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DIAL 2737

PÉROU - Gestion participative d’un district populaire urbain : L’experience de Villa El Salvador

Denis Sulmont

jeudi 1er juillet 2004, par Dial

L’histoire de Villa El Salvador commence en 1971 avec l’occupation de terrains vagues par 200 familles : c’est le début d’une expérience pilote d’aménagement urbain et de participation sociale, de projet autogestionnaire. Une organisation communale territoriale est couplée à une organisation par secteurs d’activités. Un plan de développement est élaborée qui est une pièce maîtresse du dispositif. En pleine crise économique, les femmes créent les cantines populaires et les comités du verre de lait, affirmant du même coup leurs droits et leurs capacités d’action. Un parc industriel voit le jour, actuellement en plein essor. La mise en route du budget participatif devient un instrument de décision permettant de combiner démocratie représentative et démocratie participative. C’est ce que nous fait découvrir ici même Denis Sulmont, sociologue et universitaire au Pérou, losqu’il décrit avec rigueur l’histoire, le fonctionnement et les choix essentiels de Villa El Salvador. Ce texte provient de son intervention au Forum « Les alternatives latino-américaines » organisé par DIAL à Lyon les 23 et 24 avril 2004.


Notre propos est de présenter les principales caractéristiques de l’expérience de gestion participative de Villa El Salvador, un des grands districts populaires du sud de Lima, considérée comme un modèle. Sans idéaliser cette expérience, nous examinerons l’évolution du projet qui l’inspire, les difficultés qu’elle a affrontées et les réponses qu’elle apporte aux nouveaux défis actuels, particulièrement en ce qui concerne la planification concertée du développement local et la mise œuvre du budget participatif par le gouvernement municipal.

Trente trois ans de gestion participative

Villa El Salvador est née en 1971 à partir de l’adjudication d’une vaste extension désertique au sud de Lima pour reloger les familles pauvres participant aux occupations de terrains. La constitution de ce nouveau pueblo joven (peuple jeune) - nom qui remplaça alors celui de barriada - donna lieu à une expérience inédite de gestion urbaine participative. Villa El Salvador est aujourd’hui un district de 350 000 habitants qui continue à s’accroître, une ville pauvre mais propre et ordonnée, plantée d’arbres, dotée de centres éducatifs et d’un réseaux d’organisations populaires, une cité urbaine qui a su créer et défendre ses institutions, forger une identité locale et planifier son développement, qui dispose d’un parc industriel dynamique et qui a commencé à gérer de façon participative son budget municipal.

Villa El Salvador, ville née du désert et de la pauvreté est devenue un modèle. Plusieurs quartiers populaires s’inspirent de son expérience. Elle fut le point culminant choisi par le Pape Jean Paul II lors de sa visite au Pérou. Elle reçut le prix Príncipe des Asturias [1] de la Concorde et de la Liberté. Les Nations unies la déclarèrent « ville Messagère de la paix ».

Villa El Salvador a traversé des circonstances difficiles. En particulier, elle a dû faire face à trois difficultés majeures :

1 - La crise de l’économie péruvienne, persistante depuis 1975, qui a entraîné la précarisation des emplois, la chute des revenus et l’augmentation de la population en situation de pauvreté [2]. C’est en réponse à cette situation que se sont multipliées les différentes organisations de survie alimentaire – en particulier les cantines populaires et les comités de verre de lait – ainsi que les activités informelles, les micro-entreprises et d’autres initiatives économiques de la population. C’est aussi dans ce contexte que le projet du parc industriel a dû trouver sa voie.

2 - L’offensive politique terroriste du Sentier lumineux, du début des années 80 au début des années 90, visant à liquider le modèle de développement et de démocratie locale mis en pratique à Villa El Salvador. Cette offensive coûta la vie à de nombreux dirigeants, en particulier María Elena Moyano, remarquable leader de la Fédération des femmes de Villa El Salvador, maire adjoint et figure emblématique de la lutte contre le terroriste.

