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BOLIVIE - Élections : un moment crucial

Eduardo Paz Rada

lundi 28 septembre 2020, mis en ligne par Françoise Couëdel

24 septembre 2020.

L’importance des élections du 18 octobre 2020 en Bolivie est fondamentale car elles permettront de renouer avec le processus démocratique interrompu par le coup d’État de novembre 2019 et seront le résultat de la lutte du peuple bolivien de ces derniers mois pour éviter que ne se consolide un schéma de gouvernement néolibéral, conservateur, basé sur la violence, le racisme à l’égard des peuples indiens, la discrimination et la dépendance aux États-Unis.

Elles sont aussi un espoir pour affronter les crises diverses dont souffre le pays : la pandémie du coronavirus qui a été très mal gérée par le gouvernement de facto ; la corruption qui a atteint des niveaux élevés dans les entreprises d’hydrocarbures, de l’électricité, des télécommunications et au sein des ministères de la santé et des travaux publics ; la situation économique qui a souffert d’un recul de plus de 10% du produit intérieur brut et l’augmentation massive de la pauvreté, enfin, la vie politique qui doit sortir de l’illégalité et de son absence de légitimité actuelles.

Par conséquent dans ces élections se joue l’avenir du pays, les perspectives entre la probabilité de récupérer une démocratie de libération nationale ou celle d’approfondir la crise sociale et économique dans laquelle est plongée la majorité des citoyens, due au modèle néolibéral oligarchique et pro-impérialiste.

Scénario pour les trois semaines à venir

Les mobilisations, les grèves et les blocages de routes par les mouvements populaires en août dernier, dirigés par la Centrale syndicale ouvrière de Bolivie (COB), qui fédère les organisations paysannes, les associations interculturelles, les Indiens, les femmes, les jeunes et les assemblés de quartier, qui constituent le Pacte d’unité (PU) ont obligé le Tribunal électoral, l’Assemblée législative et le gouvernement de facto à fixer le 18 octobre comme date inamovible des élections.

Les candidatures inscrites pour ces élections se répartissent selon deux options : d’un côté sept candidatures qui correspondent aux forces de la droite conservatrice avec des nuances qui vont de l’extrémisme religieux évangélique, l’autoritarisme violent et raciste jusqu’à une droite modérée néolibérale et aristocratique, toutes alignées sur la géopolitique de Washington ; l’autre option, un mouvement qui tente de reprendre le processus nationaliste indien, paysan et populaire qui a permis à la Bolivie d’obtenir des avancées substantielles en matière d’inclusion sociale, de redistribution de la richesse et de récupération des ressources naturelles stratégiques en même temps que la souveraineté et la dignité nationales.

Le premier groupe le plus important, selon les sondages, est représenté par Carlos Mesa de la Communauté citoyenne (CC), Jeanine Añez (actuelle présidente de facto) de Juntos, Fernando Camacho de Creemos, et Chi Hyung Chung de Front pour la victoire (FPV). Il y a quelques jours Añez a retiré sa candidature et sa coalition Juntos.

En face se présente le Mouvement pour le socialisme (MAS) d’Evo Morales, dont les candidats sont Luis Arce et David Choquehuanca.

Programme électoral

Luis Arce, le brillant ministre de l’économie d’Evo Morales, au cours des trois années de son mandat a fait en sorte que l’économie bolivienne atteigne des niveaux record de développement et de croissance économique avec une moyenne de 5% en pleine crise économique internationale. Il a obtenu ces résultats grâce à la nationalisation du pétrole et du gaz, la récupération des entreprises stratégiques qui avaient été privatisées par le néolibéralisme, grâce également à l’industrialisation, à des investissements dans des routes, des centres éducatifs, dans la santé, le sport et l’intégration nationale et à la redistribution de la richesse.

