment. Nous possédons une immense richesse : les communautés elles-mêmes, les personnes, le vivre ensemble, le tissu humain que nous fabriquons et que nous sommes, par la grâce de Dieu. L’option pour les communautés est le chemin d’une grande rénovation de l’Église et une contribution sociale unique. La communauté forme, la communauté soutient, la communauté ouvre à l’entourage… Comment allons-nous vivre une « économie solidaire » sans communauté ? Comment allons-nous transmettre les valeurs de nos peuples sans elle ? Comment pouvons-nous faire de la catéchèse ou célébrer la foi sans elle ? Comment allons-nous prendre soin de la Maison commune sans être une communauté ? Des communautés mûres, avec les dons et les ministères libérés, voilà notre avenir. Et j’ose dire ce « notre » pour toute l’Église. C’est un avenir plus durable et prometteur que les grandes assemblées qui alimentent une foi consommatrice et passive.
2.- Nous avons parlé un peu de la sacramentalité de la communauté. Nous avons des engagements de transformation sociale. Nous sommes « inquiets » ou « inquiètes », occupé·e·s et préoccupé.e.s par de multiples tâches. Mais la communauté, c’est la vie de ce qui a été créé, reçu en grâce, partagé, la Parole écoutée et célébrée. C’est le sacrement du partage, de la réconciliation avec la terre et entre nous tous et toutes. Ici tout est important : rendre visite, préparer un repas, jouer avec les enfants, demander pardon, appeler et communiquer, laver la vaisselle, dire la vérité, pratiquer l’hospitalité, contempler le lever du jour, respirer à fond, danser, donner un baiser…Valorisons ce don très grand. Prenons soin de nos communautés. Allumons le feu communautaire là où il nous revient de partager notre témoignage.
3.-Nous sommes sacrement de Jésus-Christ. Le principe le plus classique de la liturgie à travers les siècles est celui-ci : en elle, nous nous approchons du mystère de Dieu. La liturgie fait mémoire de Jésus et cela ravive la grâce chez ceux qui l’invoquent. Les CEB portent la mémoire de Jésus en partageant la Parole et en maintenant vivant le souvenir de nombreux saints et martyrs. Elles s’obstinent à manifester cette mémoire dans les réalités d’aujourd’hui, à l’exposer aux défis sociaux, politiques, culturels… d’aujourd’hui. Les CEB ont conscience du caractère chargé, fort, déstabilisateur… de cette mémoire qui implique des processus de conversion. Un théologien allemand des années 70 parlait de la « mémoire subversive » de Jésus. Vivre ensemble en CEB, c’est s’exposer à cette « mémoire subversive » qui travaille constamment en nous. Elle nous ouvre aux autres, nous questionne, nous guérit, nous fait découvrir notre véritable et profonde identité, nous apprend à écouter, nous envoie non pas tellement comme des professeur.e.s fort.e.s d’un message bien appris mais pour nous exposer davantage au mystère de Dieu, rencontrer son visage là où Jésus nous a annoncé qu’il se révélerait : chez les plus pauvres et les exclus. Le thème de notre Rencontre est très important. Ne perdons pas la mémoire.
Notre semaine ici à Luque a été une grande liturgie. Nous rendons grâces parce que nous avons été exposé.e.s à la mémoire de Jésus dans la mémoire de ces 50 années de cheminement. Maintenant nous revenons avec l’engagement de vivre radicalement ce don. Merci à toutes et à tous d’avoir été ministres de l’allégresse et de la miséricorde. Bénédictions.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3392.
– Traduction de Sylvette Liens pour Dial.
– Source (espagnol) : Amerindia en la red.
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la traductrice, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.