3 - Le contexte du gouvernement de Fujimori durant les années 90, marqué par le discrédit des partis politiques et l’instauration d’un régime autoritaire qui fomenta la corruption et aggrava la crise des institutions publiques. Ce gouvernement contribua a la désorganisation de la population et entraîna une crise du gouvernement municipal. Cette situation suscita cependant une réaction qui se consolidera à partir de l’élaboration et la gestion participative d’un nouveau « Plan intégral de développement », et la mise en œuvre du budget participatif.

Fondement du projet

Villa El Salvador est née à la suite d’une des innombrables invasions de terrains organisée par les immigrants d’origine rurale et les habitants des quartiers pauvres surpeuplés, dans le but de conquérir un espace où se loger. C’est ainsi que se sont constitués, à partir des années 50 notamment, les immenses quartiers populaires, appelés originellement barriadas, qui entourent Lima et où résident actuellement plus de la moitié de ses huit millions d’habitants.

Une série de circonstances et d’initiatives ont fait de Villa El Salvador une expérience pas comme les autres.

L’histoire commence en 1971 par l’occupation d’un terrain vague par environ 200 familles. La police intervient, provoquant la mort d’un des occupants, Edilberto Ramos Quispe, considéré par la suite comme premier martyr de Villa El Salvador. Un évêque du diocèse de Lima ayant manifesté sa solidarité avec la population est arrêté après avoir célébré la messe sur les lieux. Le scandale ainsi provoqué entraînera la destitution du ministre de l’intérieur et donnera lieu à une décision importante du gouvernement militaire réformiste du général Velasco : adjuger un vaste espace libre au sud de Lima, pour pouvoir y installer les familles pauvres en quête de logement, et y mettre en place une expérience pilote d’aménagement urbain et de participation sociale. Certains dirigeants politiques imprimèrent à ce projet une orientation plus radicale : faire de Villa El Salvador le laboratoire d’une ville autogestionnaire. Avec l’appui du Système national de mobilisation sociale (SINAMOS), la population fut organisée aux différents niveaux de la structure territoriale. Quelques années plus tard, le gouvernement militaire abandonnera sa politique réformiste et son soutien au projet participatif de Villa El Salvador.

Mais l’Etat n’a pas été le seul à intervenir. L’Eglise joue dès le début un rôle très actif, à partir de l’organisation paroissienne, les communautés chrétiennes de base et la promotion de l’éducation. Les premières écoles primaires et secondaires réunissent des jeunes professeurs engagés dans la réforme de l’éducation - parmi eux, Michel Azcueta qui sera plus tard trois fois maire de Villa El Salvador. Un groupe de jeunes constitue un Centre de communication populaire qui cultive la musique, le théâtre, le cinéma, la presse écrite, la radio et la télévision. Ces initiatives contribueront à la constitution d’une identité et d’un projet commun, ainsi qu’à la formation d’un bon nombre de futurs dirigeants.
Faisant un bilan de Villa El Salvador en 1991, Michel Azcueta observe : « Ce qui à mon avis est réellement extraordinaire, c’est qu’en dix ou douze ans le peuple et la communauté de Villa El Salvador se sont dotés d’une identité propre, richesse que plus personne ne pourra lui retirer et qui peut être partagée avec les autres peuples du Pérou. (…) L’organisation communale donna l’unité qui est nécessaire pour construire l’identité propre. Ce ne fut pas seulement une unité idéologique (urbaine et populaire), mais aussi une unité géographique et territoriale. Cela a été une des clefs de Villa El Salvador [3]. »

Organisation communale et gouvernement municipal

Le système de participation sociale mis en place à Villa El Salvador repose tout d’abord sur l’organisation communale, appelée familièrement vecinal, c’est-à-dire des vecinos (voisins), terme qui exprime un lien de proximité et un sentiment de solidarité. La conception urbanistique vise à favoriser cette organisation. Les « lots » (unités de résidence familiale) sont groupés autour d’un espace commun, qui sert à la fois de place de parc public et de lieu d’aménagement de services collectifs (crèche, poste de santé, installations sportives, etc.). L’ensemble de 24 lots constitue une manzana (pâté de maisons). Les pâtés de maisons sont réunis en « groupes résidentiels », et ceux-ci en « secteurs ».

