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DIAL 3676
MEXIQUE - Audelia Pastrana, conteuse en langue zapotèque
Diana Manzo
mardi 24 octobre 2023, mis en ligne par
Audelia Pastrana est conteuse. Elle intervient dans des centres culturels, des écoles, lors de fêtes du livres et conte des histoires… en zapotèque. Texte publié par Desinformémonos le 9 octobre 2023.
Unión Hidalgo, Oaxaca. Il fait nuit et dans la galerie Gubidxa, un espace culturel et indépendant de cette communauté zapotèque, une femme à la voix grave, forte et qui parle en zapotèque commence à raconter son enfance. Son nom est Audelia Pastrana Vera, elle a 48 ans est c’est une conteuse zapotèque qui s’exprime dans sa langue en signe de résistance.
Entourée de spectateurs et vêtue de son jupon et huipil, Audelia parle de ses expériences du temps de son enfance dans la septième section de la ville de Juchitán (État d’Oaxaca), dont elle est originaire et elle le fait dans sa langue maternelle. Elle parle ensuite des arbres, de la valeur de cet être naturel et de sa relation avec les êtres humains et la vie. Sur cette même thématique elle parle de Damián et de son père, sa voix pénétre les spectateurs et les conduit à penser aux divers arbres avec lesquels ils ont été en relation tout au long de leur vie.
Au cours de son intervention, à laquelle elle a été conviée par le maître à la retraite Victor Fuentes, qui est en outre militant écologiste et défenseur de la culture, Audelia s’adresse à tous types de publics, des enfants mineurs aux adultes avancés en âge, hommes, femmes et personnes de la diversité sexuelle.
Après avoir été applaudie pour son conte, Audelia écoute attentivement chaque récit – en espagnol ou zapotèque –des personnes présentes et redit que conter est l’une de ses passions.
À la fin de son intervention, interviewée pour Desinformémonos, elle explique ce qu’a été son contact avec le monde littéraire, au sein duquel elle s’est faite remarquer en tant que conteuse traditionnelle qui, où qu’elle aille, y apporte sa langue.
« J’encourage les gens à lire parce que je pense que les livres sont une merveilleuse ressource, un espace proche, voire une bouée de sauvetage, et je le fais dans ma langue zapotèque parce que c’est une façon de montrer à tous comme la lecture est merveilleuse » explique-t-elle.
Pour elle, dialoguer en zapotèque est une façon de préserver une langue et de la maintenir vivante. Cela fait 12 ans qu’Audelia raconte des histoires. La première fois, ce fut quand la maîtresse de maternelle de son fils l’invita, elle put ainsi se rendre compte qu’elle le pouvait, que le courant passait avec les petites filles et les petits garçons qui étaient attentifs, et cela la motiva.
Elle avoue que ses premiers contes, elle les a racontés en espagnol ; elle a parcouru ainsi beaucoup d’écoles. Finalement lorsqu’elle arriva à des écoles où l’on ne parlait que le zapotèque, elle y réfléchit attentivement, car pendant 18 ans elle avait émigré à México et sa mémoire « était endormie ». Cependant, de retour dans sa région d’origine elle s’intégra à la communauté et ressentit le besoin de conter dans sa langue.
« J’aimerais que le réveil de tous ceux qui m’écoutent se fasse à temps, parce que je pense que suis utile à ma communauté, que c’est un complément dans ce chemin de vie » indique-t-elle au cours de l’entretien.
Satisfaite et heureuse de partager ce qu’elle sait faire, Audelia est mère de trois enfants et pour elle ce qu’il y a de mieux quand elle conte des histoires, c’est que les enfants et les jeunes apprennent leur langue maternelle car c’est une part de leur identité.
« Je dis des contes parce que depuis toujours j’ai aimé raconter des histoires, en écouter et en lire, je sens que je m’évade et qu’avec les livres j’ai beaucoup voyagé », insiste-t-elle.
Audelia a un long parcours qui a commencé en 2011, elle a participé à diverses fêtes du livre en y apportant la langue de ses ancêtres et elle assure qu’elle continuera à le faire parce qu’ils représente son monde, ce qu’elle reçoit de ses racines, comme une forme de résistance face au monde globalisé.
« Le zapotèque est une identité et j’ai la chance de ce que des enfants de plus en plus nombreux l’apprennent, si bien que beaucoup s’identifient aux contes, et ça c’est plus que satisfaisant, car c’est de cela dont il s’agit, de revitaliser, de redonner vie à ce qui est nôtre, à ce que nous sommes toutes et tous », conclue-t-elle.
– Dial – Diffusion de l’information sur l’Amérique latine – D 3676.
– Traduction d’Annie Damidot pour Dial.
– Source (espagnol) : Desinformémonos, 9 octobre 2023.
En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la traductrice, la source française (Dial - www.dial-infos.org) et l’adresse internet de l’article.