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DIAL 3389
BRÉSIL - Le président de l’Union démocratique ruraliste est condamné à 15 ans de prison pour le meurtre d’un sans-terre
Franciel Petry Schramm et Riquieli Capitani
jeudi 24 novembre 2016, mis en ligne par
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Dans un contexte où l’impunité prévaut trop souvent, la nouvelle condamnation de Marcos Menezes Prochet, président de l’Union démocratique ruraliste (UDR), pour le meurtre d’un paysan sans terre, après que la première condamnation avait été annulée (2014), est une victoire pour toutes celles et ceux qui se sont mobilisés pour que justice soit rendue. Article de Brasil de Fato, publié le 1er novembre 2016.
Plus de dix-huit ans ont passé entre la mort du travailleur rural sans terre Sebastião Camargo et la condamnation du président de l’Union démocratique ruraliste (UDR), Marcos Menezes Prochet. Au terme de presque 15 heures de session judiciaire, lundi 31 octobre à Curitiba, la capitale de l’État de Paraná, Prochet a été condamné à 15 ans et 9 mois de prison. Il a été incarcéré, mais peut encore faire appel.
Que soit reconnu le rôle de grands propriétaires terriens dans les décès survenus au cours de conflits agraires n’est pas chose habituelle sur la scène brésilienne. Selon les données de la Commission pastorale de la terre, seuls 6% des cas impliquant de grands propriétaires font l’objet d’enquêtes judiciaires. C’est la seconde fois que Prochet est jugé – et condamné – pour le crime. Le premier jugement a eu lieu en 2013 et a été annulé en 2014. Marcos Prochet est la quatrième personne à être condamnée pour l’assassinat de l’agriculteur sans terre.
Pour Darci Frigo, membre du Conseil national des droits humains (CNDH) et coordinateur de l’organisation Terre de droits, la décision des juges est un évènement historique. « C’est l’un des rares cas de condamnation de grands propriétaires terriens » souligne-t-il. Il ajoute qu’il a fallu parcourir un long chemin pour parvenir à ce résultat. « Le jugement a été plusieurs fois différé, il y a eu des recommandations internationales, le soutien d’instances comme le CNDH, un important travail d’avocats populaires et l’espoir de la famille du défunt pour que justice soit rendue et que le crime ne reste pas impuni comme dans la majorité des cas dans le pays ».
Les détails du cas
Sebastião Camargo est mort à 65 ans, lors d’une expulsion illégale réalisée par une milice privée liée à l’UDR, dans l’hacienda Boa Sorte, sur la commune de Marilena, au nord-est de l’État de Paraná. Selon les témoins, une trentaine de pistoleros encapuchonnés participa ce jour-là, le 7 février 1998, à l’expulsion, durant laquelle, outre la mort de Sebastião, 17 personnes furent blessées, dont des enfants.
À cette époque l’hacienda était déjà en cours de désappropriation dans le cadre de la politique de réforme agraire conduite par l’Institut national de colonisation et de réforme agraire (INCRA). Ce dernier l’avait déjà inspectée, considérée improductive, et avait indemnisé les propriétaires. Le propriétaire de l’hacienda Boa Sorte, Teissin Tina, avait reçu près de 1 300 000 réaux (401 000 dollars) pour la propriété, où est aujourd’hui situé l’Établissement [1] Sebastião Camargo.
Outre Prochet, trois autres personnes ont été condamnées pour leur participation au crime : Teissin Tina lui-même, condamné à 6 ans de prison pour homicide simple, Osnir Sanches, condamné à 13 ans de prison pour homicide qualifié et création d’une entreprise de sécurité privée utilisée pour des expulsions illégales, et Augusto Barbosa da Costa, membre de la milice privée, condamné également mais qui a fait appel.
Le crime s’inscrit dans le scénario de grande violence vécu dans le monde rural alors que Jaime Lerner était gouverneur de l’État de Paraná. Entre 1995 et 2003, 16 travailleurs sans terre ont été assassinés dans l’État. L’intervention de milices armées – organisées à partir d’entreprises privées de sécurité embauchées par l’UDR – apparaît comme une constante dans les enquêtes sur les expulsions violentes et les assassinats survenus à cause de conflits agraires. La majorité des assassinats survenus pendant cette période sont liés à des groupes illégaux.
Les enquêtes réalisées par la police montrent que les milices pratiquaient la contrebande internationale d’armes, avaient des ramifications dans la Police militaire et agissaient de façon à empêcher les enquêtes sur les crimes commis, avec l’appui de législateurs brésiliens.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3389.
– Traduction de Maurice Audibert pour Dial.
– Source (espagnol) : Brasil de Fato, 1er novembre 2016.
En cas de reproduction, mentionner au moins les auteurs, le traducteur, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] Le campement – acampamento en portugais du Brésil – est l’occupation militante de terres non exploitées pour en revendiquer l’utilisation et faire pression pour obtenir des titres de propriété. Les personnes qui s’installent sur une terre de manière légale, une fois obtenus des titres de propriété, forment ce qu’on appelle un établissement – assentamiento en portugais – note DIAL.