La base de l’organisation communale est le « Comité de pâté de maisons ». Celui-ci est composé de 5 dirigeants élus par les vecinos, chaque dirigeant étant chargé d’une responsabilité spécifique : santé, éducation, production et services, commerce, et sécurité. Les vecinos participent également à l’élection des dirigeants du groupe résidentiel dont ils font partie. L’organisation au niveau du groupe résidentiel comprend une Junte de direction centrale et des secrétariats dont les fonctions coïncident avec celles des comités de pâtés de maisons. Finalement l’ensemble s’articule autour d’une instance constituée en 1974 sous le nom de « Communauté urbaine autogestionnaire de Villa El Salvador » (CUAVES). Cette instance dépend d’une Assemblée générale, et comprend un Conseil exécutif communal et un ensemble de secrétariats et conseils spécialisés.

A l’organisation communale territoriale s’ajoute l’organisation appelée « fonctionnelle » ou « sectorielle ». Celle-ci comprend un large éventail d’associations constituées sur la base de l’appartenance à un secteur d’activité ou un groupe d’intérêt particulier. Parmi elles se trouvent les comités de verre de lait et des cantines populaires, les associations de petits producteurs, les associations de commerçants, les comités de promoteurs de santé.

Structure de l’organisation communale

Communauté urbaine autogestionnaire
de Villa El Salvador (CUAVES)
- Conseil exécutif communal
Groupes résidentiels - représentants de 16 « Comités de manzanas »
« Comités de manzanas » - 24 familles élisent 5 dirigeants

L’organisation communale offre également des « espaces de concertation », où participent les jeunes, les adultes et différents groupes convoqués autour de thèmes spécifiques.

Parallèlement à la mise en place des structures de participation communale, les leaders du projet de Villa El Salvador se dédièrent à la formulation d’un ambitieux plan de développement. Les réalités économiques et le climat politique devenu défavorable imposèrent de sévères limites à l’exécution de ce plan, ce qui motiva une forte mobilisation de la population, soutenue par les organisations communales, pour faire pression sur les autorités politiques et le gouvernement central. La combinaison entre l’affirmation d’une perspective stratégique de développement, l’organisation de la population et sa capacité de mobilisation a permis au projet de Villa El Salvador de progresser malgré tout. L’accès au courant électrique et l’eau potable à partir de 1975 marque une étape décisive. En 1980 commence la construction des lagunes de traitement des eaux usées destinées à irriguer la zone agricole. Les services de santé et d’éducation se multiplient. La population augmente et exige de nouveaux lotissements et l’extension de la zone urbaine.

La multiplication des demandes sociales et la croissante complexité de la vie urbaine exigent une plus grande capacité de gestion des autorités communales. Les contradictions s‘accentuent au sein de la CUAVES qui est sur le point de se désintégrer au début des années 80. La conception autogestionnaire initiale se révèle insuffisante. Un débat a lieu entre les dirigeants, certains - nommés cuavistas - s’affèrent au modèle originel , d’autres - à la tête desquels se situe Michel Azcueta - sont partisans de la constitution d’un gouvernement municipal articulé avec l’organisation communale permettant un mode de gestion participative.

En 1983, Villa El Salvador obtient d’être reconnue officiellement comme district doté d’une mairie et d’un gouvernement municipal. La même année, le front uni des partis de gauche gagne les élections municipales à Lima. A Villa El Salvador, Michel Azcueta est élu maire. La CUAVES et la municipalité s’engagent alors formellement à coordonner leur action autour d’un Plan de développement réactualisé, et accordent que « la loi communale est la loi municipale ». Une série de commissions mixtes de travail s’installent entre les deux instances. Malgré les conflits politiques aggravés par l’infiltration de Sentier lumineux, la coordination entre l’organisation communale et le gouvernement municipal portera des fruits. Différents projets du Plan intégral de développement commencent à devenir une réalité.

A la fin des années 80, la structure de gestion participative de Villa El Salvador comprend environ 4 000 espaces différents, répartis entre quatre modalités : vecinal territoriale, fonctionnelle ou sectorielle, municipale, et rencontres ou articulations [4].

