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Opinion

PÉROU - Attaque insurrectionnelle

Ángel Guerra Cabrera

jeudi 30 septembre 2021, par Françoise Couëdel

12 août 2021 - Pour les impérialistes et les groupes ultra-racistes des pouvoirs économiques locaux et internationaux il est inadmissible qu’accède à la présidence le premier cholo [1], maître d’école et paysan andin, dans l’histoire du pays.

L’acharnement de la droite péruvienne contre le gouvernement du président Pedro Castillo a commencé bien avant que celui-ci n’ait été proclamé président après de nombreux atermoiements — à partir du moment où son élection a été considérée inévitable au second tour – et il redouble chaque jour de virulence, prenant une tournure franchement insurrectionnelle.

Il va, entre autres manœuvres, de petites mais fréquentes manifestations des fujimoristes exigeant le renoncement du président, aux exigences de députés de substituer le premier ministre Guido Bellido et le chancelier Héctor Béjar. Ce dernier a énoncé clairement les bases d’une politique extérieure indépendante et souveraine, qui prône la non-intervention, la promotion de l’unité et de l’intégration régionale grâce à l’Unasur et la Celac, et l’éloignement du Groupe de Lima moribond : « Nous condamnons les blocus, les embargos et les sanctions unilatérales qui ne font qu’affecter les peuples » a-t-il déclaré.

Pour l’impérialisme et les groupes de pouvoirs économiques locaux et internationaux d’un racisme extrême, il est inadmissible d’accepter qu’accède à la présidence le premier cholo, maître d’école et paysan andin dans l’histoire du Pérou, dans un pays d’une telle importance stratégique, précisément à un moment de revitalisation des luttes populaires et d’ascension de gouvernements de gauche dans la région. Depuis le renversement par un coup d’État de droite du général et président Juan Velasco Alvarado (1975)— également d’origine humble, cholo, du nord des Andes—, l’impérialisme a considéré comme acquise la dépendance docile du Pérou.

En effet, depuis lors tous les occupants du Palais de Pizarro ont été des laquais des États-Unis et de l’oligarchie, pilleurs du trésor public, de connivence avec le pouvoir législatif et judiciaire. Dans ce contexte la dictature d’Alberto Fujimori a joué un rôle fondamental dans l’application du néolibéralisme et la répression des manifestations sociales et, aujourd’hui, le fujimorisme est la force de choc la plus importante de l’extrême droite. La décomposition politique et la crise institutionnelle ont atteint de telles extrémités que, à partir de 2016, le pays a eu quatre présidents au cours des cinq années de la dernière période constitutionnelle.

De son côté Pedro Castillo, homme du Pérou profond qui, à la tête de sa haute charge, continuera selon sa propre décision, de toucher son modeste salaire de maître d’école et dont le programme de gouvernement cherche à favoriser les majorités et défendre l’intérêt national, à la différence des présidents néolibéraux, n’a pas connu un instant de répit depuis son élection à la présidence, il y a 15 jours à peine ; il a subi, tout comme certains de ses collaborateurs, des déferlements de mensonges, de calomnies, d’insultes et de semi-vérités de la part des medias hégémoniques locaux et internationaux, qui se déchainent furieusement contre lui. Ces medias, à part quelques exceptions, énoncent quelques vérités, comme le refus catégorique de Castillo et de ses collaborateurs d’attaquer Cuba et le Venezuela.

Au fil des années ils ont créé un émetteur d’opinions si mensongères et déformées sur ces deux pays – dictatures qui tuent et font disparaître des gens, selon eux, quand en vérité ils sont les plus démocratiques de notre région –, que les mentionner terrorise de nombreuses honnêtes gens. C’est là un thème à débattre sans relâche avec de solides arguments dans la bataille des idées entre les forces populaires et la dictature médiatique mondiale et la poignée de corporations qui les contrôlent. C’est un des faits les plus contraires et préjudiciables même pour la démocratie en marche qui existe dans l’actualité. Sans parler de ce que, dans ce climat, puisse se développer, si ce n’est avec de sérieux contretemps, une démocratie participative et un nouvel ordre constitutionnel comme celui que Castillo a promis dans sa campagne.

Castillo jouit d’un solide soutien social dans les zones qui ont voté pour lui et il est considéré avec sympathie dans beaucoup d’autres, mais il ne compte au Parlement que 37 sièges plus 5 de son allié Juntos por el Perú (Ensemble pour le Pérou) sur un total de 130, et il pourrait être destitué – pour vacance, c’est ainsi que s’appelle cette manœuvre – si la droite parvenait à réunir une majorité de voix ; ce qui n’est pas improbable. Elle pourrait tenter éventuellement un coup d’État. Le faible avantage sur son adversaire ne lui est pas favorable car le fujimorisme a fait avaler à un certain nombre le mantra de la fraude.

Mais il est clair que la symbolique morale de la présidence de Pedro Castillo est d’une importance historique extraordinaire. Rarement la gauche parvient à porter jusqu’à la présidence une personne si représentative, issue directement du monde agricole et de l’enseignement, expression du Pérou de « tous les sangs », de l’ayllu [2]. Un homme dont le projet suscite un grand espoir au Pérou et qui fait équipe avec les autres leaders révolutionnaires et progressistes de la région. Nous, les gouvernements progressistes, nous les forces de gauche et populaires de notre Amérique nous devons rester très vigilants et prêts à empêcher toute manœuvre qui chercherait à renverser notre cher maître et président andin.


Traduction française de Françoise Couëdel.

Source (espagnol) : https://www.alainet.org/es/articulo/213420.

responsabilite


[1Métis d’Indien et de blanc – NdlT.

[2Groupes socio-familiaux dans les communautés indiennes – NdlT.

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