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DIAL 3610
NICARAGUA - La levée par Ortega de l’interdiction d’abattre des arbres encourage le « saccage des ressources forestières »
Rédaction de Confidencial
jeudi 31 mars 2022, mis en ligne par
Au Nicaragua, le gouvernement d’Ortega vient, avec deux décrets pris à la mi-janvier, de lever l’interdiction d’exploitation de différentes espèces d’arbre, accentuant encore l’extractivisme forestier dans un pays où chaque année 180 000 hectares de forêts sont abattus. Article publié sur le site de la revue nicaraguayenne Confidencial le 21 janvier 2022.
L’Assemblée nationale a approuvé deux décrets qui ordonnent de lever l’interdiction d’abattre les arbres des espèces suivantes : le pochote, le cèdre royal et le pin, pour deux ans, reconductibles.
Le régime de Daniel Ortega et de Rosario Murillo a ordonné, par les décrets présidentiels 01-2022 et 02-2022 [1], approuvés par l’Assemblée nationale, de suspendre durant deux ans, reconductibles, l’interdiction de « la coupe, l’usage, le transport et la commercialisation des espèces suivantes : le pochote [2], le cèdre royal et le pin. Il précise que ce dernier pourra même être exploité dans les zones protégées.
« Est suspendue sur tout le territoire national, y compris dans les zones protégées, l’interdiction de la coupe, de l’usage, du transport et de la commercialisation du pin, pour une période de deux ans », indique un article du décret 02-2022.
Le décret 01-2022 précise que dans le cas des forêts de pochote et de cèdre royal l’interdiction est levée « à l’exception des zones protégées et des zones tampon ».
Il stipule aussi que l’Institut national forestier (Inafor) « délivrera de nouveaux permis d’exploitation industrielle à toutes les personnes physiques et juridiques qui respectent les critères établis par les règlements de l’industrie forestière ». Il ordonne en outre de suspendre les restrictions qui interdisent « l’installation de scieries fixes ou mobiles ».
Les deux décrets stipulent que la période de deux ans « pourra être prorogée en s’appuyant sur les études et recommandations techniques et administratives présentées par l’Institut national des forêts (Inafor) avec l’approbation de la Commission nationale des forêts (Conafor) ».
En 2006, l’Assemblée nationale avait voté la « Loi d’interdiction de la coupe, de l’usage et de la commercialisation des ressources forestières » qui établissait, à l’article 1, une interdiction de dix ans, reconductible, pour la coupe et la commercialisation de l’acajou, du cèdre, du pochote, du pin, du manguier et du ceibo.
Néanmoins le gouvernement d’Ortega a approuvé ces dernières années la levée de l’interdiction pour les forêts de pins, et récemment, en 2021, pour les espèces comme le pochote et le cèdre royal.
À cette occasion le gouvernement a avancé comme argument, pour justifier la coupe du pin, du pochote et du cèdre royal, que l’Inafor avait présenté une étude et une recherche « qui ont permis de considérer la levée de l’interdiction de l’exploitation de ces espèces ». Il précise en outre que la Commission nationale forestière « a validé » le rapport technique qui « établit la viabilité de la poursuite de l’exploitation de ces espèces, en conformité avec leur répartition spatiale, leur densité d’implantation et leur répartition diamétrique ».
« La levée de l’interdiction sur les espèces du cèdre royal et du pochote a contribué à dynamiser les activités économiques du secteur, à améliorer le niveau de vie des populations, à créer des emplois directs et indirects et à assurer la durabilité des ressources forestières », indiquent certains des arguments présentés dans le décret présidentiel.
Pillage des ressources naturelles
L’écologiste Amaru Ruíz, de la Fondation del Río, affirme que le but de la levée de l’interdit sur ces trois espèces « est toujours le même – continuer le pillage des ressources forestières du pays ».
« La levée de l’interdiction d’exploitation de ces espèces revient à poursuivre le modèle néo-extractiviste du régime, à en faire bénéficier les capitaux liés aux entreprises forestières nationales dont une partie a des liens avec des personnalités du régime, et, bien sûr, à augmenter les processus de détérioration et de déforestation qui sont à l’œuvre dans le pays », a-t-il déclaré.
D’autres écologistes reconnus comme Jaime Incer Barquero et Víctor Campos, du Centre Humboldt, ont déjà signalé par le passé, lorsqu’ont été votées des mesures de suspension de l’interdiction d’exploitation de certaines espèces, comme le pin, les dégâts que causent les permis octroyés pour la coupe des arbres.
Barquero, dans un rapport de Confidencial de 2016, a mis en garde sur le fait que le pays va se bientôt « se retrouver sans eau » et que les effets du changement climatique « se font déjà sentir », raison pour laquelle « il faut protéger les forêts, productrices d’eau ». Il a ajouté aussi que ceux qui croient que les forêts ne « produisent que du bois » se trompent.
En 2021, Campos a attiré l’attention sur la détérioration que subissent les forêts du pays, indiquant qu’au Nicaragua on abat tous les ans 180 000 hectares de forêt, dont 28% concernent les réserves de Bosawás et de Río San Juan.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3610.
– Traduction de Françoise Couëdel pour Dial.
– Source (espagnol) : Confidencial, 21 janvier 2022.
En cas de reproduction, mentionner au moins les auteurs, la traductrice, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.
[1] Voir les décrets dans l’édition du 19 janvier 2022 du journal officiel : http://digesto.asamblea.gob.ni/cons....
[2] Pachira quinata.