Organisation et mobilisation des femmes

À partir de 1983, en réponse à la crise économique, se met en place le programme du verre de lait à Villa El Salvador, de même que dans la plupart des quartiers populaires de la capitale. Des groupes de famille en situation d’extrême pauvreté se constituent en comités qui, en coordination avec la municipalité, assurent chaque matin une ration de lait aux enfants de moins de 6 ans. Plus de trente mille rations sont distribuées quotidiennement. Parallèlement se constituent les comedores populares (cantines populaires), organisations des mères de familles qui mettent en commun l’achat et la préparation des aliments.
Les comités du verre de lait et les cantines populaires reposent fondamentalement sur la responsabilité et le travail collectifs des femmes. Elles dépendent en partie des subsides de l’Etat, de l’Eglise et des agences d’aide sociale. Mais ces subsides sont limités. Dans le cas des cantines populaires, 90% des coûts sont assumés par les familles elles-mêmes. Ces organisations ont permis de mettre en place des programmes de vigilance nutritionnelle et de prévention de la santé des enfants. Elles facilitent la réalisation de programme de formation. Elles donnèrent lieu à une mobilisation des femmes qui exerça une influence sur les politiques sociales aux niveaux local et national.

Instruments pour répondre aux besoins élémentaires des familles, les comités du verre de lait et les cantines populaires représentent aussi pour les femmes la possibilité d’accéder à un espace publique propice à leur affirmation individuelle et collective, à la prise de conscience de leurs droits et capacité d’action. Elles constituent la base de l’organisation des femmes, en particulier la Fédération populaire des femmes de Villa El Salvador, d’où surgiront d’importants leaders comme Maria Elena Moyano. Elles furent l’objet également de manipulations, de conflits d’intérêts personnels et politiques.

Promotion du parc industriel

Une des idées-force de Villa El Salvador dès le début a été d’en faire non pas une ville-dortoir, mais un ville productive. Le projet initial réserve pour cela deux zones importantes, l’une dédiée à la production agricole et l’autre à l’installation d’un parc industriel. Ces zones devront être fermement défendues par les autorités communales contre les nouvelles occupations de terrain.

Le parc industriel se constitue formellement en 1988, avec l’aval du gouvernement péruvien et des Nations unies, ainsi que l’appui de la coopération internationale. La direction du projet est alors assumée par un organisme appelé « Direction autonome du parc industriel » comprenant le maire du district, le secrétaire général de la CUAVES, et les représentants de l’Association des petits et moyens entrepreneurs (APEMIVES), du gouvernement central, du ministère de l’industrie et de la corporation financière de développement de l’Etat.

Le projet aura du mal à prendre corps, se heurtant à une série de problèmes liés d’une part à l’aggravation de la crise économique, et d’autre part à l’excessive dimension et la centralisation des lots industriels, prévus initialement pour des entreprises de plus grande taille. A cela s’ajouteront les conflits politiques exacerbés par le Sentier lumineux.

Petit à petit, cependant, se constitua un réseau de petites entreprises groupées autour de sept secteurs productifs : meuble, métal-mécanique, habillement, chaussure, artisanat, fonderie et aliments.

En 1996, le gouvernement central décida de dissoudre la Direction autonome du parc industriel, de transférer les lots directement aux producteurs, et d’assigner à la municipalité du district la propriété et l’administration des terrains dédiées aux services collectifs. Cette restructuration favorisa l’essor des initiatives conjointes des producteurs et du gouvernement municipal. Celui-ci créa une Direction municipale de développement économique, qui adopta une stratégie de promotion commerciale à travers l’organisation de foires sectorielles locales. La municipalité institutionnalisa les « tables de concertation de la petite entreprise de Villa El Salvador » réunissant la Direction de développement économique, les associations de producteurs et les organisations non gouvernementales impliquées dans le district.
Environ 1 200 entreprises opèrent dans le cadre du parc industriel de Villa El Salvador, employant 15 000 personnes en l’an 2000. En grande majorité ce sont des micro et petites entreprises où travaillent entre 6 et 10 personnes. Près de 50 % d’entre elles utilisent l’espace productif comme habitat familial.