Il envisage de sortir de la crise actuelle en préconisant la présence active de l’État dans l’économie, l’investissement interne dans les secteurs qui créent des postes de travail, la suspension temporaire de la dette extérieure et le développement d’un secteur industriel du gaz, du fer et du lithium, ce dernier étant une ressource stratégique d’une haute importance au niveau international.

Il est soutenu par David Choquehuanca qui a été ministre des affaires étrangères d’Evo Morales et s’est distingué par son action en faveur des relations entre les peuples, des droits des peuples indiens et de la Terre mère aux Nations unies (ONU) et de l’intégration progressiste de l’Amérique latine et de la Caraïbe.

Arce est un économiste de la gauche socialiste engagé en faveur des mouvements populaires et défenseur de la souveraineté du pays face aux politiques d’intervention impérialiste et qui soutient les alliances stratégiques avec les organisations des syndicats de la COB (Centrale ouvrière bolivienne), les mouvements indiens et paysans, les femmes de milieu populaire rural ou urbain, et les populations jeunes et vivant dans les périphéries des villes.

De son côté Carlos Mesa, s’est positionné comme défenseur du néolibéralisme, affirmant qu’il n’y aura pas de nationalisations et que plusieurs entreprises publiques passeront au secteur privé. Mesa a été vice-président de l’ultra néolibéral Gonzalo Sánchez de Lozada. De son côté Fernando Camacho, membre des élites de l’oligarchie orientale défend le fédéralisme et les positions religieuses les plus conservatrices du pays.

Préférences préélectorales

Le MAS revendique, d’une part, les importantes transformations culturelles, sociales, économiques et politiques obtenues en Bolivie au cours des 14 années écoulées, la récupération de la souveraineté et de la dignité nationales, la démocratie participative et délibérative qui a permis une présence importante en politique des femmes, des Indiens et des travailleurs tant de la campagne que de la ville, la consolidation du marché intérieur et de l’état national, et les avancées en matière d’égalité, la réduction de la pauvreté dans le pays de 65% à 35% et l’extrême pauvreté de 38% à 15%.

Il veut affronter d’autre part les crises actuelles par une stabilité économique et financière, par une participation démocratique plus importante des régions et des secteurs sociaux, développer l’industrialisation des ressources naturelles, favoriser la redistribution de la richesse, reprendre le processus de libération nationale et défendre la souveraineté politique, financière, culturelle de la Bolivie.

Les derniers sondages donnent une préférence électorale au MAS de 40%, suivie par le CC avec 26%, CREEMOS avec 14% et JUNTOS avec 10% et FPV avec 4%, ce qui signifie que le MAS pourrait gagner les élections au premier tour du scrutin.

Transparence électorale

Les possibilités d’une fraude électorale ou d’une plus grande intervention du gouvernement des États-Unis, avec la réédition d’un coup d’État, représentent une menace. Si une fraude électorale a lieu, le pays entrera dans une spirale de violence compte tenu de l’organisation, de la force et de la résistance des mouvements populaires des travailleurs, des paysans, et des milieux populaires urbains qui soutiennent le MAS. La répression pourrait être très violente bien que certains secteurs chez les militaires ont fortement critiqué l’actuel gouvernement de facto.

Pour éviter la fraude, sont essentiels la surveillance sociale et politique interne dans tous les lieux et bureaux de vote et de l’ensemble du traitement informatique du Tribunal électoral, autant que la présence et l’audit de la communauté internationale aussi bien des pays que des mouvements populaires alternatifs.

La présence de délégués et de représentants de l’ONU, de l’Union européenne (UE ) a été garantie et il est à espérer que d’autres organisations internationales seront présentes et attentives à accompagner le processus électoral bolivien du 18 octobre.


Eduardo Paz Rada est un sociologue bolivien, enseignant à l’UMSA (Universidad Mayor de San Andrés). Chercheur dans le domaine politique et sur l’intégration latino-américaine, il écrit dans différentes publications de Bolivie et d’Amérique latine.

Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/209043.

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