L’assistance technique aux petites entreprises du parc industriel mit l’accent sur la qualité de la production et la promotion commerciale. Grâce à cela, plusieurs se sont converties en fournisseurs des grands magasins de Lima, et commencent à exporter. Actuellement un groupe d’entrepreneurs effectuent des démarches pour enregistrer une marque collective « PIVES » afin d’identifier leurs produits sur le marché.
L’essor du parc industriel est particulièrement visible ces dernières années. Villa el Salvador est devenue le principal producteur de meubles du Pérou [5] et l’un des plus importants dans le domaine de l’habillement des articles de cuir.

Parc industriel de Villa El Salvador 2003

Secteurs productifs % de l’emploi
Meubles 46
Métal mécanique 19
Habillement 12
Artisanat 7
Fonderie 6
Chaussure 6
Aliments et autres 4
TOTAL 100

Source : FOVIDA

Planification et concertation pour le développement

L’expérience de Villa El Salvador repose sur la participation de la population organisée à un processus persistant de planification du développement local. Ce processus s’est effectué à travers l’élaboration et l’exécution de trois plans de développement.

Le premier plan (1973-1980) systématise le projet initial approuvé par le gouvernement militaire réformiste de Velasco Alvarado, sous l’influence d’un groupe d’experts et de dirigeants politiques dont la perspective autogestionnaire trouva un écho favorable au sein de la population. Ce premier plan coïncide avec la constitution de la Communauté autogestionnaire (CUAVES).

Le deuxième Plan intégral de développement (1983-1989) est élaboré a partir de la municipalité récemment constituée, en coordination avec la CUAVES. Ses objectifs consistent à consolider les bases du projet urbain et mettre en oeuvre la production agricole et le parc industriel. L’application de ce deuxième plan sera de plus en plus contrariée par l’aggravation de la récession économique, la violence et la crise municipale. La planification fut pratiquement interrompue pendant près de dix ans.

Le troisième Plan intégral de développement (2001-2010) est élaboré au cours de 1999 à travers un processus systématique de consultation, de débat social et de décisions avec la participation conjointe de la population, des dirigeants, des organisations sociales et des institutions gouvernementales et non gouvernementales. Cette stratégie appelée « bases d’une concertation pour le développement » est appliquée en deux étapes : la première correspond à la formulation et l’approbation du plan ; la deuxième, sa mise en oeuvre à travers la gestion participative. Examinons les principaux composants de chacune de ces étapes.

Première étape : formulation et approbation du plan intégral de développement

Cette étape, effectuée entre février et novembre 1999, comprend la réalisation des activités suivantes :

1 - Forum « Participation, concertation et développement humain » auquel participent plus de mille délégués. Il suscite un dialogue et des prises de position autour des thèmes fondamentaux (santé, éducation, production et commerce, gobernabilidad). On y accorde la formation d’un comité technique chargé de mobiliser la population à travers les espaces de discussion successifs.

2 - Ateliers par thèmes et par territoires. La dynamique de travail de ces ateliers est soutenue par des équipes professionnelles de la municipalité et des organisations non gouvernementales.

3 - Consultations itinérantes dans les quartiers et sondages d’opinion.

4 - Rencontre de femmes.

5 - « Conclave de district » qui réunit l’ensemble des acteurs du district, lesquels élaborent une vision commune du développement et les objectifs stratégiques pour les dix prochaines années.

6 - « Consultation citoyenne » qui convoque les habitants à partir de 16 ans à voter pour valider la vision et établir les priorités des objectifs stratégiques. Les résultats de cette consultation sont résumés dans le tableau suivant.

Consultation citoyenne réalisée à Villa El Salvador (14 novembre 1999)

- Nombre de votants : 50 000

- Approbation de la vision de développement : 84 %
« Villa El Salvador est un district de producteurs, leader, organisé et générateur de richesse. C’est une ville moderne et salutaire, d’hommes et des femmes de toutes les générations, qui possèdent des valeurs humaines et ont les mêmes droits d’accès à la formation et la réalisation, et qui participent démocratiquement à la gestion de leur développement. »
Objectifs stratégiques selon l’ordre de priorité
défini par la population :
- 1. Ville salutaire, propre et verte (63 %)
 2. Communauté éducative (41 %)
 3. District producteur et générateur de richesses (35 %)
 4. Communauté leader et solidaire (25 %)
 5. Communauté démocratique (21 %)
(Chaque électeur choisit 2 objectifs parmi les 5 proposés sur le bulletin de vote).

Deuxième étape : gestion du Plan intégral de développement 2001-2010

Cette étape commence par la définition des instruments et des procédures pour mettre en oeuvre le Plan intégral de développement. Dans ce but, le gouvernement municipal convoque un deuxième « Conclave de district » chargé de préciser les modalités de gestion participative du Plan intégral de développement et en particulier la mise en place du « budget participatif ». Sont convoqués également des ateliers thématiques et par unité de territoire.

Le modèle de gestion accordé fonctionne à partir des instances suivantes :

1 - Les Comités de développement territorial, constitués dans chacun des « territoires » ou secteurs qui forment le district.

2 - Les Agences municipales de développement, créées par la municipalité pour renforcer sa capacité d’action au niveau des territoires et faciliter la participation communale dans la mise en œuvre du budget participatif.

3 - Les Tables de concertation thématiques (instances spécialisées couvrant les domaines de l’éducation, la santé, l’environnement, la jeunesse, les petites entreprises, la sécurité citoyenne, etc.).

La conception de ce modèle vise à la fois à consolider la municipalité comme promoteur du développement local, assurer la participation communale et institutionnaliser la concertation systématique entre le gouvernement municipal et les différentes institutions publiques et privées.

Budget municipal et participatif

En 2000, le gouvernement municipal de Villa El Salvador décide d’utiliser le budget participatif comme un instrument de décision et de gestion démocratique pour l’usage des ressources assignées du budget municipal en fonction du Plan intégral de développement du district.
Cette décision s’inspire des expériences développées depuis 1989 à Porto Alegre et d’autres villes en Amérique latine [6]. Elle coïncide avec la préoccupation de renforcer la légitimité démocratique et l’efficience de la gestion urbaine, en combinant l’exercice de la démocratie représentative et la démocratie participative [7].

Pour mettre en pratique le budget participatif, la municipalité de Villa El Salvador accepte d’assigner chaque année à cet effet un pourcentage du Fond de compensation municipal, qui correspond aux transferts du gouvernement central destinés aux projets d’investissement de chaque municipalité. Ce pourcentage est fixé à 35% à partir de l’année 2000. Le budget prévoit également un apport de la communauté, sous la forme de travail, matériaux et services, principalement, équivalent à 20 % du projet.

Le montant total ainsi défini est réparti entre les différents territoires du district, tenant compte des critères suivants : volume de la population, niveau de pauvreté, contribution fiscale et participation sociale.
Une fois établie la répartition territoriale du budget, le gouvernement municipal convoque la population et les organisations du district à participer au processus de formulation, approbation, exécution et évaluation de projets financés par le budget participatif [8].

Les étapes postérieures du processus sont les suivantes :

1 - Définition des priorités et prise de décision sur les projets et travaux à exécuter au niveau de chaque territoire

2 - Evaluation technique des projets sélectionnés

3 - Elaboration du dossier technique

4 - Signature des contrats

5 - Exécution des projets

6 - Liquidation des travaux

7 - Evaluation et bilan comptable

Les critères établis pour décider de la priorité des projets sont les suivants :

1 - Identification avec les objectifs du Plan intégral de développement

2 - Viabilité technique et légale

3 - Attention à la population en situation d’extrême pauvreté, aux groupes vulnérables

4 - Niveau de participation de la population et des dirigeants

Le montant total assigné chaque année au budget participatif de Villa El Salvador est très limité, et ne peut couvrir jusqu’à présent que des projets très modestes. Cependant ces projets qui répondent à des nécessités locales concrètes formulées par la population sont clairement reliés au Plan intégral de développement.

Les initiatives du gouvernement local de Villa El Salvador dans le domaine de la planification du développement et le budget participatif font partie d’un processus politique plus ample que vit le Pérou, marqué par la « transition démocratique » post Fujimori, dont un des thèmes les plus importants concerne la décentralisation. La Loi organique des municipalités promulguée en 2003 par le gouvernement d’Alejandro Toledo exige de la part des autorités locales l’élaboration concertée d’un Plan de développement et la mise en place d’un budget participatif comme condition pour le transfert des ressources du gouvernement central. Cette même condition est exigée des gouvernements régionaux.

Distribution du budget participatif 2000, territoire I

Projets Objectifs du plan intégral de développement Total en US $
Construction d’une crêche Education 40 800
Mini complexes sportifs Education 6 800
Aménagement d’un espace vert Communauté salutaire, propre et verte 13 600
Centre de santé Communauté salutaire, propre et verte 6 800
Total 68 000

Source : FOVIDA, CAPIS, 2003.

Conclusions

Essayons de résumer l’évolution du mode de gestion urbaine de Villa El Salvador.

1 - L’expérience de Villa El Salvador s’est structurée à partir d’un projet autogestionnaire fondé sur l’organisation communale. Cette première étape a contribué à créer une identité locale et faire surgir plusieurs générations de dirigeants.

2 - Le projet autogestionnaire s’est associé à un projet de développement qui a donné lieu à une structure urbaine ordonnée et la constitution d’un pôle d’activités productives et commerciales à partir des petites entreprises réunies autour d’un parc industriel.

3 - L’expansion urbaine a rendu nécessaires la reconnaissance officielle du district et la formation d’un gouvernement municipal, lequel introduisit une nouvelle forme de participation et représentation politique de la population.

4 - Plutôt que de s’opposer à l’autogestion communale, les nouvelles autorités municipales ont cherché à articuler à leur gestion. Cette décision stimula une dynamique de concertation entre les représentants de la société civile et le gouvernement local, non sans tensions ni conflits.

5 - Le développement urbain et l’expansion de nouveaux secteurs qui débordent la ville signifient la diversification des nécessités, des intérêts et des formes de mobilisation de la population.

6 - La stratégie municipale actuelle de Villa El Salvador est centrée sur la formulation et la gestion concertées d’un Plan intégral de développement, dont le budget participatif constitue un des instruments décisifs.

En cas de reproduction,
mentionner la source DIAL


 Dial – Diffusion d’information sur l’Amérique latine – D 2737.
 Traduction Dial.
 Source (espagnol) : Intervention au Forum « Les alternatives latino-américaines » organisé par DIAL à Lyon les 23 et 24 avril 2004.

En cas de reproduction, mentionner au moins l’auteur, la source française (Dial) et l’adresse internet de l’article.

responsabilite


[1Prince des Asturies.

[2En 2000, on estime que 56 % de la population de Villa El Salvador se trouve en situation de pauvreté (INEI, Encuesta Nacional de Hogares 2000).

[3« El pueblo construye su identidad », La República, 11 mai 1991.

[4Modalité qui se développera plus tard sous le nom « d’espaces de concertation territorielle ou thématique ».

[5Le Centre d’innovation technologique du bois (CITEMADERA) crée en 1991 s’installa à Villa El Salvador.

[6L’intérêt pour ce type d’expérience donnera lieu à la réalisation en juillet 2000 à Villa El Salvador d’une Rencontre internationale sur le budget participatif, à laquelle assistent des autorités des villes de Santo André et Puerto Alegre (Brésil), Guyana (Venezuela), Montevideo (Uruguay) et le programme urbain des Nations unies.

[7L’expérience de Porto Alegre montre que le budget participatif offre les avantages suivants : 1) il incorpore concrètement les citoyens dans le débat et les décisions politiques ; 2) il contribue à consolider une société civile plus active ; 3) il permet une meilleure distribution des ressources de la ville ; 4) il stimule la performance du gouvernement local en ce qui concerne la prestation des services et la gestion publique ; 5) il contribue à réduire les pratiques de corruption et de clientélisme (Utzig, 2000).

[8A partir de 2003, cette convocation se fera à travers le Comité de coordination local, créé par la nouvelle Loi organique des municipalités, organe conformé par les autorités locales et les principaux représentants de la société civile.

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